charte traitement médiatique migrations

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Nous en sommes très heureux, la profession dispose désormais d’un texte pouvant aider les journalistes à se poser les bonnes questions sur le traitement des migrations, en vue d’éviter stéréotypes et désinformation : la charte de Marseille.

Il existait déjà une charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique. Il existe donc maintenant aussi la charte sur l’information et les migrations. Elle est nommée « charte de Marseille », du nom de la ville où elle a été lancée officiellement hier, mardi 29 avril 2025, aux Assises du journalisme de la Méditerranée.

Nous y étions !

Lancement de la charte de Marseille, à Marseille, le 29 avril 2025, avec des représentants des premiers signataires, dont CFDT-Journalistes.

L’implication de CFDT-Journalistes

Dès qu’elle a appris qu’un collectif d’organisations (Guiti News, Désinfox Migrations, Journalisme et Citoyenneté, IJNet en français, SNJ) avait entamé ce travail, CFDT-Journalistes a souhaité rejoindre le mouvement. Nous avons participé depuis décembre 2024 aux travaux préparatoires sur cette charte, en allant aux réunions ouvertes aux organisations partenaires. Puis nous avons travaillé en conseil national sur le texte et proposé des amendements. Enfin, nous avons promu cette charte, en vue d’aider à la collecte des premières signatures.

Si CFDT-Journalistes soutient cette initiative, c’est que nous portons au coeur de nos préoccupations un récit juste sur notre monde et la nécessité d’outiller les journalistes, d’amener des supports à réflexion dans les rédactions, afin que les pratiques changent pour un choix de sujets, de sources, de mots, cherchant à rendre compte de la question sans stéréotypes et en donnant à réfléchir plus qu’à réagir.

Ci-après, des photos de l’atelier sur la charte de Marseille, auquel nous avons participé lors des Assises de Tours en mars 2025.

Télécharger cette charte en PDF

Pourquoi cette charte ?

« Les séquences politiques de l’année 2024 ont mis en exergue la difficulté de nombreuses rédactions de traiter de manière factuelle et éclairée les questions liées aux migrations. Les mobilités humaines, ou migrations, sont un enjeu politique et social majeur du monde contemporain. Les journalistes ont le devoir et la responsabilité de les couvrir dans leur globalité avec soin et précision », indiquent les initiateurs.

Ce n’est pas une « invention ». Dans plusieurs autres pays la profession s’est engagée dans ce travail avant nous. On peut citer notamment la charte de Rome ou la charte de Carthage.

En France, elle a aussi pu s’appuyer sur une étude menée par Désinfox-Migrations et des entretiens avec des chercheurs, des experts spécialistes des migrations et des journalistes impliqués dans des projets de charte similaires, pour identifier les facteurs de succès de ces initiatives.

Les signataires

Les signataires peuvent être des rédactions, des collectifs et associations de journalistes, des journalistes « lambda ». Près d’une trentaine de rédactions ont déjà signé et s’engagent donc à essayer de la faire vivre en interne.

Vous aussi pouvez la signer ou inciter votre rédaction à le faire, en vue d’enclencher une réflexion en interne. N’hésitez pas aussi à en afficher le texte dans votre rédaction !

Le texte intégral

Préambule

Cette charte, élaborée par des professionnels de l’information et des universitaires spécialistes des migrations, est un outil destiné aux journalistes et aux professionnels des médias.

Tout en réaffirmant la liberté éditoriale dont dispose chaque rédaction, cette charte souhaite répondre aux défis journalistiques liés aux migrations, un enjeu politique et social majeur du monde contemporain.

Elle vise à soutenir les journalistes et les professionnels des médias dans leur souhait de proposer une couverture de qualité, précise, complète et éthique des questions migratoires, en intégrant notamment les recommandations issues de textes déontologiques de référence.

Comme le rappelle la Charte mondiale d’éthique de la Fédération Internationale des Journalistes dans son article 9 : « Le/la journaliste veillera à ce que la diffusion d’une information ou d’une opinion ne contribue pas à nourrir la haine ou les préjugés et fera son possible pour éviter de faciliter la propagation de discriminations fondées sur l’origine géographique, raciale, sociale ou ethnique, le genre, les mœurs sexuelles, la langue, le handicap, la religion et les opinions politiques ».

Cette charte s’adresse aux journalistes professionnels et aux professionnels de l’information qui s’engagent à :

1) Prendre conscience que le sujet des migrations doit être traité de manière transversale. Les causes des mobilitiés humaines sont complexes et multifactorielles. Les angles de traitement doivent être exigeants et refléter ces différents prismes.

2) Rectifier les informations fausses ou erronées sur le sujet des migrations. Tout journaliste digne de ce nom dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu’il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte. Le travail de fact-checking est recommandé pour les déclarations publiées ou prononcées par des personnalités publiques au sujet des migrations.

3) Exposer les mécanismes de la désinformation et des stéréotypes sur les migrations en fournissant des informations vérifiées, sourcées, et contextualisées. Un journaliste doit respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité.

4) Veiller à ne stigmatiser aucune population
Les journalistes doivent garantir que toute couverture médiatique respecte la dignité des personnes migrantes et s’interroger sur leurs propres perceptions et biais. La Charte de Marseille recommande aux journalistes de ne mentionner l’origine, la religion ou l’ethnie que s’ils estiment que cela est pertinent pour l’information du public.

5) Ne pas invisibiliser les personnes migrantes. Une couverture journalistique équilibrée des migrations doit prendre soin de s’informer auprès de l’ensemble des parties prenantes, en particulier les premiers concernés.

6) Être vigilant sur les termes employés
Migrant, immigré, réfugié, étranger ou demandeur d’asile n’ont pas la même signification. Les journalistes veilleront à employer les mots les plus appropriés, en se référant aux définitions juridiques et scientifiques ainsi qu’aux catégories administratives en vigueur pour éviter amalgames et approximations.

7) Appliquer les règles élémentaires du droit à l’image
Les journalistes prendront les précautions qui s’imposent en s’assurant du consentement explicite et éclairé des personnes migrantes lorsqu’elles seront filmées, enregistrées ou prises en photos.

8) Veiller à utiliser des images d’illustration qui reflètent la diversité des migrations
Les journalistes veilleront à rester exigeants quant à la pertinence des photos ou images d’illustration. Celles-ci doivent refléter le sujet traité de la manière la plus fidèle et la plus actuelle possible. Cela vaut aussi pour l’utilisation de banques d’images, d’archives ou d’intelligences artificielles génératives.

9) Mettre en avant les faits, les replacer dans leur contexte
Les journalistes respecteront la rigueur scientifique des chiffres et des données statistiques. Ils veilleront à les mettre en perspective, afin d’éviter le « traitement au cas par cas » et d’informer au mieux sur les causes et les effets politiques, économiques et climatiques des migrations.

10) Se former et former ses pairs
Les journalistes doivent avoir accès à des formations initiales et continues sur la couverture des migrations tant sur les évolutions législatives que sur les droits humains ou les travaux scientifiques les plus récents. Ces formations devraient favoriser les partages
transfrontaliers (conférences académiques, séminaires rencontres professionnelles ou reportages collaboratifs avec des rédactions étrangères).

11) Mesurer l’impact et perfectionner les méthodes
Les journalistes et leurs rédactions sont invités à réaliser des audits internes réguliers pour évaluer et améliorer les pratiques journalistiques en vigueur à l’aide d’outils comme des glossaires et des partages d’expérience.


Pour aller plus loin

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Elise