Article rédigé le 20 mars 2025 par
DOMINIQUE MORELLO, Chercheuse CNRS, biologie moléculaire, retraitée
HENRI CAP, biologiste zoologue, Muséum d’histoire naturelle de Toulouse
En ce cinquième anniversaire du confinement en France, cet article propose une synthèse des données scientifiques et autres révélations postérieures à juillet 2021 sur l’origine et les répercussions du Covid 19, faisant suite aux précédents articles écrits avant cette date par les mêmes auteurs1-4. Officiellement, en cinq ans, 776,8 millions de cas ont été recensés dans le monde et 7 millions en sont mortes. D’après l’OMS, une estimation plus réaliste serait autour de vingt millions de morts. En France, on en dénombre au moins 168 000. De redoutable, le SARS-CoV-2 est devenu aussi banal que le virus de la grippe. Le virus s’est adapté et nous avec, à force d’infection et de vaccination. Actuellement, aucune preuve définitive ne peut, à elle seule, permettre de trancher entre l’hypothèse zoonotique (maladie transmise de l’animal à l’humain) ou la fuite accidentelle ou intentionnelle d’un virus manipulé en laboratoire. Cela n’empêche pas de disposer de nombreux éléments plaidant en faveur de l’une ou l’autre de ces hypothèses. Nous présentons ici les principales données disponibles qui permettront à chacun de se faire sa propre idée.
Premiers pas d’une propagation virale
Il y a cinq ans, le 30 janvier 2020, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus déclarait « une urgence de santé publique de portée internationale concernant l’épidémie mondiale du nouveau coronavirus », l’agent pathogène jusqu’alors inconnu qui avait tué en Chine 170 personnes et s’était déjà propagé dans dix-huit pays. La transmission interhumaine du virus était établie et l’on savait depuis peu qu’elle débutait avant l’apparition des symptômes. Mais les données nous parvenaient au compte-goutte du fait des précautions, de la censure et de la réduction au silence des lanceurs d’alerte chinois par leur gouvernement, à l’image du médecin ophtalmologiste Li Wenliang, qui a été l’un des premiers à alerter sur l’apparition d’un nouveau coronavirus (SARS-CoV-2) à Wuhan fin 2019 en partageant ses inquiétudes avec des collègues médecins sur l’émergence de cette maladie ressemblant au SRAS. Cependant, les autorités chinoises l’ont réprimandé, l’accusant de « propagation de rumeurs ». Il aurait ensuite contracté le virus et en serait décédé le 7 février 2020 à l’âge de 34 ans, suscitant une vague d’émotion et de colère en Chine et dans le monde entier. Son histoire est devenue emblématique du manque de transparence initial dans la gestion de la pandémie, à l’instar de l’ex-avocate Zhang-Zhan, libérée en mai 2024 après 4 ans d’emprisonnement, dont la parole reste muselée. Le confinement général avait été décrété le 23 janvier à Wuhan, la capitale de la province du Hubei hébergeant près de 12 millions d’habitants, dont le marché d’Huanan, d’où tout serait semble-il parti. Les scientifiques chinois détenaient depuis plusieurs jours la séquence du SARS-Cov2, le virus responsable de ce que l’OMS nommera Covid-19 le 11 février. Quelques pays prennent alors des mesures face à l’urgence, d’autres, comme les Etats-Unis et l’Italie, y sont indifférents. La France tarde ; les premiers morts sont décomptés et ce n’est que le 11 mars, jour où l’OMS déclare la pandémie, qu’elle réagit officiellement, avec la création du conseil scientifique Covid-19, suivie le 16 mars, le lendemain du premier tour des élections municipales, de la déclaration du président de la République Emmanuel Macron : « Nous sommes en guerre » et du mot d’ordre de confinement prononcé à 22h par Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur d’alors. Bilan ce jour-là : 7 500 cas déclarés, 2 279 hospitalisations et 148 décès. Aucun traitement efficace n’est disponible, les tests et les masques manquent. Le premier ministre Edouard Philippe déclare le 13 mars « Porter un masque en population générale, ça ne sert à rien », répétant les préconisations de l’OMS qui finira par accepter le 30 avril 2021 ce que les scientifiques ont depuis longtemps démontré : le virus se transmet essentiellement par aérosol via l’air expiré et sur de longues distances5. En attendant d’autres solutions, le masque, s’il avait été disponible, aurait été bien utile !
Les variants
Depuis la souche originelle identifiée à Wuhan en novembre 2019, les variants se sont succédés : Alpha (B.1.17, Royaume-Uni, novembre 2020), Beta (B.1.351, Afrique du Sud, décembre 2020), Gamma (P.1, Brésil, décembre 2020), et Delta (B.1.617.2, Inde, novembre 2020). Cependant, au moment où le variant Delta pousse de nombreux non-vaccinés relativement peu âgés et des personnes âgées ou malades dans les hôpitaux, une nouvelle vague encore plus rapide déferle au début de l’année 2022 avec le variant Omicron (B.1.1.529) dont certaines souches sont parfois plus contagieuses que la varicelle et la rougeole, avec un R0 (nombre moyen de nouveaux cas qu’une seule personne contaminée va infecter) compris entre 5 et 24, soit près de 10 en moyenne6, du jamais vu chez ce type de virus ce qui, compte-tenu du délai très court entre la contamination et le début de la période contagieuse, en fait le virus le plus contagieux jamais identifié (voir encadré Omicron). En Afrique du Sud où il est apparu en novembre 2021, la vague n’aura duré que deux mois. En Europe, elle s’installe rapidement mais s’avérera moins létale que les précédentes. Omicron a cependant perduré jusqu’à aujourd’hui avec ses sous-variants et a donc infecté plus de monde et probablement causé plus de morts que tous les autres variants. Beaucoup plus contagieux que les variants précédents, Omicron est aussi plus apte à échapper à la protection immunitaire fournie par les vaccins ou l’immunité naturellement acquise. Avec son R0 remarquable, il a en quelque sorte joué le rôle d’un vaccin universel, ou du moins a permis à la population mondiale d’acquérir un seuil d’immunité collective suffisant pour que la maladie ne constitue plus une menace de santé publique, notamment en termes d’engorgement des hôpitaux comme ce fut le cas avant 2022. La douzaine de variants actuels dérivent presque tous de la souche JN.1 (septembre 2023), elle-même issue de l’Omicron BA.2.
CC-BY-4.0 Emma Hodcroft – nextstrain.org
Omicron le variant à la surprenante évolution
Apparu en Afrique du Sud en novembre 2021, le variant Omicron continue de questionner. Sa contagiosité exceptionnelle reste inexplicable pour un coronavirus. Par rapport à la souche d’origine, il possède plus de 50 mutations dont 5 constituent une signature d’une adaptation à un hôte murin, alors qu’à l’origine SARS-CoV-2 n’était pas capable de se fixer aux récepteurs ACE2 du rongeur7. Cette donnée suggère qu’Omicron a évolué dans un environnement de type rongeur, que ce soit des cellules en culture ou dans la souris elle-même, naturellement ou dans un laboratoire8,9. Mais comment les souris ont-elles été infectées ? Comment le variant Omicron s’est-il ensuite adapté aux cellules humaines restent des questions sans réponse. Toutefois, une majeure partie de la communauté scientifique considère qu’Omicron aurait principalement évolué chez des patients humains immunodéprimés au cours d’une infection chronique qui aurait duré plusieurs mois10,11. Cette hypothèse pourrait également expliquer l’évolution des autres variants, puisque le variant Delta ne provient pas du variant Alpha, et Omicron ne dérive pas de Delta (voir Figure 1). Aucun ne suit une évolution classique dite « en échelle », telle celle qu’on observe par exemple chez le virus de la grippe H3N2 ou du rhume CoV-229, qui leur permet d’échapper à l’immunité. Pour Omicron, le doute subsiste quant à l’origine des mutations indiquant une adaptation à un hôte de type rongeur et son R0 hors norme questionne.
En France, les données précises sur la circulation du SARS-CoV-2 ne sont plus disponibles depuis la fermeture en juin 2023 de la plateforme SI-Dep (pour systèmes d’information de dépistage). Depuis plusieurs mois, les modèles de prévision ont été mis en pause alors que ceux concernant la grippe ont été longtemps actifs, attestant de la sévérité de l’épidémie grippale. Du point de vue physiopathologique, il existe une différence de taille entre l’avant et l’après Omicron : les premiers variants ciblaient préférentiellement les voies respiratoires basses (trachée, bronches, poumons), entraînant des infections graves. Omicron s’attaque plus spécifiquement aux voies respiratoires supérieures (du nez au larynx), ce qui le rend moins dangereux mais plus transmissible. Le port du masque dans les lieux publics reste rare mais non nul (13% des personnes ayant répondu à l’enquête CoViPrev en septembre 2024 déclarent le porter systématiquement). Les masques, surtout les respiratoires N95 ou FFP2, se sont avérés utiles pendant la deuxième vague12.
Actuellement, en dehors des immunodéprimés, la majorité des personnes infectées par le SARS-CoV-2 se soignent chez elles, comme pour une infection respiratoire virale classique. A l’hôpital, les traitements se sont banalisés et les malades, essentiellement des personnes âgées avec une pathologie sous-jacente, sont traités avec des anti-viraux, tel que le paxlovid. Les recherches sur les conséquences du Covid long, qui frappe au moins 2 millions de français (dont 10 à 15% ont des formes très sévères), s’intensifient. On sait que le virus persiste dans les organes qu’il a infectés (cerveau, système cardio-vasculaire, système immunitaire). Maintenant que cette maladie, dont les causes sont probablement multiples, est reconnue, il reste à prendre en charge le mieux possible les patients, parfois très lourdement atteints, et trouver des traitements et des alternatives leur offrant plus de confort, en attendant une hypothétique guérison13.
L’ONU avait alerté en mars 2020 sur les ravages qu’allait causer le SARS-CoV-2 dans les pays en développement. Fort heureusement, la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu, même si, du fait du confinement, certains pays ont été durement touchés. L’Afrique est un bon exemple : sur plus d’un milliard d’habitants, elle a enregistré environ 1,5 million de cas de Covid-19 (selon les données de l’université John Hopkins), des chiffres bien inférieurs à ceux de l’Europe ou de l’Asie, qui pourraient s’expliquer par la jeunesse de sa population (âge médian de 19 ans) et le faible taux de personnes âgées (3% de plus de 65 ans), celles qui ont été les plus touchées dans les pays « riches », un climat et un mode de vie favorables à la non propagation du virus et des systèmes de santé communautaires éprouvés. Toutefois il ne s’agit que des cas confirmés, la plupart n’ayant pas été comptabilisés, ce qui donnerait une estimation avoisinant la centaine de millions.
La vaccination et les effets indésirables
Rapidement, la solution du tout vaccin a été présentée comme étant nécessaire pour limiter la circulation du virus, le risque de développer des formes graves et engorger les hôpitaux. Elle est devenue quasiment obligatoire dans la plupart des pays occidentaux. En France, c’est le vaccin à ARN messager (ARNm) qui a été majoritairement injecté dès l’autorisation de mise sur le marché, fin 2020. Les deux premiers vaccins de ce type disponibles (Moderna et Pfizer/BioNtech) reposaient tous deux sur l’injection d’un ARN codant la protéine S (pour Spike), la protéine du virus lui permettant de se fixer sur les récepteurs présents à la surface des cellules de l’hôte infecté (récepteurs ACE2). D’autres vaccins, fabriqués de manière traditionnelle, à base de virus à ADN (tels Astra-Zeneka) ou de virus inactivé (Coronavac) ont aussi été utilisés. En France, la campagne de vaccination 2024/2025 utilise le vaccin monovalent à ARN messager Comirnaty JN1 de Pfizer/BioNTech, correspondant au variant JN.1 qui circule depuis septembre 2023.
La vaccination généralisée a indéniablement permis de sauver un grand nombre de vies, comme le montre un taux de létalité beaucoup plus faible chez les personnes vaccinées que chez les personnes non vaccinées. Cependant, la pertinence de sa généralisation aux enfants et aux adultes jeunes en bonne santé a été discutée14. En effet, dès février 2020, les premières publications chinoises avaient montré que les formes graves concernaient à plus de 80% les personnes âgés (65 ans et plus) et les malades avec des facteurs de comorbidités. De plus, au cours de la pandémie, seuls quelques enfants dans le monde seraient décédés directement du Covid 19. L’adhésion à la vaccination a largement fluctué depuis 2020 et une défiance persiste en France : en février 2024, 30% seulement des personnes âgées de 65 ans et plus (et seulement 10% des professionnels de santé) se sont fait inoculer le vaccin, alors que plus de la moitié (54%) se sont fait vacciner contre la grippe. Et pourtant, le SARS-CoV-2 a été plus mortel que la grippe (40 000 morts estimés pour le Covid 19 en 2022 contre 9 000 à 10 000 morts par an en moyenne pour la grippe). Depuis la mi-octobre 2024, la double vaccination grippe/Covid-19 est préconisée, bien que contrairement à la grippe dont le pic est hivernal, la circulation du SARS-CoV-2 s’effectue toute l’année. Une partie du public plus spécifiquement ciblé pense qu’elle est inutile. Cette défiance est multifactorielle. Citons quelques raisons :
- La nouveauté de ce type de vaccin à ARN créée un doute légitime puisqu’il n’y a par définition comme pour toute innovation aucun recul. L’ARN peut-il gagner le noyau cellulaire, être « rétro-transcrit » (c’est-à-dire transformé en ADN) et s’insérer dans l’ADN, créant ainsi de possibles mutations ? Rappelons que près de 10% de notre patrimoine génétique correspond à des séquences virales acquises sur des millions d’années par transferts horizontaux de virus (à ADN ou ARN). De nombreux scientifiques pensent que cette hypothèse calquée sur l’action de rétrovirus (tel le VIH) ne s’applique pas à l’ARN du vaccin car il est fragile et ne devrait pas persister longtemps dans la cellule. Toutefois même si aucune donnée ne montre que l’intégration de l’acide nucléique du vaccin ARNm dans le noyau des cellules ait eu lieu, cela reste possible.
- Des personnes vaccinées ont été contaminées et hospitalisées. Outre le fait qu’un vaccin n’est jamais efficace à 100%, l’échappement immunitaire est une des caractéristiques des variants issus d’Omicron, c’est-à-dire que certaines mutations de leur protéine Spike empêchent les anticorps de les reconnaitre et donc les neutraliser. De fait, l’efficacité vaccinale a fortement chuté. Au début 2022, seules les personnes âgées et vulnérables ainsi que les professionnels de santé étaient visées par la deuxième dose de rappel.
- Le pass sanitaire entré en vigueur le 9 juin 2021, obligatoire dès 12 ans, et son caractère coercitif ont eu un impact très défavorable sur l’opinion du grand public.
- Des scientifiques ont eux-mêmes suscité le doute en décrivant que la protéine S codée par le vaccin à ARN pouvait pénétrer dans le noyau de la cellule et inhiber les mécanismes de réparation de l’ADN (voir par exemple15, mais pour une raison inconnue l’article a été rétracté en mai 2022). Plusieurs généticiens, dont Axel Kahn, ont ainsi exhorté les pouvoirs publics à « éviter la vaccination des enfants car ce serait criminel ». En effet, la multiplication cellulaire chez les jeunes en pleine croissance est sans commune mesure avec celles des adultes et la non réparation potentielle d’erreurs de copie de l’ADN pourrait avoir des répercutions majeures sur leur développement. Mais au-delà de ces précautions, la communauté scientifique a reconnu qu’il n’y avait aucun bénéfice à vacciner et faire des rappels à des populations à faible risque comme les enfants.
- Enfin, de nombreux effets secondaires de différents vaccins anti-SARS-CoV-2 ont été rapportés. Le dernier rapport publié par l’ANSM en août 2023 mentionnait 193 934 déclarations d’effets indésirables dont 25% de cas graves, pour plus de 156 788 000 injections (soit un peu plus de 1 personne/1000)16. Parmi les 25 potentiels évènements indésirables décrits, notons par ordre décroissant de fréquence : des troubles cardiovasculaires (péricardites, myocardites, AVC, infarctus du myocarde), des troubles neurologiques, des thromboses, des troubles articulaires, des troubles menstruels…). Dans le cas des myocardites, c’est une réponse généralisée de l’organisme au vaccin provoquant une inflammation du muscle cardiaque qui a été mise en cause et non la production d’anticorps. Des procédures pénales, très peu nombreuses, ont été engagées auprès de tribunaux, des indemnisations ont été accordées17.
Origine du SARS-CoV-2
Au début de l’épidémie, l’origine zoonotique du SARS-CoV-2 était l’hypothèse privilégiée des experts du domaine. En effet, de nombreux virus de chauve-souris du Sud-Est asiatique se recombinent naturellement. SARS-CoV-2 aurait ainsi pu émerger au hasard de recombinaisons s