Las Bambas : la vie des paysans andins à l’épreuve des mines de cuivre - CCFD-Terre Solidaire

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Depuis 2015, le projet minier de Las Bambas, situé dans la province de Cotabambas, au sud du Pérou, continue de se développer sans prendre en compte les préoccupations des communautés locales. Ces dernières, confrontées depuis plus de dix ans aux conséquences sociales et environnementales de l’exploitation, luttent pour défendre leurs droits. Leur mobilisation se heurte à un climat de tensions et de violences croissantes. Notre partenaire CooperAccion se bat pour dénoncer l’impact de ce mégaprojet.


Las Bambas moteur de l’exploitation minière au Pérou 

Le mégaprojet minier Las Bambas figure parmi les trois plus grandes mines ayant contribué à doubler la production de cuivre du Pérou, deuxième producteur mondial de cet “or rouge”. Le complexe minier situé dans la province de Cotabambas s’étend sur 35 000 hectares (soit quatre fois la superficie de Paris) dans la partie supérieure du fleuve Challhuahuacho.

Il comprend une mine de cuivre à ciel ouvert ainsi qu’une usine de traitement du cuivre et de ses sous-produits.

Le projet, d’un investissement de 10 milliards de dollars, détient des réserves approuvées de plus de 40.5 millions de tonnes de cuivre et d’un potentiel d’exploration atteignant 877 millions de tonnes.

Selon notre partenaire locale, CooperAcción, plus de 90 % du territoire de Cotabambas est déjà concédé à des fins d’exploitation minière.

La genèse de Las Bambas : un projet minier au prix fort pour les populations locales

Le mégaprojet Las Bambas a été concédé en 2004 à l’entreprise suisse Xstrata AG à la suite d’une vente aux enchères publiques organisée par le gouvernement péruvien. Les travaux du complexe minier se sont poursuivis jusqu’en 2011, année où le rapport d’impact environnemental a été approuvé. Trois ans plus tard, l’exploitation du projet a été rachetée pour 5,85 milliards de dollars par MMG Ltd, filiale du groupe chinois Minmetals Corp.

Situé dans la région d’Apurímac — l’une des plus pauvres du Pérou — le projet Las Bambas s’étend sur une zone habitée par 49 communautés. Parmi elles, six communautés paysannes, à savoir Fuerabamba, Huancuire, Pamputa, Chicñahui, Pumamarca et Cconccacca, se trouvent directement à l’intérieur du complexe minier. Depuis le rachat en 2014, les communautés locales, directement impactées et très peu consultées, ont intensifié leurs plaintes, accusant la nouvelle entreprise de ne pas respecter les accords préalablement établis avec Xstrata.

482 KM

longueur du corridor minier

Quelles sont les impacts socio-environnementaux ? 

Consultation insuffisante des communautés 

Les décisions prises par le gouvernement et l’entreprise minière en marge du projet Las Bambas ont été prises sans réelle consultation des populations locales, bien qu’elles soient pourtant les premières concernées. De plus, l’entreprise minière a soumis une troisième modification de son étude d’impact environnemental (EIA) qui présente des lacunes importantes concernant l’eau, le transport et les zones d’influence.

Le trafic routier affecte la vie des populations locales 

L’acheminement de la production minière se fait sur un corridor terrestre de 482 kilomètres traversant des zones habitées et générant des problèmes de pollution. Le projet prévoyait initialement la construction d’un minéroduc reliant la mine à la région de Cusco. Toutefois, ce plan a été modifié en faveur d’un transport terrestre par camions sur une route de 295 kilomètres. Ensuite, le minerai est transporté par train jusqu’au port de Matarani. Le passage quotidien de près de 308 camions impacte la santé et les cultures des communautés locales par les nuisances sonores et les nuages de poussières qu’il provoque. Par ailleurs, les routes endommagées par le trafic des camions ne sont ni réparées ni entretenues correctement, affectant la mobilité des habitant.es. 

© Alessandro Cinque.

Dégradations environnementales

Les activités minières entraînent une dégradation importante de l’eau, de l’air et des terres agricoles des communautés paysannes. Ces dernières estiment que les mesures environnementales promises par l’entreprise ne sont pas respectées, que les niveaux de pollution ne sont pas suffisamment contrôlés et que les compensations pour les dommages environnementaux sont largement insuffisantes.

Non-respect des accords économiques et sociaux

Les accords initiaux du mégaprojet prévoyaient des compensations financières et des programmes de développement pour les communautés impactées. Ces derniers comprenaient des investissements dans les infrastructures locales, des formations et des opportunités d’emplois pour la population locale. Or, les communautés dénoncent le non-respect de ces promesses. Elles estiment que les bénéfices économiques sont injustement répartis et que les opportunités d’emplois locaux demeurent limitées. 

Entre résistance et violences : les communautés défendent leurs droits

Face aux multiples impacts du projet Las Bambas, les populations locales, soutenues par des organisations de la société civile, se mobilisent depuis une décennie pour revendiquer leurs droits dans un climat de violences à leur encontre. En 2015, un mouvement de protestation et de grève a été lancé pour s’opposer à la construction de l’usine de traitement et faire entendre leurs revendications. Parmi celles-ci figuraient la prise en compte des communautés dans les décisions, l’embauche de la population locale, le paiement pour l’utilisation de l’eau, la redistribution de 10 % des bénéfices de la mine pour leur développement, ainsi que l’installation de pépinières forestières dans 33 communautés.

Au cours de ces manifestations, plusieurs paysans ont été tués et des policiers ont été blessés dans les affrontements. Le gouvernement a alors décrété un état d’urgence permanent, jugé illégal, et qui n’a été levé qu’en 2019.

Un an plus tard, lors d’une nouvelle protestation, Quintino Cereceda Huisa, membre de la communauté de Choquecca, a été tué d’une balle à la tête lors d’un affrontement avec la police. Une table de dialogue a été mise en place, mais elle n’a permis que des accords minimaux, dont des compensations pour les personnes veuves et orphelines.

© Alessandro Cinque.

Entre procès et répression : la lutte des populations locales continue

Le parquet a poursuivi les dirigeants des différentes manifestations, les accusant d’association illicite sur la base de preuves fournies par l’entreprise elle-même. Les procès ont duré jusqu’en 2020, aboutissant à l’acquittement de 19 personnes poursuivies depuis 2011 et de 17 autres accusées pour les protestations de 2015. La même année, un accident impliquant un bus de l’entreprise a causé la mort de 16 travailleurs de la mine et fait 3 blessés.

Actuellement, une nouvelle modification de l’étude d’impact environnemental (EIE) a été approuvée, incluant notamment : une extension du plan d’exploitation minière, une augmentation des capacités de traitement, ainsi que des modifications des accès et du système de gestion des eaux. Les populations locales ont rejeté cette quatrième modification et poursuivent leur combat pour défendre leurs droits.

De plus, un fort climat de tension règne en raison de la condamnation de 11 défenseur.e.s de l’environnement. Ces personnes sont accusées injustement crimes supposés, notamment de dommages aggravés, de troubles à l’ordre public et d’entrave au fonctionnement des services publics. Face à ces condamnations, qui sont contestées en appel, les personnes inculpées risquent des peines de prison allant jusqu’à 9 ans, ainsi qu’une indemnité civile de 50 000 soles en faveur de l’État, et une compensation de 88 600 dollars à l’entreprise minière MMG.

Pour aller plus loin :

Pérou : la mine empoisonne la vie des paysans andins

Retrouvez notre dossier Extractivisme : terrain miné pour les droits humains et l’environnement

Retrouvez notre dossier L’impact des mines dans les pays andins

Mobilisez-vous avec notre campagne Abus des multinationales : le droit de dire non

Recapiti
Ophélie Chauvin