Politique étrangère - Entretien de Christophe Lemoine, porte-parole du ministère de l'Europe et Affaires étrangères, avec "France Info" (Paris, 25.11.24)

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Q - Bonjour, Christophe Lemoine.

R - Bonjour.

Q - Merci d’être avec nous sur "France Info", porte-parole du ministère des affaires étrangères. On vient de raconter l’histoire de Boualem Sansal. D’abord, juste une question, rapidement : est-ce que vous avez des nouvelles de l’écrivain ?

R - Comme le Président de la République et le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères l’ont dit, il y a une très forte préoccupation sur sa situation et tous les services de l’Etat sont pleinement mobilisés. Le Ministre suit la situation de près. Donc il y a, encore une fois, une attention très forte qui est accordée à la situation de Boualem Sansal.

Q - Est-ce que la France a demandé officiellement sa libération ?

R - Encore une fois, c’est une situation qui est suivie au plus haut niveau et tout est fait pour que sa situation puisse aller dans le bon sens.

Q - Merci d’avoir apporté ces précisions. On parle aussi évidemment des deux guerres qui nous occupent, celle au Proche-Orient et celle en Ukraine. D’abord, jeudi dernier, on a appris que la Cour pénale internationale avait délivré un mandat d’arrêt international contre Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s’est exprimé hier sur ce mandat d’arrêt.

(…)

Q - Une réponse du chef de la diplomatie française, qui dit que c’est une question hypothétique. C’est quand même une question symbolique. Concrètement, si le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, venait en France, il serait arrêté ?

R - Alors, je reprendrai les mots que le Ministre a employés hier soir, c’est-à-dire que la France respecte et respectera le droit international.

Q - Donc oui ?

R - La question se pose de manière hypothétique, c’est évidemment ce qu’il a dit. L’occurrence ne se présente pas aujourd’hui. Il y a toujours eu de la part de la France un attachement au droit international. Nous avons par ailleurs exprimé des condamnations pour les questions d’accès d’aide humanitaire à Gaza et différentes situations qui, selon nous, étaient contraires au droit international. Nous avons toujours appelé au respect du droit international et nous le ferons encore à nouveau. Mais encore une fois, la question de la venue de M. Netanyahou ne se pose pas pour le moment.

Q - Est-ce que - selon vous, en tout cas - il est responsable de crimes de guerre, Benyamin Netanyahou ?

R - Mais ça, c’est une question qui est posée justement à la justice internationale. C’est la justice internationale qui répondra à cette question. C’est tout l’enjeu de la procédure qui est lancée devant la Cour pénale internationale.

Q - Donc vous respecterez la décision si jamais Benyamin Netanyahou venait dans l’Hexagone ?

R - Encore une fois, il y a un attachement de la France au droit international. Le Ministre l’a dit hier et nous le respecterons. Encore une fois, c’est une question hypothétique, mais nous respecterons le droit international.

Q - Jean-Noël Barrot, qui a aussi appelé hier Israël et les Libanais à se saisir d’une fenêtre d’opportunité, c’est ce qu’il a dit pour un cessez-le-feu.

R - Oui absolument, puisque la situation demeure préoccupante au Liban.

Q - Aujourd’hui encore ?

R - Aujourd’hui encore, ce week-end encore, il y a eu des frappes. Et depuis le début des frappes, la France appelle l’ensemble des parties à mettre en place un cessez-le-feu. Ça a été notamment l’objet d’une initiative franco-américaine qui a été portée par le Ministre lors de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre. Ce sont des discussions qui continuent à l’heure actuelle, dans lesquelles nous sommes impliqués. Nous poussons pour l’obtention d’un cessez-le-feu, qui est la première étape avant de pouvoir obtenir un règlement diplomatique de la situation.

Q - Et est-ce que les discussions avancent sur ce cessez-le-feu ? C’est quoi, cette fenêtre d’opportunité dont parle le chef de la diplomatie française ?

R - Les discussions avancent. M. Hochstein, qui est membre de l’administration américaine, était sur place dernièrement. Donc les discussions avancent. Ce sont des discussions qui sont difficiles, mais elles avancent. Et ce que le Ministre disait, c’est qu’on a espoir qu’elles aboutissent sur l’obtention d’un cessez-le-feu, sur un accord de l’ensemble des parties pour un cessez-le-feu.

Q - Est-ce que le prérequis, c’est "l’arrêt des combats", ou pas forcément ? Est-ce que les discussions peuvent être menées en parallèle ?

R - "Cessez-le-feu", comme son nom l’indique, effectivement, c’est l’arrêt des combats.

Q - Donc vous avez bon espoir que ça arrive prochainement ?

R - On a bon espoir que ça arrive, oui. Il faut que la situation se détende dans la région et il faut qu’on puisse envisager au Liban - mais comme c’était le cas aussi à Gaza - des solutions diplomatiques, des solutions politiques qui permettent sur le long terme d’assurer la sécurité de l’ensemble des populations sur place, les Israéliens et les Libanais.

Q - Alors, il y a ce conflit qui se passe au Proche-Orient. Il y a aussi celui en Ukraine, bien évidemment. Sur le soutien à l’Ukraine, Jean-Noël Barrot a déclaré samedi à la "BBC" qu’aucune option n’était à exclure, que les Occidentaux - je le cite - "ne devraient pas fixer de lignes rouges". Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les Ukrainiens peuvent utiliser nos missiles à longue portée, par exemple, comme ils ont utilisé les ATACMS américains ou les Storm Shadow britanniques ?

R - Ça veut dire d’abord qu’on sait remettre un peu la situation telle qu’elle est, c’est-à-dire que l’Ukraine est l’État agressé. Elle subit une agression depuis plus de deux ans, depuis plus de mille jours. Elle subit l’agression de la Russie. Elle est donc dans une situation de légitime défense, ce qui est un principe qui est consacré par le droit international. Elle a le droit de se défendre, elle a le droit de défendre son territoire. Ce que dit le Ministre, quand il dit qu’il n’y a pas de ligne rouge, c’est que dans l’exercice de cette légitime défense, toutes les options sont sur la table et qu’il revient à l’Ukraine d’assurer sa propre défense. La France a fourni des matériels militaires à l’Ukraine. Il n’y a pas de ligne rouge, encore une fois, il n’y a pas de tabou, et c’est une possibilité.

Q - Ça veut dire qu’il y a un feu vert - voilà, c’est ce que j’allais vous demander - pour utiliser ces missiles SCALP français ?

R - Non, ça veut dire que, pour le coup, il y a des missiles qui ont été livrés à l’Ukraine et que la situation, comme le rappelait aussi le Ministre lorsqu’il a été interviewé par la "BBC", c’est que nous devons établir une ambiguïté stratégique, ce qui veut dire qu’il ne nous revient pas de dire ou de ne pas dire ce que nous devrions faire. Encore une fois, il y a des matériels qui ont été livrés. L’Ukraine est dans une situation de légitime défense. Elle a tout à fait le droit de se défendre.

Q - Alors si toutes les pistes sont sur la table, si tout est possible et qu’il n’y a pas de ligne rouge, est-ce qu’on pourrait imaginer d’envoyer des troupes au sol ?

R - C’est une question sur laquelle le Président de la République s’est exprimé de longue date.

Q - Il y a plusieurs mois.

R - En février dernier, d’ailleurs, il avait dit cette fameuse phrase qui avait été beaucoup retenue : "en dynamique, rien n’est à exclure". C’est exactement la même logique. C’est-à-dire que c’est une logique où l’Ukraine peut se défendre, que nous apportons un soutien à l’Ukraine mais que, pour le moment, nous n’excluons rien. Il n’y a pas de ligne rouge, il n’y a pas de tabou, mais nous sommes en plein soutien à l’Ukraine. Nous soutenons l’Ukraine depuis le début et nous continuerons à soutenir l’Ukraine.

Q - Donc pas de tabou sur l’envoi des troupes au sol, pas depuis la prise de parole d’Emmanuel Macron. Vous le réaffirmez aujourd’hui ?

R - Pas de tabou.

Q - Est-ce que l’Ukraine - parce qu’il y a aussi cette question qui se pose - a sa place dans l’OTAN ?

R - Absolument, c’est ce qu’ont montré les derniers mois. L’Ukraine a montré un fort attachement à l’axe euro-atlantique, l’Ukraine a fait des démarches pour rejoindre l’OTAN, a fait des démarches pour rejoindre l’Union européenne. L’Ukraine souhaite s’ancrer dans le bloc euro-atlantique. C’est une perspective que nous avons saluée et encouragée, pour arrimer l’Ukraine à ce bloc, et surtout parce que je pense que l’Ukraine considère que cet arrimage au bloc euro-atlantique est une condition aussi pour elle de sa sécurité. Et les derniers mois ont montré que les Alliés de l’OTAN n’avaient pas failli dans leur soutien à l’Ukraine.

Q - Juste un dernier mot, si vous le voulez bien, de la Roumanie, puisqu’on a appris qu’arrivait en tête de la présidentielle ce candidat pro-russe, le visage de l’extrême droite roumaine. Est-ce que c’est inquiétant ? Est-ce que ça vous préoccupe ?

R - Le peuple roumain a parlé. C’est un premier tour d’une élection présidentielle. Évidemment, il y a un candidat qui est arrivé en tête devant le Premier ministre en exercice. Il y aura un deuxième tour qui aura lieu le 8 décembre, donc nous verrons à l’issue des résultats ce que le peuple roumain décide pour lui-même.

Q - La Roumanie, à côté de la Hongrie de Viktor Orban, c’est pourquoi on vous pose cette question. Il y a quand même les regards qui seront tournés vers la Roumanie au Quai d’Orsay ?

R - Bien évidemment. La Roumanie est un État membre de l’Union européenne, c’est un État avec lequel nous avons des coopérations denses et intenses, donc bien évidemment le regard est porté sur la Roumanie, mais pas simplement aujourd’hui. Nous portons un regard attentif sur la Roumanie d’une manière générale.

Q -
Et Donald Trump a réaccédé à la Maison-Blanche il y a quelques semaines maintenant. Est-ce que vous avez peur d’une certaine "trumpisation" de l’Europe, avec la montée de ces populismes ?

R -
Non. C’est-à-dire que Donald Trump, évidemment, va prendre ses fonctions le 20 janvier prochain. Encore une fois, c’est le choix des électeurs américains de l’avoir porté à la présidence des États-Unis d’Amérique pour la deuxième fois. La situation européenne est somme toute assez différente. Encore une fois, c’est le jeu de la démocratie : les urnes parlent et amènent au pouvoir différentes personnalités.

Q - Merci beaucoup, Christophe Lemoine, d’avoir été avec nous sur "France Info", porte-parole du Quai d’Orsay.

R - Merci beaucoup.

Recapiti
Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères