Repenser les médias et les RP : Lola Parra Craviotto, journaliste

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Lola Parra Craviotto est une journaliste espagnole, basée à Paris depuis une quinzaine d’années et spécialiste de la réalisation de grands reportages et d’enquêtes pour des grands médias français. C’est lors de sa pause professionnelle, prise à la naissance de sa fille, qu’elle a effectué une remise en question plus large de ses souhaits et de ses ambitions, ce qui l’a notamment poussée à lancer sa propre newsletter d’information« L’actu, ce truc de vieux ». Du jour au lendemain, cette pigiste, qui mettait un point d’honneur à garder ses articles les plus neutres possible, se retrouve à donner son avis sur tout et à ouvrir le débat sur chaque sujet qu’elle juge intéressant. Tout cela sans complexe, sans tabou (mais toujours avec politesse) au rythme d’une newsletter bimensuelle.

Pour commencer, pourriez-vous nous présenter votre newsletter, « L’actu, ce truc de vieux », et nous en dire plus sur les retours de vos lecteurs ?

Ma newsletter parle de l’impact des médias sur la société, la politique, l’économie, la culture, et bien plus encore… tout simplement parce que le multimédia a un impact sur toute notre vie. Cette envie m’est venue de l’expression d’Elon Musk « You are the Media Now », selon laquelle n’importe qui aujourd’hui peut faire du « journalisme » en utilisant les réseaux sociaux. Depuis le lancement, je reçois des retours très positifs de la part de mes lecteurs et je constate avec étonnement qu’ils lisent en général la totalité de la newsletter, qui adopte pourtant un format long (environ 15 000 signes). En plus d’aimer son ton direct et vivant, ils disent avoir toujours l’impression d’apprendre de nouvelles choses en me lisant, sans pour autant se sentir ignorants.

Selon vous, est-ce que la frontière entre création de contenu et journalisme reste bien marquée ou devient-elle de plus en plus floue ?

Selon moi, ce sont deux métiers différents. Les journalistes ont une formation spécifique, alignée sur des codes (notamment la vérification des sources), alors que les créateurs de contenu suivent une autre voie. Ils essaient également de vérifier les informations, mais pas de la même façon.  « Créateur de contenu » est un métier nouveau encore en devenir : on apprend d’eux en même temps qu’ils apprennent de nous. Il faudra observer comment cela évolue dans les prochaines années pour répondre à la question plus précisément.

Extrait vidéo : évolution des journalistes et des influenceurs

Selon vous, quels sont les grands défis que rencontre la presse et qu’elle doit surmonter ?

Le plus gros défi selon moi, c’est de réussir à s’approcher de son lecteur. La certitude des médias selon laquelle ce qu’ils font et la façon dont ils le font plaît à leurs lecteurs a été récemment remise en question, donnant lieu à une prise de conscience nécessaire. Certains commencent à donner davantage la parole aux lecteurs, à écouter leur avis et leurs conseils. C’est le cas de La Tribune par exemple, qui organise ce type d’actions pour aller à la rencontre de ses lecteurs.

Quel conseil donneriez-vous à des attaché.es de presse dans leur façon de créer des relations avec les journalistes ? 

Je pense que le plus important pour un.e attaché.e de presse, c’est de savoir ce qui intéresse les journalistes. Cela nécessite de travailler la relation avec eux en amont, à commencer par le canal des réseaux sociaux. Quand un.e attaché.e de presse nous contacte sur LinkedIn par exemple, on sait que c’est pour nous demander ou nous proposer quelque chose (une actualité, une tribune d’expert, un événement presse…), et ce même s’il n’y a aucune relation préexistante avant entre nous. Pour ma part, j’accorde une grande importance au fait d’initier la relation en amont, en échangeant sur des bonnes pratiques ou sur nos sujets de prédilection, même si cela est évidemment plus chronophage.

Est-ce qu’il existe des faux pas rédhibitoires commis par des attaché.es de presse ?

Le premier faux pas qui me vient à l’esprit, c’est d’envoyer un communiqué de presse à l’ensemble d’une rédaction, sans inclure les pigistes. Car en tant que pigiste, quand je propose un sujet à un média, je sais qu’il ne sera jamais accepté si tous les journalistes de la rédaction ont déjà reçu le communiqué de presse.,

À cela, j’ajouterais également le fait de rédiger des communiqués de presse peu clairs, trop complexes, surtout pour les journalistes qui ne maîtrisent pas les éléments de langage de chaque entreprise.

Extrait vidéo : relations entre journalistes et RP

Quels sont les conseils que vous donneriez aux nouveaux journalistes ?

J’aurais trois conseils principaux à leur donner : premièrement, ne pas avoir peur de ne pas être légitimes, et au contraire chercher à améliorer leur visibilité via les réseaux sociaux. Deuxièmement, ne pas hésiter à contacter les rédactions et à les rencontrer. Troisièmement, ne pas penser qu’ils ne pourront plus jamais revenir vers le journalisme s’ils touchent à d’autres secteurs, comme la communication par exemple ; au contraire, il faut diversifier les revenus, s’autoriser une perméabilité entre les deux, ne pas hésiter à aller travailler avec des créateurs de contenus pour apprendre une autre façon de faire et développer sa créativité, car cela peut toujours servir au métier de journaliste à terme.

Extrait vidéo : impact de l’IA sur le métier de journaliste

Propos recueillis par Elodie Buch et Lison Ricq

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Mylene