La cérémonie de remise du prix départemental des métiers d’arts s’est tenue lundi 9 décembre 2024 dans le hall de l’Hôtel du Département à Orléans. Sa vocation ? Désigner chaque année des artisans qui, en plus de l’amour de leur métier, excellent dans leur branche.
Six artisans ont candidaté, cette année, pour le prix départemental des métiers d’art, métiers de la tradition, restauration et conservation. Créé afin de promouvoir l’excellence des savoir-faire des professionnels des métiers d’art, il permet au lauréat de concourir ensuite au prix régional.
La Chambre de métiers et de l’artisanat Centre-Val de Loire centralise les candidatures et soutient les compétiteurs dans la rédaction des dossiers. Le Département du Loiret organise le jury, composé de huit membres avec une représentation équilibrée du monde professionnel, culturel et éducatif, et la remise du prix.
Les aspirants sont jugés sur dossier et sur présentation, en vingt minutes, d’une œuvre réalisée depuis moins de trois ans. Trois points sont passés au crible :
- la qualité de l’œuvre : aspects technique et esthétique ;
- l’artisan et son entreprise (parcours personnel et professionnel, transmission du savoir, production, aspect commercial et communication) ;
- la qualité du dossier présenté.
La cérémonie... Le lauréat
Lundi 9 décembre, à l’Hôtel du Département, Laurent Zakowsky, qui avait déjà concouru il y a cinq ans et remporté le deuxième prix*, a été déclaré premier lauréat 2024. Il a reçu le diplôme du premier prix, un chèque de sept cents euros et l’ouvrage Femmes artistes.
Il a postulé avec un violon parisien, du 18e siècle fabriqué par Louis Guersan, qu’il a restauré. En effet, l’instrument avait été partiellement brûlé.
« C’était un énorme travail car le violon était très abîmé. Il appartient à un violoniste professionnel qui en a hérité lorsque son grand-père a arrêté sa carrière tandis que lui débutait la sienne. Il y tient beaucoup. Il m’a demandé de le restaurer, de respecter sa sonorité, autrement dit sa structure, et les marques d’usure du temps, comme les cicatrices, qui en font son identité. Je me suis demandé quelles techniques utiliser pour y parvenir. En deux cent cinquante ans, l’instrument, transformé plusieurs fois, réaménagé au 19e siècle, correspondait au jeu moderne. Son propriétaire souhaitait que je lui rende son dernier état. J’ai réalisé des greffes à certains endroits, démonté le violon, choisi le bois, poncé, poli, réassemblé, vernis… tout en conservant au maximum les morceaux originaux. C’est un travail de grande patience qui m’a pris deux mois pendant lesquels je me suis régalé ! Je suis empreint d’un sentiment paradoxal, combinant à la fois fierté et humilité. Une sensation tout à fait délicieuse. »
Qui est Laurent Zakowsky ?
C'est dans un petit atelier, avec d'anciennes tomettes que l'artisan aux doigts d'or nous reçoit. Vêtu d'un pull où sont accrochés des sciures de bois et d'un tablier, il nous présente le lieu. Des outils bien alignés : râpes ; ciseaux à bois ; gouges ; rabots... Il y a aussi un tampon pour signer ses créations, de la colle, de quoi poncer, du vernis...
Posés contre un autre mur, du petit matériel électrique au-dessus desquels sont stockés des morceaux de bois. De nombreux CD sont disposés dans une étagère. Un chevalet où repose une partition et un violon alto sont à portée de main de Laurent Zakowsky. Et des violons de sa création, terminés ou en passe de l'être, et guitares sont accrochés.
« À quinze ans, comme j’étais mélomane, j’ai intégré une école de lutherie. Là, j’ai aussi suivi des cours de violon, puis, joué dans un orchestre. »
Ce luthier, installé à son compte depuis dix ans, totalise quarante ans de carrière. Il a travaillé vingt ans en restauration et vingt autres en création. Aujourd’hui spécialisé en violon alto, plus gros et plus grave que son cousin, il les fabrique. Inscrit au conservatoire en alto justement, il comprend mieux les désirs des musiciens.
À l’école, il a appris à créer des violons de A à Z sans machine électrique : « Le délai de réalisation est d'un mois à un mois et demi pour un alto de très belle qualité. J’ai été contacté par des parents d’élèves du conservatoire. Ils m'ont demandé de fabriquer, pour leurs enfants qui ont déjà quelques années d'apprentissage du violon, des altos d'une qualité meilleure que celle proposée par les industriels mais pas aussi chers que ceux fabriqués entièrement à la main. Je me suis penché sur la question et ai réussi à y parvenir. Je propose donc des instruments à 3 000 euros qui sortent de mon atelier en quinze jours ! Ainsi j’en fabrique une vingtaine par an.
Les instruments de musique sont source d’émotions. Les musiciens ressentent un véritable amour pour leur violon. Mais j’aime aussi me pencher sur la partie plus scientifique. Il faut savoir que dans le milieu de la musique classique, on ne se plaint pas, afin de ne pas passer pour le maillon faible de l’équipe. Pourtant, un altiste de cinquante ans est venu me voir, perclus de troubles musculosquelettiques qui ne souhaitait pas renoncer à son métier. Alors, j’ai travaillé avec des acousticiens, kinésithérapeutes, ergonomes, musiciens… pour mettre au point un violon alto qui a le même poids qu’un violon. Je l'ai conçu en deux ans ! »
Édith Combe
*En 2019 : médaille d’argent : Laurent Zakowski, artisan luthier-facteur d’instruments à Orléans pour sa pièce Lira Da Vinci - lauréat du prix départemental des métiers d’art 2019 organisé par le Conseil départemental et la CMA Loiret.