Mine de Carajás : bras de fer pour la justice face à Vale - CCFD-Terre Solidaire

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Dans l’État du Pará, au nord du Brésil, l’entreprise Vale a construit une voie ferrée reliant la plus grande mine de fer à ciel ouvert du monde. Bien que sa communication mette en avant une prise en compte des enjeux socio-environnementaux, Vale mène ses activités en ignorant les impacts dévastateurs sur les populations locales. Notre partenaire Justiça nos Trilhos (JnT) est en première ligne pour soutenir ces communautés dans leur quête de justice.

Brésil : grand exportateur mondial de fer

Le Brésil, deuxième plus grand producteur mondial de minerai de fer, mise largement sur le secteur extractif pour son développement économique. Le minerai de fer représente 74 % de l’activité minière du pays et figure au quatrième rang des produits les plus exportés, derrière le soja et le pétrole.

En 2022, notre partenaire (JnT) publie une étude indiquant que les états du Pará et du Maranhão, en Amazonie, sont les plus affectés par les mégaprojets et la mise à disposition des terres pour l’exploitation minière. L’exploitation dans cette région a déjà entraîné la perte de 9% des hectares de forêt entre 2005 et 2015.

Dans l’état du Pará, la multinationale brésilienne Vale S.A. possède la plus grande mine de fer au monde. Située dans la forêt de Carajás, cette mine menace la survie d’une communauté quilombola et bafoue leur droit au consentement libre, informé et préalable (CLIP).

Retour sur le projet minier Grande Carajás

Le programme Grande Carajás a débuté dans les années 1980 sous commandement militaire, avec l’objectif de mettre en place un vaste complexe destiné à l’extraction à grande échelle de gisements de minerai du sud-ouest du Pará. Ce mégaprojet a nécessité la construction de nombreuses infrastructures pour assurer l’exploitation et le transport, à savoir : des routes, un complexe portuaire, une centrale hydroélectrique et thermique ainsi que des voies ferrées.

En 1985, une immense ligne de chemin de fer a été construite pour relier le complexe minier de Carajás, dans le Pará, au port de Ponta da Madeira, dans le Maranhão. Ce projet a été opéré par la société d’État Companhia Vale do Rio Doce, avant sa privatisation en 1997, donnant naissance à l’entreprise Vale S.A. Aujourd’hui, Vale est la plus grande entreprise minière du Brésil et le deuxième plus grand producteur mondial de fer. Elle est la principale société de la région.

74 %

de l’activité minière du pays provient de l’extraction du minerai de fer.

892 KM

longueur du chemin de fer construit pour transporter les tonnes de minerai de fer.

Sur ses 892 km de longueur, cette voie ferrée transporte 120 millions de tonnes de minerai de fer, de fonte brute, de manganèse, de cuivre, de carburant et de charbon, en plus de 350 000 passagers par an. En 2012, Vale a étendu sa ligne ferroviaire pour transporter son précieux minerai de l’Amazonie vers l’océan Atlantique via un train de 3,3 km de long.

Pourquoi ce mégaprojet impacte-t-il les droits humains et l’environnement ?

Malgré les efforts de communication de la multinationale autour de sa responsabilité sociale, les conflits socio-environnementaux et de graves injustices, persistent le long du corridor de Carajás, impactant directement les communautés locales.  Le territoire entre le Maranhão et le Pará, qui s’étend sur 27 municipalités, représente un bassin de vie habité par une centaine de communautés, incluant des petits producteurs, des riverains et des peuples quilombolas. Or, les activités menées par Vale bouleversent la biodiversité et affectent directement les modes de vie et les droits des populations locales.

En 2018, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a informé avoir reçu des informations selon lesquelles 13 projets dans la région bafouent les droits individuels et collectifs : droit au logement, à l’alimentation, à l’eau, au travail décent, à la terre, et surtout, le droit au CLIP.

Le projet minier de Vale interfère dans des zones de préservation environnementale, ainsi que dans des espaces territoriaux spécifiquement protégés appartenant aux peuples autochtones. De nombreuses familles ont été victimes d’accaparement et d’expulsion de leurs terres.

Gourmande en eau, la construction et l’extension de la voie ferrée ont créé un véritable “corridor sec”, affectant les cultures et la survie des populations locales. La violation du droit au logement, par le déplacement involontaire sans possibilité de rester sur place, et la restriction de la liberté de mouvement des populations locales, représentent de véritables obstacles au mode de vie de ces populations.

De plus, la société minière a lancé des processus irréguliers de déboisement, entraînant la disparition de nombreux cocotiers et arbres fruitiers essentiels à l’autonomie économique des familles locales, en particulier des femmes. Les populations locales sont également confrontées aux nuisances sonores et à la pollution liée aux activités extractives, qui affectent leur santé et leurs ressources.

Bras de fer pour l’accès à la justice

Face aux nombreuses violations de leurs droits, l’accès à la justice pour les populations impactées reste un véritable bras de fer. Dans de nombreux cas, le système judiciaire brésilien joue un rôle clé dans le maintien de l’impunité des entreprises minières, comme Vale, et dans le déni des droits des populations. Selon les cas étudiés par JnT, certaines décisions judiciaires privilégient systématiquement les intérêts économiques des entreprises, comme Vale, au détriment des droits fondamentaux des communautés affectées.

L’entreprise minière Vale, avec l’appui des institutions publiques et judiciaires du pays, utilise un discours visant à légitimer ses actions auprès des communautés affectées, en mettant en avant les prétendus avantages de l’extractivisme. C’est dans ce contexte qu’en 2018 se sont tenues les audiences publiques en amont de la prolongation du chemin de fer. Au cours de celles-ci, l’Agence Nationale des Transports Terrestres (ANTT) n’a manifesté aucune critique ou inquiétude relative au projet et a soutenu les déclarations de Vale. De plus, les membres des communautés qui souhaitaient participer aux audiences ont été empêchés de défendre leurs intérêts. Par exemple, la première session a été fixée un jour où le train de passagers de Vale S.A. ne circulait pas, dans un lieu éloigné des transports publics et difficile d’accès.

Vale : le faux “bon élève” 

L’entreprise Vale affirme que l’une des lignes directrices de sa politique est le « suivi et la gestion des risques liés aux droits humains », en s’efforçant d’identifier, de prévenir et d’atténuer « de manière volontaire » les impacts négatifs de ses activités. Sur son site internet, l’entreprise déclare soutenir des initiatives volontaires, se conformer aux Principes directeurs des Nations Unies et au Pacte mondial, et disposer de mécanismes permettant aux parties affectées de déposer des plaintes.

Or, l’analyse des procédures en cours contre Vale, réalisée par JnT, révèle une toute autre réalité. Les obligations de consultation préalable et la mise en place de mécanismes non-étatiques efficaces pour traiter les plaintes en cas de violations, telles que prévues par les Principes directeurs, n’ont pas été respectées.

En effet, jusqu’à présent, les conséquences socio-environnementales persistent depuis l’installation et l’exploitation du complexe minier dans les territoires concernés. Les opérations menées par Vale continuent d’engendrer de nombreux dommages le long de la voie ferrée de Carajás. Parmi ces dommages : des accidents de train, des fissures dans les maisons causées par les vibrations dues au passage incessant des trains, des nuisances sonores, et la pollution due au transport du minerai dans des wagons à ciel ouvert, etc.

Pour Justiça nos Trilhos (JnT), ces violations engagent également la responsabilité des importateurs du minerai extrait à Carajás. Il est donc essentiel que les pays européens et asiatiques exigent de l’entreprise qu’elle respecte des normes strictes, notamment à travers des lois sur le devoir de vigilance ou d’autres mécanismes en vigueur. Ces mesures viseraient à garantir que Vale mène ses opérations sans causer de nouvelles violations, sous peine de voir sa valeur diminuer sur le marché en cas de non-conformité.

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Ophélie Chauvin