Aujourd’hui à 11 h 30, devant le monument aux morts de la place du Général de Gaulle, le Conseil Municipal, les associations patriotiques, les autorités civiles et militaires ont commémoré le 63ème anniversaire des accords d’Evian et ont rendu hommage aux victimes de la guerre d’Algérie, des combats au Maroc et en Tunisie.
Après l’allocution de Michel Batot, Président de la FNACA, Frédéric Sohier, 9ème adjoint au Maire de Dinard, a lu un message de Patricia Miralles, Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Armées chargée de la mémoire et des Anciens combattants.
Ensuite, trois gerbes de fleurs ont été déposées au pied du monument par les associations patriotiques et la municipalité.
Enfin, un vin d’honneur était offert en mairie, salle du Conseil.
Lettre de Patricia Miralles :
” Le 19 mars 1962, à midi, les armes se sont tues. Dans le fracas du siècle, une voix nouvelle s’élevait, celle d’un cessez-le-feu scellé par les accords d’Évian, mettant un terme à huit longues années d’un conflit qui n’avait pas encore dit son vrai nom.
Même si la paix retardait son avènement, le 19 mars aurait dû marquer l’aube d’un répit. Ce que la fin du feu avait de provisoire appelait un avenir, qui se dégageait doucement, non sans douleurs, non sans craintes, mais un avenir qui pouvait être à nouveau imaginé, peut-être même désiré.
Pour beaucoup, le 19 mars fut pourtant le début d’un autre exil, d’une autre souffrance, de nouveaux drames. Car si le temps de la guerre prenait fin officiellement, celui de la violence et des blessures continuait à bas bruit, dans un silence qui en redoublait la douleur.
Pour les combattants du contingent, jeunes hommes envoyés se battre dans une guerre dont la nature et le sens divisaient douloureusement la métropole, ce fut pour certains, pas tous, l’heure du retour. Le retour dans leurs familles, qu’ils leur tardaient de revoir. L’espérance de reprendre leur vie là où ils l’avaient laissée, même si rien ne sera plus comme avant.
Mais c’est aussi le début d’un combat silencieux : celui de la reconnaissance de ce qu’ils avaient enduré. Eux qui n’avaient pas tous choisi cette guerre mais qui en avaient connu l’âpreté dans les djebels, dans la chaleur ou le froid des nuits d’insomnies, dans le silence des montagnes ou la cacophonie des villes, eux qui portèrent longtemps le poids du non-dit.
Ils durent lutter, plus tard, pour que leurs droits soient reconnus, pour que leur expérience soit comprise, pour que leur engagement ne soit pas relégué aux marges de l’histoire.
Nous ne récusons plus aujourd’hui le malaise et les difficultés qu’ont connus les appelés au moment de rentrer. Ils retrouvaient un pays qui, par le sang ou le sol, était depuis toujours le leur, mais que pourtant ils ne reconnaissaient plus à l’identique, tel qu’ils l’avaient laissé, lorsqu’ils étaient partis se battre à sa demande.
Cette journée d’hommage, ils ont dû la demander, la revendiquer, la conquérir. Pour que dans une date s’incarne enfin le juste hommage de la Nation à cette génération qui a laissé une partie de sa jeunesse dans la poussière millénaire du sol algérien.
Mais le 19 mars fut aussi, pour d’autres, un jour d’abandon. Aux Harkis, soldats fidèles à la France, il n’offrit ni paix ni consolation. Nombre d’entre eux, livrés à leur sort, périrent dans l’indifférence d’un monde qui détournait le regard. Ceux qui purent fuir trouvèrent refuge sur une terre qu’ils avaient servie, mais qui, trop longtemps, les relégua à la lisière de la société, dans une indifférence plus douloureuse que les barbelés des camps.
Pour les pieds noirs, ce jour hâta l’arrachement. L’exode devint le dernier chapitre d’une histoire commencée en France et poursuivie sur l’autre rive de la Méditerranée, sur cette terre où les collines rousses se reposent à l’ombre des oliviers centenaires. Cette terre où l’histoire a déposé ses splendeurs et ses tragédies. Ils se préparèrent à quitter ces paysages aimés, et dans leurs yeux brillaient déjà le reflet des ports surpeuplés et des traversées amères vers l’inconnu. L’Algérie, ce pays qui avait été le leur, ne serait plus jamais leur foyer.
Et puis, il y a les autres, les innombrables autres. Les anonymes pris dans la tourmente, les civils fauchés par la violence, les familles déchirées par les engagements contraires, les silences lancinants de tous les disparus, dont l’absence était si douloureusement présente. À tous ceux-là, à toutes ces vies brisées, à toutes ces existences amputées, nous devons mémoire.
Si pendant longtemps, il y a eu des pages blanches dans notre histoire collective, des blancs qui pour beaucoup étaient recouverts du voile noir et lourd de la souffrance, aujourd’hui la France se souvient.
Elle se souvient de ses fils envoyés dans les maquis algériens, de ceux qui sont tombés sans retour, de ceux qui en sont revenus marqués à jamais. Elle se souvient de ces Français d’Algérie arrachés à leurs racines, de ces Harkis abandonnés en dépit de l’immensité des sacrifices, de ces victimes civiles emportées par le souffle d’une bombe, le sifflement d’une balle ou l’ombre des disparitions.
Se souvenir, ce n’est pas seulement commémorer. C’est reconnaître toutes les douleurs, mais aussi toutes les grandeurs, sans en taire aucune. C’est faire justice à ceux qui ont été oubliés. C’est honorer les sacrifices consentis. C’est porter un regard lucide sur le passé, non pour l’alourdir de nos jugements, mais pour en tirer des leçons utiles à notre temps et nous grandir dans le courage de la vérité.
La mémoire n’est pas un fardeau, mais une lumière. Une lumière qui éclaire les générations présentes et à venir, pour que l’Histoire ne se répète pas, pour que la souffrance d’hier ne nourrisse pas les fractures d’aujourd’hui, pour que les sacrifices consentis nourrissent aussi un sentiment d’appartenance, sans lequel il n’y a pas de socle pour que s’épanouisse la démocratie.
Vive la République !
Vive la France ! ”