Visite Sites & Monuments le samedi 31 août à Amiens (Somme)

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Amiens : De l’église Saint-Honoré au Pavillon pontifical de l’Exposition internationale de Paris en 1937 jusqu’au chef-d’œuvre gothique, la cathédrale médiévale Notre-Dame, la plus vaste cathédrale au monde.

L’église Saint-Honoré

14h30, le rendez-vous était donné au pied de l’église Saint-Honoré, sur l’esplanade Branly. Mais la pluie commence exactement à 14h30 et nous devons nous réfugier dans l’église. Celle-ci est plongée dans une relative pénombre, notre guide Aurélien André faisant valoir qu’il faut découvrir le lieu et son dôme de quatre étages successifs de vitraux à la lumière naturelle

L’église antérieure, touchée par les bombes allemandes le 19 mai 1940, fut entièrement détruite. Un baraquement provisoire fut érigé sur l’esplanade en 1941 ; il resta en usage jusqu’en 1961, date de la consécration de la nouvelle église. Les premiers pourparlers pour la reconstruction datent de 1947 ; le premier coup de pioche attendra 1957. L’architecte Paul Tournon réutilisa en partie les plans du pavillon pontifical qu’il avait conçus pour l’exposition universelle de Paris en 1937 en les retravaillant considérablement. Il envisage un édifice au plan centré, en forme de croix grecque, couverte d’un dôme octogonal, précédée d’un portail monumental et accostée d’un immense clocher de 51 mètres de hauteur. L’église est entièrement construite en béton armé et couverte à l’extérieur de pierres blanches.

Le dôme de l’église Saint-Honoré et ses vitraux

L’intérieur de l’église surprend par son ampleur et son ambiance lumineuse. Tous les regards convergent vers l’immense coupole qui repose uniquement sur quatre piliers de béton, permettant un dégagement de l’espace et des volumes. La coupole est ornée de vitraux en dalle de verre (une résille de béton sertissant les verres au lieu du plomb traditionnel) réalisés par le maître verrier Joseph Archepel (né en 1925). Dans une lettre de 1959, Paul Tournon explicite le programme iconographique :« Ces verrières sont une illustration du Cosmos, depuis les éléments et saisons jusqu’au mouvement des astres, avec, parmi ces éléments, la grande voix de ceux qui ont appelé les hommes à regarder au-delà : les prophètes et les apôtres ». Ce dôme, étagé, rappelle la tiare pontificale.

La vision à la lumière naturelle fait place ensuite à la lumière électrique ; alors nous verrons, la chapelle exceptionnelle des fonts baptismaux, établie sous le clocher. Elle rappelle les baptistères paléochrétiens : le néophyte descend vers la cuve baptismale avant de remonter vers la lumière. L’emploi du béton armé a permis de dessiner une voûte à la ligne pure, reposant sur des colonnes à facettes.

L’une des stations du Chemin de Croix

Et puis nous découvrirons les quatorze stations du chemin de croix, œuvres singulières admirées par le groupe. On n’en connait pas l’auteur. Réalisées à l’émail sur métal, elles bénéficient d’un éclairage électrique intégré dans le cadre.

En sortant après la pluie, nous verrons l’immense tympan surmontant les portes, orné d’une vaste composition en mosaïque de briques colorées sur fond de béton, œuvre de Florence Tournon-Branly (1923-1982), la fille de l’architecte : quatre évêques, de quatre continents différents, de part et d’autre de la croix, représentent l’Église universelle.

Tympan surmontant les portes, orné d’une vaste composition en mosaïque de briques colorées sur fond de béton, œuvre de Florence Tournon-Branly.

À leurs pieds, l’architecte a conçu une tribune avec un ambon (pupitre). L’usage de cette tribune reste mystérieux : il faut probablement y voir une référence à Édouard Branly, son beau-père, chantre de la communication moderne avec l’invention de la TSF. On lit, au-dessus du tympan l’inscription suivante, tirée de l’Évangile selon saint Matthieu : « Allez, enseignez toutes les nations. Et voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles ».
Quant au clocher, il est surmonté d’une monumentale statue de la Vierge portant l’Enfant. La statue originale avait été réalisée par le sculpteur Roger de Villiers (1887-1958) et le ferronnier d’art Raymond Subes (1891-1970) pour le pavillon pontifical en 1937. Composée d’une âme de béton recouverte de plaques de cuivre, cette sculpture, de huit mètres de hauteur et de près de cinq tonnes, dut être déposée en 1988. Elle fut remplacée par une copie en résine beaucoup plus légère en 1995. L’œuvre originale, dénommée Notre-Dame-de-France, orne désormais le sanctuaire du même nom situé sur la commune de Baillet-en-France, dans le diocèse de Pontoise.

La cathédrale Notre-Dame d’Amiens

La cathédrale Notre-Dame d’Amiens (classée Monument historique depuis 1862 et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1981) fut construite en 55 ans, à compter de 1220. Ses trésors sont multiples et Aurélien André choisira de nous présenter seulement certains d’entre eux.

 La chapelle Saint-Jean du Vœu
La cathédrale d’Amiens s’enorgueillit de conserver, depuis 1206, la relique de la face de saint Jean Baptiste recueillie lors de prise de Constantinople durant la quatrième croisade.
Au début du XVIIIesiècle, en accomplissement d’un vœu émis lors de l’épidémie de peste de 1668, l’ancienne chapelle Saint-Pierre fut réaménagée pour devenir la chapelle Saint-Jean-du-Vœu afin d’y conserver la relique.
L’évêque demanda à l’architecte Gilles Oppenord (1672-1742) le projet et le devis d’un décor et d’un autel en marbre avec retable. La maîtrise d’ouvrage fut confiée au chanoine Maximilien Filleux qui signa les marchés avec les artisans : la sculpture fut confiée à Jean-Baptiste Poultier (1653-1719), sculpteur ordinaire du roi ; les marbres furent taillés et posés par Pierre Malleroy, maître marbrier à Paris.

Ostension de la relique de la face de Saint Jean-Baptiste le 29 août 2020, fête de la décollation du saint. © Aurélien André

La partie inférieure du retable, qu’on nomme le stylobate, en Sérancolin bordé de marbre de Rancé, est ornée d’un médaillon ovale en bronze doré représentant le chef de saint Jean-Baptiste posé sur un plateau. Cet ovale sert de clôture à la niche grillée destinée à abriter le reliquaire du chef de Saint Jean. De chaque côté, le stylobate sert de support aux statues en pierre de Tonnerre de Saint Firmin et de Saint François-de-Sales, œuvres signées de Jean-Baptiste Poultier, et datées de 1710.

Grilles en fer forgé de Jean-Baptiste Veyren. Chapelle Saint-Jean-du-Voeu. Commons.Wikimedia

Les virtuoses grilles rocaille en fer forgé sont l’œuvre de Jean-Baptiste Veyren, dit le Vivarais de Corbie (1707-1788), pour la grille principale, et de son compagnon Claude Badaroux (1707-1745) pour la grille latérale. Elles ont été réalisées en 1744. Elles sont la quintessence de la serrurerie française du XVIIIe siècle.

 Les stalles de la cathédrale
Joyau de la hucherie et de la sculpture du XVIe siècle, les stalles de la cathédrale d’Amiens constituent un des ensembles les plus complets et les mieux conservés de ce type de mobilier au monde.

Disposées dans le chœur liturgique, les stalles servaient de sièges au personnel religieux de la cathédrale. Au commencement du XVIe siècle, le chapitre fit refaire de neuf un nouvel ensemble de 118 stalles qui ont, à l’exception de huit d’entre elles, traversé les siècles jusqu’à aujourd’hui.
C’est aux huchers (menuisiers) picards que nous devons ce chef-d’œuvre.

Recapiti
Nicole HUET