La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé au contrôle des comptes et de la gestion du syndicat intercommunal des énergies de la Loire – Territoire d’Energie Loire (SIEL-TE) pour les exercices 2018 à 2024.
Celui-ci est réalisé dans le cadre d’une enquête diligentée par une formation interjuridictions (FIJ) associant la première chambre de la Cour des comptes et plusieurs chambres régionales des comptes et visant à réaliser un bilan de l’accès effectif au numérique (couverture fixe et mobile) en termes de qualité d’accès, d’usages numériques présents dans les territoires ou émergents, et sur son impact sur la cohésion et l’attractivité des territoires.
Le syndicat intercommunal d’énergies de la Loire (SIEL-TE) est un syndicat mixte ouvert auquel adhèrent notamment toutes les communes, tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la Loire et le département de la Loire.
Créé en 1950, autorité organisatrice de la distribution d’électricité et de gaz, il s’est progressivement diversifié à partir de 2012 dans l’aménagement numérique, compétence optionnelle qui lui a permis de lancer dès 2013 la construction d’un réseau d’initiative publique (RIP) de fibre optique très haut débit (THD) FttH nommé « THD42 », destiné à desservir les 274 communes de la Loire situées dans cette zone .
Le coût prévisionnel du déploiement du réseau THD42 était estimé à 280 M€, financé à hauteur d’un tiers chacun par l’État et la région Auvergne-Rhône-Alpes, par les EPCI, et par le SIEL-TE. Ce déploiement obéissait à un principe de péréquation, les prises étant installées sur l’ensemble du territoire au même coût dans une logique de solidarité territoriale. Le SIEL-TE ne dispose toutefois pas d’une estimation fiabilisée du coût total de la réalisation du réseau THD42.
Le SIEL-TE est propriétaire du réseau qu’il a construit sous maîtrise d’ouvrage publique. Il en a confié l’exploitation, la commercialisation et la maintenance à la société THD42 Exploitation, filiale de la société Axione, dans le cadre d’un contrat d’affermage qui court jusqu’en 2030. Le déploiement, achevé en 2020, a permis de construire près de 17 000 kms de réseau et d’installer près de 200 000 prises au 31 décembre 2024, soit un nombre supérieur à celui initialement prévu.
Ce déploiement a permis une progression significative de la couverture en très haut débit du département de la Loire, qui est quasiment atteinte dans la zone d’initiative publique. Le rapport entre le nombre d’abonnements souscrits à la fibre et le nombre de prises raccordables du réseau THD42 s’élève ainsi à 60 % en 2024.
La compétence en matière d’aménagement numérique a toutefois été confiée au SIEL-TE par les EPCI pour une durée minimum de six ans, ce qui est contraire au principe de transfert pérenne d’une compétence et ce que la chambre recommande de corriger.
Les enjeux liés à la présence de deux RIP dans le département
La Loire présente la particularité d’avoir deux RIP distincts, le réseau THD42 et le réseau Loire Télécommunications Infrastructures Mutualisées (Lotim), construit à l’initiative du département, au départ pour desservir les zones d’activités. Ces deux réseaux reposent sur des infrastructures en partie partagées et sont interconnectés.
Toutefois, alors qu’ils avaient initialement vocation à s’adresser au grand public pour le réseau THD42 et aux entreprises pour celui de Lotim, les évolutions du cadre réglementaire et le souhait d’assurer leur équilibre financier les ont notamment conduits à diversifier les offres destinées aux professionnels.
Même s’il n’institue pas d’obligation formelle, l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que les collectivités doivent veiller à ce que ne coexistent pas sur un même territoire plusieurs réseaux publics destinés à répondre à des besoins similaires, ce qui ne correspond pas à la situation existant dans la Loire.
Un équilibre financier impacté par les évolutions liées au cadre d’exploitation et au coût de la vie du réseau
Le contrat d’affermage a fait l’objet de 13 avenants au cours de la période 2018-2024, dont l’impact financier n’est davantage précisé que depuis juin 2024.
L’équilibre financier est assuré par les redevances versées par le délégataire, qui ont représenté près de 62,7 M€ HT de produits de gestion au cours de la période 2018-2024. Toutefois, l’équilibre initial est impacté par les différentes modifications du cadre juridique décidées au niveau national par l’Arcep, notamment en raison de la mise en place du cofinancement qui prévoit une participation des opérateurs aux travaux, en contrepartie de droits d’usages pérennes. Le SIEL-TE ne dispose pas, pour les opérations antérieures à novembre 2022, des éléments lui permettant de recouvrer ces sommes, se privant ainsi de ces recettes. Pour la période postérieure, la chambre l’invite à mettre en œuvre toutes les démarches nécessaires à leur recouvrement.
Les coûts liés à la maintenance et à l’entretien du réseau sont complexes à identifier, les marchés passés par le SIEL-TE ne distinguant pas les prestations de déploiements et celles liées à la vie du réseau. Par ailleurs, les travaux d’enfouissement des câbles de fibre optique, souvent réalisés dans un second temps, nécessitent généralement des travaux de génie civil et sont facturés en lien avec la compétence obligatoire en matière d’« électricité » du SIEL-TE. L’ensemble de ceux-ci se sont élevés, au cours de la période, à 91,2 M€ HT.
Enfin, la fin annoncée du « réseau cuivre » et la bascule potentielle de ses usagers vers le réseau THD42 représente, au-delà de l’accès au numérique, un enjeu financier significatif pour le SIEL-TE et son délégataire.
La qualité et la résilience des réseaux
Les évolutions du cadre juridique national ont conduit les opérateurs commerciaux à recourir à des sous-traitants (mode STOC) pour assurer une partie des raccordements, ce qui a permis d’accélérer le déploiement, mais a aussi généré pour le syndicat de nombreuses difficultés techniques en multipliant les intervenants.
Le SIEL-TE dispose d’un système d’information géographique (SIG) qu’il doit adapter au format national exigé par l’ANCT, lequel conditionne le versement du solde des subventions d’un montant de 7,7 M€.
Un schéma local de résilience commun aux deux réseaux publics a été réalisé, ce qui est une bonne pratique et a permis d’identifier les travaux à effectuer en priorité pour améliorer la sécurisation du réseau et son adaptation aux aléas climatiques, dont la première tranche, d’un montant estimé à 5 M€, devrait intervenir en 2025.
Les usages et leur impact sur la cohésion du territoire
Le SIEL-TE a déployé des réseaux très haut débit spécifiques, permettant à une dizaine de communes de mettre en place des groupements fermés d’utilisateurs (GFU) à partir desquels sont déployés, notamment, des dispositifs de vidéo-surveillance.
L’impact plus général du déploiement du numérique sur l’attractivité du territoire n’est pas documenté, mais la couverture de la totalité du département semble de nature à en assurer la cohésion territoriale. Le SIEL-TE entend se concentrer sur les infrastructures réseau plus que sur les usages. Toutefois, le niveau de dépenses publiques engagées dans le déploiement puis l’entretien du réseau THD42 justifient la définition et le suivi d’indicateurs permettant de mesurer les usages et l’impact du numérique sur l’attractivité du territoire, dont la chambre recommande la mise en œuvre.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1. : Mettre fin à la durée limitée des transferts de la compétence optionnelle en matière d’aménagement numérique
Recommandation n° 2. : Définir et suivre des indicateurs sur le développement des usages en lien avec le réseau très haut débit et sur son impact sur l’attractivité du territoire.