Deux sœurs, un village et une nouvelle vie - SOS Villages d'Enfants

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La nuit venait de tomber ce soir de février 2014 quand Charmila, Faharya et leur petit frère ont découvert le village d’enfants SOS de Persan. « J’étais choquée, se souvient Charmila, aujourd’hui âgée de 21 ans. On nous a présenté l’éducatrice, puis on a vu le salon, les chambres… C’était incroyable de réaliser que cette grande maison, ce serait notre vrai chez nous. »

Sa sœur aînée, Faharya, 23 ans, a, elle, le souvenir du soulagement qu’elle avait ressenti lorsque les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) lui ont expliqué que la fratrie ne serait pas séparée. « Nous avions connu la vie en foyer où je voyais rarement ma sœur et mon frère. Et puis, dans une maison SOS, les éducatrices familiales sont présentes du matin au soir, pas comme dans les foyers, où les équipes de la journée ne sont pas celles des nuits. Au village, c’était comme vivre dans une famille. »

Chez SOS Villages d’Enfants, la fratrie a trouvé la stabilité qui lui manquait après une enfance chaotique. Nées à Mayotte, les sœurs étaient arrivées à Paris peu après leur naissance, et de leur vie dans l’archipel, elles n’ont gardé aucun souvenir. Leurs premières années en Métropole furent rythmées par de nombreux déménagements. Leur mère parvenait tant bien que mal à trouver des hébergements souvent provisoires. Celle-ci, en grande précarité et souffrant d’une maladie, ne parvenait pas à leur offrir un cadre stable. La famille vivait parfois chez des connaissances, parfois, aussi, dans la rue. « Comme j’étais l’aînée, je m’occupais de mon frère, de ma sœur, et même un peu de ma mère  », se souvient Faharya. Une instabilité qui les conduit à être admises en foyer d’urgence pendant deux ans, avant de revenir vivre chez leur mère. Mais, finalement, l’ASE décida, pour leur sécurité, de les confier à SOS Villages d’Enfants. Ces années avant leur arrivée au village d’enfants SOS de Persan n’ont évidemment pas été sans conséquence. « J’ai la phobie d’être à nouveau un jour sans domicile, une peur qui remonte à notre expulsion, explique Charmila. Cela n’a duré que quelques jours, peu de temps avant d’arriver au village, mais cela m’a marquée. Aujourd’hui, je fais très attention à mes dépenses et j’essaie d’économiser.  »

UNE FRATRIE SOUDÉE MAIS OUVERTE SUR LES AUTRES

Lorsqu’on leur demande ce qu’elles attendaient le plus en arrivant au village d’enfants de Persan, Faharya sourit : « Un peu de tout : un cadre, la stabilité, du confort, des relations simples, de l’affection… » Une affection que les enfants ont trouvé particulièrement auprès de Jeanne*, une aide familiale qui avait rejoint le village peu de temps après elles. « La relation que nous avons nouée avec Jeanne était belle, et elle l’est toujours, car nous sommes restées proches. C’est quelqu’un de la famille. »

L’une des grandes forces de SOS Villages d’Enfants est de ne pas séparer les fratries, et Charmila et Faharya en mesurent aujourd’hui l’importance. « On parlait et on jouait beaucoup ensemble, mais chacune avait aussi ses amis, nuance Charmila. Nous n’étions pas repliées sur nous deux. » Cette ouverture sur les autres, Charmila et Faharya l’ont aussi vécue d’abord en participant à l’espace village de consultation des jeunes (EVCJ), une instance de consultation des enfants accueillis en village pour l’amélioration de leur cadre de vie, mais aussi avec le Programme d’épanouissement par le sport (PEPS). Celui-ci organise des séjours sportifs entre jeunes de différents villages. «  Ça permet de gagner en confiance en soi, témoigne Charmila. J’ai fait un PEPS d’activités aquatiques et j’y ai appris à me dépasser, à aller au-delà de mes capacités. » Sa grande sœur regarde aussi ces séjours comme de « superbes occasions de rencontrer d’autres jeunes et d’autres adultes qui ne font pas partie du monde de la protection de l’enfance  ».

Titulaire d’un master en sciences de l’éducation, Faharya est aujourd’hui informatrice jeunesse. Charmila, quant à elle, suit un BTS Management commercial opérationnel. Les deux sœurs soulignent l’importance que l’éducateur scolaire du village a eue sur leur parcours. Elles racontent qu’il faisait tout pour leur « transmettre sa passion de l’école.  C’était un vrai atout, car nous avions bien conscience que faire des études supérieures n’était pas la règle pour les enfants confiés », expliquent-elles.

Ces deux dernières années, les sœurs ont partagé un appartement étudiant dans le XXe arrondissement de Paris, attribué par le Crous. Un logement qu’elles ont dû quitter en septembre, puisque Faharya est entrée dans la vie active. « SOS Villages d’Enfants nous a alors proposé de nous loger dans l’appartement de son espace de transition », explique l’aînée. Ce dernier est un grand appartement où vivent plusieurs adolescents du village afin de préparer leur transition vers l’autonomie avant de quitter le village à leurs 18, 19 ou 21 ans.

Cette mise à disposition d’un logement est emblématique de la politique de SOS Villages d’Enfants vis-à-vis de celles et ceux qu’elle a accompagnés : être toujours là quand ils ont besoin d’eux. « Comme dans une famille », lancent les filles.

Coordonnées
Marine Flochlay