Carnet de bord de Conrad Colman : le Vendée Globe sans énergie fossile – Ecolosport

Compatibilità
Salva(0)
Condividi

Premier skipper à avoir effectué en 2016 le Vendée Globe sans escale sans énergie fossile, Conrad Colman défendra à nouveau cette même idée sur le Vendée Globe 2024. Il nous raconte son projet dans son Carnet de Bord.

Participer au Vendée Globe sans énergie fossile, facile, non ? Les voiles font avancer le bateau, les panneaux solaires permettent d’avoir de l’énergie et le compte est bon, vous dites-vous. C’est un peu plus compliqué que ça en a l’air. Beaucoup, même. Le néo-zélandais Conrad Colman est devenu en 2016 le premier skipper à réaliser le tour du monde à la voile sans escale sans une goutte de pétrole, un titre honorifique qu’il est toujours le seul à pouvoir revendiquer, preuve de la difficulté du défi, qu’il compte réitérer sur le Vendée Globe 2024.

Conrad Colman (Imagine/MS Amlin) fait partie des 40 skippers qui quitteront Les Sables d’Olonne le 10 novembre prochain pour la plus grande course à la voile du monde. Il sera, une nouvelle fois, le seul à y prendre part dans un projet zéro énergie fossile. Et jusqu’à son retour sur les côtes vendéennes, il racontera à Ecolosport la genèse de son projet, sa préparation et illustrera ses propos d’images exclusives.

Le Carnet de bord de Conrad Colman, premier épisode.

Les bateaux et leur moteur diesel

Conrad Colman : “Pourquoi y a t-il un moteur sur un bateau à voile ? Le grand public ne le sait pas, mais chaque bateau est équipé d’un moteur diesel en course. Nous n’avons évidemment pas le droit de faire tourner l’hélice pour avancer. Si le moteur tourne, c’est pour générer de l’énergie, pour recharger les batteries dont l’énergie a été consommée par les instruments, le pilote automatique, les systèmes de navigation, la communication par satellite ou le désalinisateur pour avoir de l’eau douce. Chaque skipper consomme entre 100 et 200 litres de gasoil lors des 80 jours de tour du monde. Il y a 40 concurrents, cela fait beaucoup. Je veux que la voile soit un leader sur les questions énergétiques, car elle est naturellement attirée par les éléments naturels. Notre défi est d’exploiter au mieux le vent pour avancer et gagner la course.”

Son projet zéro énergie fossile

“En 2016, je suis devenu le premier skipper à terminer le Vendée Globe sans escale et sans énergie fossile pour faire fonctionner tous les appareils à bord. Je suis toujours le seul. Aujourd’hui, je suis en train de réhausser ce défi, avec un mélange de technologies différentes à bord, mais toujours avec le but de militer pour qu’il y ait plus d’énergie renouvelable, avec des éoliennes, des parcs solaires et des véhicules automobiles. Pour mes déplacements, par exemple, j’utilise beaucoup les mobilités douces, le vélo ou le vélo-cargo, pour déposer les enfants à l’école ou transporter ma caisse à outils. J’utilise aussi, lorsque j’en ai besoin pour transporter des choses lourdes et volumineuses, une camionnette électrique de mon partenaire Maxus. Mon bateau est recouvert de panneaux solaires, et j’en ai aussi installé à mon domicile et dans mon atelier. Je suis d’ailleurs en train de tester, avec le port de Lorient où je suis installé, l’injection du surplus d’énergie créé sur le bateau dans le réseau général.”

© Adrien François
Des voiles recyclables

“Mon bateau a été fabriqué et mis à l’eau en 2007. Il devrait aller jusqu’en 2028. Il y a un contraste avec d’autres sports mécaniques, où l’on renouvelle le véhicule et les pièces d’une année à l’autre, ou même d’une course à l’autre. Dans la voile, nous pouvons valoriser un bateau sur 20 ans. De mon côté, je suis capable de garder le squelette de ce bateau en vie, avec quelques mises à jour sur les éléments du bateau qui sont des consommables, comme les voiles. Je me suis justement focaliser sur ces éléments. Je travaille par exemple avec un fournisseur de voiles italien qui s’appelle OneSails, qui fabrique des voiles dont la membrane est recyclable, ce qui tranche avec les autres voiliers et technologies. Leur usine est alimentée en énergie renouvelable. Le produit est très résistant, est capable de résister aux tempêtes. En fin de vie, la matière peut être broyée, refondue et, en boucle fermée, cela permet de fabriquer d’autres pièces.”

Son bateau, trop vieux pour gagner ?

“Le Vendée Globe est né en 1989. Cette année, c’est la 10ème édition (le Vendée Globe a lieu tous les 4 ans, ndlr). La course a été gagné 8 fois par des bateaux neufs, et 2 fois par des bateaux issus du cycle précédent. Un bateau récent est plus rapide qu’un bateau ancien. Le mien a été mis à l’eau en 2007, il y a un tel écart avec les bateaux neufs ! Une chose est sûre : même avec la meilleure volonté du monde, je ne risque pas de gagner la course. Beaucoup de voiliers de la flotte ont été construits en 2007 ou 2008, cette génération est assez homogène. Nous sommes nombreux à avoir revalorisé ces bateaux, et il y aura donc une course dans la course. Pour moi, c’est ce qui démarque le Vendée Globe. Il y a les grosses équipes et leurs bateaux neufs devant, mais il y a aussi un fort capital sympathie pour ceux qui sont derrières, car ce sont de très bons navigateurs.”

> Lire aussi : Peut-on gagner le Vendée Globe en ayant une démarche totalement éco-responsable ?

© Jean-Louis Carli / Alea
La performance environnementale au coeur de la course

“Sur le plan sportif, je souhaite être plus que compétitif avec les bateaux de la même génération. Je veux montrer que je suis un bon navigateur et 100% engagé dans la course. Je veux utiliser cette plateforme et ma visibilité grand public pour défendre mon projet et le fait d’être capable, en recouvrant mon bateau de panneaux solaires et en utilisant une turbine pour recharger les batteries, de ne pas utiliser le moteur mis à disposition sur les deux mois et demi de course et les 45 000 kilomètres.”

Sa recherche de sponsors

“Est-ce qu’il est plus facile d’aller chercher des sponsors avec ce projet ? Je pense que c’est un bénéfice, mais que ça ne fait pas tout, que ce n’est pas suffisant en soi pour les attirer. En tout cas, ce n’est surtout pas un frein ! Je suis toujours à la recherche de financements et il y a de la place sur le bateau pour ceux qui veulent nous rejoindre dans cette aventure. Même les fabricants de tel ou tel produit industriel sont tous en train de faire des efforts pour rendre leur production plus propre, moins énergivore et plus vertueuse. Mon engagement est vu comme un vrai atout. Mes partenaires trouvent que c’est génial, et notamment MS Amlin, qui me suit depuis le début. Les assurances sont justement extrêmement conscientes de l’augmentation des risques avec le changement climatique. Mais, jusqu’ici, je n’ai pas encore trouvé d’entreprises qui souhaitent vraiment axer leur communication sur ce volet écologique, à travers le sponsor-titre. Je suis toujours à la recherche de ce sponsor.”

Recapiti
Michaël Ferrisi