À Madagascar, la société civile se mobilise contre la mine Base Toliara - CCFD-Terre Solidaire

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Dans le sud-ouest de Madagascar, le mégaprojet d’extraction de terres rares, Base Toliara, menace la survie des populations locales. Depuis plus de dix ans, notre partenaire CRAAD-OI se mobilise à leurs côtés pour alerter sur les risques socio-environnementaux du projet. La mobilisation de la société civile a conduit à la suspension du projet en 2019. Cependant, le combat se poursuit face à une menace toujours présente.  

MADAGASCAR Communauté de pecheurs située à Anketraky, à cote de Tulear. Un panneau publicitaire de Base Toliara.


Madagascar, entre instabilité politique et pillage des ressources  

Madagascar regorge de ressources naturelles, allant des pierres précieuses aux terres rares, en passant par le charbon, le mica ou les sables minéralisés qui attisent la convoitise des grandes entreprises. Le pillage de ces ressources alimente la violation des droits humains dans un pays déjà marqué par la violence et l’instabilité politique depuis son indépendance en 1960.  

À la suite du coup d’état en 2009 (qui succède à de nombreuses autres tentatives), un gouvernement de transition est mis en place en 2010. S’ensuit une période de gouvernance chaotique, où corruption, insécurité, violences et pauvreté rythment le quotidien de la population malgache.

Dans sa stratégie de développement, le gouvernement de transition multiplie les contrats de concessions foncières et minières avec de grandes entreprises et des autres États, entraînant un accaparement des terres à grande échelle. Ces actions vont à l’encontre des engagements pris dans la feuille de route du gouvernement de transition et des principes de la loi foncière adoptée en 2005. Celle-ci stipule que l’État n’est plus le propriétaire présumé des propriétés privées non titrées et, en cas de mise en valeur prolongée d’un terrain, confie l’attribution et la gestion des titres fonciers aux communautés locales. 

470 km2

superficie de la concession minière Base Toliara.

20 000

personnes impactées par le projet Base Toliara.


Le mégaprojet minier Base Toliara 

En 2024, la firme américaine Energy Fuels Inc. a racheté à la société australienne Base Resources, l’exploitation du projet minier, Base Toliara, dans le district de Toliara. Ce projet vise l’extraction à grande échelle des sables minéralisés et la production de terres rares.  

La concession minière, qui couvre une superficie de 470 km², s’étend sur un bassin de vie de 20 000 personnes réparties sur 12 communes. De plus, trois de ces concessions, situées à Ankililoaka, Basibasy et Morombe, incluent des sites protégés et habités par le peuple autochtone Mikea, vivant dans la forêt Mikea. Plus de 400 hectares de cette forêt devraient être détruits. Ce projet prévoit également la construction d’un entrepôt pour stocker 100 000 tonnes de minerais acheminés par une route reliant le site d’extraction à 55 km de là. À cela, s’ajoutera une jetée de chargement jusqu’à la mer permettant de remplir les navires des minerais destinés à l’exportation.


Environnement et droits humains : pourquoi ce projet pose-t-il problème ?  

Le projet Base Toliara est implanté dans le district de Toliara au sud-ouest du pays : une région majoritairement habitée par des agriculteurs, des pêcheurs et des éleveurs. Sa mise en œuvre menace de détruire les ressources naturelles indispensables à leur survie et de porter atteinte à leurs droits et à leur santé.  

Tout d’abord, la radioactivité contenue dans ces minerais est très nocive pour la santé, comme en attestent de nombreux chercheurs. L’étude de pré faisabilité de l’entreprise montre d’ailleurs que le zircon contient notamment de l’uranium et du thorium, dont la radioactivité est extrêmement dangereuse et empêcherait même l’exportation vers le Japon et les États-Unis. Les risques d’émanations du site d’extraction et de retombées lors du transport jusqu’au port maritime sont élevés et pourraient contaminer les populations et les terres cultivables.  

Par ailleurs, l’extraction des sables minéralisés est très gourmande en eau et risque d’aggraver l’insuffisance hydrique dans la région, au détriment des besoins agricoles et ménagers. 


Depuis dix ans, la société civile se mobilise 

Depuis une décennie, les organisations de la société civile, dont notre partenaire local CRAAD-OI se mobilisent pour stopper l’avancée du projet Base Toliara en alertant, jusqu’à l’ONU, sur les risques socio-environnementaux et sanitaires qu’il représente.

La société civile dénonce également l’absence d’information adéquate et de consultation préalable des populations concernées. Le bureau du Chef de District et le bureau régional du Ministère de la Communication ont même mis fin à des émissions locales visant à diffuser des informations sur le projet et ses impacts, sous prétexte que celles-ci porteraient atteinte à l’ordre public.

Les organisations affirment également que la promesse de création d’emplois est fallacieuse, car les opportunités vont certes augmenter durant la phase de construction, mais diminueront drastiquement par la suite, sans garantir d’emploi stable et durable.

Un combat qui a permis la suspension temporaire du projet  

Grâce à la mobilisation sans faille de la société civile, les opérations et les activités de communication du projet Base Toliara ont été suspendues par le gouvernement malgache en 2019, jusqu’à une durée indéterminée.  

Dans son rapport définitif de 2020, la Cour des comptes a mis en évidence des irrégularités dans l’octroi des permis miniers et environnementaux du projet Base Toliara, notamment l’absence de la prise en compte du refus des communautés lors des consultations publiques en 2015. Les conclusions de cet audit de la Cour des comptes confirme des graves lacunes et renforcent la légitimité des communautés locales et de la société civile à demander l’arrêt définitif du projet.  


Non prise en compte de l’avis des populations : le combat continue  

Des réunions entre le gouvernement malgache et les représentants de la mine Base Toliara ont repris au printemps 2024, et la relance des activités semble imminente. En effet, Base Toliara figure parmi les cinq grands projets miniers annoncés par le président de la République.

Cependant, les populations locales, directement impactées par le projet, continuent de manquer d’informations suffisantes et appropriées sur les risques et dangers auxquels elles seraient exposées si les activités, actuellement suspendues, reprenaient. Par ailleurs, que ce soit par les médias ou les autorités concernées, les représentants des communautés peinent toujours à se faire entendre.

Non seulement les droits des communautés affectées par le projet Base Toliara au consentement, libre, éclairé, préalable et continu face à de tels projets ont été piétinés, mais les autorités étatiques elles-mêmes s’évertuent à violer toute une panoplie de leurs droits fondamentaux, y compris leur droit à l’information, leur droit d’exprimer librement leurs opinions, ainsi que leur droit de ne pas être discriminées.

dénonce notre partenaire CRAAD-OI.  


Une situation qui exacerbe les violences  

À la rentrée 2024, les tensions autour du projet Base Toliara se sont intensifiées. Les communauté locales, malgré le refus tardif de leur demande d’autorisation à manifester, ont organisé une marche pacifique à Tuléar le 27 août pour défendre leurs droits. En marge de celle-ci, un défenseur des droits humains, proche du CCFD-Terre Solidaire a été arrêté arbitrairement, sur la base d’accusations infondées. Sa libération a été conditionnée à une lettre dans laquelle il s’engage à ne plus prendre part à “des grèves” contre le projet Base Toliara. Pourtant, un mois plus tôt, une manifestation en faveur de l’ouverture du projet Base Toliara n’a pas été interdite par les forces de l’ordre. 

Ces intimidations s’inscrivent dans des stratégies couramment utilisées par de nombreuses entreprises pour étouffer toute forme d’opposition aux grands projets extractifs et protéger les intérêts privés des multinationales.

Notre partenaire CRAAD-OI continue à se battre contre ce projet et contre toute initiative portant atteinte aux droits des populations et à l’environnement. Il interpelle sans trêve les autorités compétentes afin que l’état ne tombe pas “dans le piège de l’appât du gain que lui font miroiter les pays développés en compétition pour l’accès aux minerais critiques pour la transition énergétique, au détriment de ses écosystèmes, de sa biodiversité, et surtout de sa population“. 

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Ophélie Chauvin