Claude Louis-Combet, voix singulière de la littérature française, s’est éteint le 24 novembre 2025 à l’âge de 93 ans, laissant une œuvre discrète mais profondément marquée par la mystique, le mythe et la chair. Sa production, publiée chez des éditeurs comme Albin Michel, José Corti, Lettres Vives et Jérôme Millon, mêle récits, essais et mythobiographies où se croisent la douleur, la transgression et une langue exigeante. L’occasion de découvrir une quête spirituelle sans concessions, et de comprendre pourquoi Claude Louis-Combet, longtemps méconnu du grand public, reste une référence pour qui cherche une littérature habitée par le sacré et l’énigme. Voici donc notre sélection, certes subjective et non exhaustive, des meilleurs livres de Claude Louis-Combet à lire absolument !
Marinus et Marina
Avec Marinus et Marina, Claude Louis-Combet signe une œuvre singulière, à la croisée du mythe, de l’hagiographie et de l’introspection. Publié initialement en 1979, puis réédité par les éditions José Corti en 2003, ce texte — plus qu’un roman — offre une plongée troublante dans une légende chrétienne de Bithynie. Marina, une jeune vierge entré à quinze ans dans un monastère d’hommes, vivra et mourra sous le nom masculin de Marinus. Après sa mort, l’Église la canonise.
Le narrateur, lui-même moine, fait de cette légende le miroir d’un itinéraire intérieur: l’écriture devient exégèse de l’âme, exploration des contradictions entre chair et esprit, masculin et féminin, identité et mystère.
Typique de la « mythobiographie » chère à l’auteur — ce genre hybride mêlant mythe et biographie intime — Marinus et Marina ne se contente pas de raconter une histoire ancienne : il libère un langage intense, dense et viscéral, déployant une tension spirituelle que le lecteur ressent jusque dans sa chair.
Des égarées
Avec Des égarées, Claude Louis-Combet tisse un lien entre mystique et littérature, dressant le portrait de femmes du XVIIᵉ siècle, “égarées” aux yeux du monde — mais habitées d’un seul désir : se consacrer entièrement à l’union à Dieu.
Sous sa plume, ces figures oubliées — Louise du Néant, Marie des Vallées, Claudine Moine, Armelle Nicolas, Marie Teyssonnier et Jeanne-Marguerite — ne sont ni des héroïnes hagiographiques, ni des icônes édifiantes. Elles deviennent des présences ténues, presque inaudibles, dont la vie et l’extase intérieure sont retracées non dans l’ordre chronologique, mais comme autant de variations sur la quête de sainteté, de silence, de “néant” et d’abandon.
Le livre évite l’anecdote, préfère la profondeur : c’est l’acte d’écrire qui prend tout son sens, faisant de chaque “égarée” un symbole de rupture — avec le temps, le corps, le monde — et un chemin vers le langage ultime.
Le Roman de Mélusine
Avec Le Roman de Mélusine, Claude Louis-Combet réinvestit l’un des mythes fondateurs du Moyen Âge — celui de la fée serpente et de ses noces mystérieuses avec un mortel — pour le porter à hauteur de poème, de mémoire métaphysique et de quête intérieure. Publié en 1986 chez Albin Michel dans la collection « Les grands mythes fondateurs de l’Occident », son roman conjugue fidélité à l’héritage médiéval et prose contemporaine.
L’histoire, dans sa version classique, narre les amours de la fée légendaire — part femme, part serpent — et du chevalier qui l’épouse, avant que le scandale du regard ne vienne briser l’enchantement. Mais chez Claude Louis-Combet, ce conte se fait miroir de l’âme : l’œil miroitant de la fée, le secret et l’image deviennent symboles d’un désir d’union impossible, d’un gouffre entre l’être et son double, entre le visible et l’invisible.
Blesse, ronce noire
Dans Blesse, ronce noire, Claude Louis-Combet nous offre une plongée troublante dans la nuit de l’âme et de la chair. Publié pour la première fois en 1995 aux Éditions José Corti, ce texte, à la lisière du récit et de la rêverie, ressuscite l’écho poétique, obsédant et fatal, du poète autrichien Georg Trakl.
À partir du dernier poème de Trakl, intitulé Révélation et anéantissement, et de quelques photographies du frère et de la sœur, Claude Louis-Combet tisse un roman sombre : une biographie fantasmée où se mêlent incestueux désir, perte de l’innocence, et la montée d’un verbe chargé de douleur — capable de dire l’indicible.
L’écriture, baroque et sensuelle à la fois, transforme la culpabilité et la transgression en matière littéraire : chair et verbe s’y confondent, la mémoire blessée devient image vivante d’un abîme spirituel.
Du sens de l’absence
Du sens de l’absence est un essai sobre et profond de Claude Louis-Combet. Moins un manifeste qu’une méditation sur l’écriture, le vide et le silence. Publié chez l’éditeur indépendant Lettres Vives, ce court ouvrage interroge la place de l’absence dans le discours littéraire : non comme manque douloureux, mais comme source originaire, espace intérieur où s’enracine le langage.
Loin des récits classiques, l’auteur prône une écriture née « d’un désir d’atteindre ce qui précède le mot », ce qui vient avant le souvenir — un lointain intérieur, intime, silencieux, que seul le verbe peut approcher sans l’asservir. L’écriture devient alors acte d’ascèse, geste de suspension, invitation à accueillir l’indicible.
Ce texte fragile — parfois minimaliste — se révèle pourtant d’une puissance rare : il rappelle que l’ombre, le vide et le non-dit ne sont pas des manques à combler, mais des formes de présence, des seuils vers une expérience d’altérité et de mystère.
Les oiseaux d’Irène (Illustrations de Dado)
Avec Les Oiseaux d’Irène, Claude Louis-Combet nous convie à un recueil troublant et incandescent : des images et des textes conjoints rendent hommage à une mémoire suspendue, celle d’Irène Némirovsky, victime de la déportation en 1942.
Sur les pages d’un ancien ouvrage d’ornithologie, l’artiste Dado compose des oiseaux chimériques — hybrides, violents, affligés — figures de l’horreur, du traumatisme et du deuil, mais aussi du refus de l’oubli. Claude Louis-Combet, par ses textes, fait de cette monstrueuse fable visuelle un geste de mémoire : ces « oiseaux d’Irène » ne sont pas de simples dessins, mais des spectres d’une humanité détruite, mélancoliques comme l’écho d’un nom effacé.
L’ouvrage échappe à la classification : ni strict catalogue d’art, ni essai, il est ce que l’on pourrait appeler une « archi-mémoire », hybride comme ses créatures, oscillant entre le cri et le silence, l’image et le mot. Pour le lecteur sensible à l’art comme à l’histoire, ce livre est une saisissante méditation sur la perte, la survivance et la puissance de la représentation.
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Hakim Aoudia.
