Paris : toit, toit, mon toit… en zinc !

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Si des monuments de Paris sont connus dans le monde entier, son paysage urbain est tout aussi célèbre. Ses pavés, ses candélabres, ses bouches de métro, ses plaques de rues, ses ponts, ses immeubles haussmanniens et ses toits si caractéristiques façonnent l’identité visuelle et culturelle de Paris.

Depuis le haut de la Butte Montmartre, la vue panoramique sur les toits en zinc est magique. Couvrant plus de 32 millions de m2 (chiffre de l’APUR), ils forment une mer unie aux variations de gris et de pentes, ponctuée de clochers, de coupoles er autres surgissements monumentaux. Ils sont si emblématiques de la Ville lumière que, depuis leur installation, ils sont une source d’inspiration pour nombre de peintres, de poètes, de cinéastes et bien sûr de photographes. On peut même les voir dans les dessins animés Les Aristochats et Ratatouille. C’est dire. Etonnement, ces toits ne bénéficient d’aucune protection alors même que les Rives de Seine sont inscrites au patrimoine mondial depuis 1991.

Si une candidature, déposée en 2014, n’a pas abouti, le savoir-faire des couvreurs-zingueurs et ornemanistes parisiens est, depuis 2024, inscrit sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Depuis plus d’un siècle et demi, ils posent, façonnent, entretiennent et restaurent les toits parisiens. C’est une reconnaissance essentielle de ces métiers d’art méconnus. La seconde étape serait, bien sûr, que les « Toits de Paris » soient inscrits sur la liste du patrimoine mondial (matériel, celui-là).

La transformation de Paris au XIXe siècle : les toits en zinc

Au milieu du XIXe siècle, l’empereur Napoléon III, revenu de son exil londonien durant lequel il fut fasciné par l’urbanisme et l’architecture de la ville, décida de réaménager et de moderniser Paris. Pour réaliser ce chantier colossal, il nomma le Baron Hausmann qui, outre la création des célèbres immeubles et artères, choisit le zinc et également l’ardoise – devenus à l’époque bon marché grâce à la révolution industrielle - pour la couverture des nouveaux bâtiments. Le zinc avait l’avantage d’être léger, malléable et durable. Si l’utilisation de ce matériau innovant fut une première, ce furent la couleur d’un gris-vert et la morphologie si particulière qui donneront à ces toits une singularité et une esthétique si particulières. Souvent à quatre pans, fortement inclinés, percés de lucarnes en œil de bœuf - rampantes ou rentrantes - et fenêtres mansardées, habillés de petites cheminées en terre cuite couvertes de chaperons en zinc ou en plomb, les toits forment une composition architecturale harmonieuse qui donnent aux façades parisiennes leur originalité.

La nécessaire transition écologique et l’indispensable préservation du patrimoine

Près de 80% des toitures parisiennes sont donc en zinc, matériau qui a le défaut d’absorber la chaleur. Une étuve pour les habitants des logements situés sous les toits. Le réchauffement climatique fait grimper les températures. Le zinc ne fait donc pas bon ménage avec la transition écologique. Pour réduire l’effet albédo, certains proposent, entre autres, de remplacer la couleur initiale par un revêtement blanc ou végétalisé. On rappelle que ces toits couvrent une surface totale de plus de 32 millions de m2. Au-delà de la sauvegarde du patrimoine, quel est le coût d’une telle opération ? C’est un peu comme si on suggérait de remplacer les fenêtres à croisillons du château de Versailles par des fenêtres en pvc.

Les toits de Paris représentent un patrimoine unique qu’il convient de préserver. Leur géographie, par cette diversité des gris et des pentes, forme un paysage unique, élément emblématique de l’architecture parisienne. Il ne s’agit nullement d’opposer la transition écologique à la défense du patrimoine. Il est tout à fait possible et indispensable de concilier le beau et l’efficacité. Fort heureusement, nous pouvons compter sur le savoir-faire des couvreurs-zingueurs qui, sans nul doute, sauront s’adapter pour concilier rénovation thermique et préservation du patrimoine.

Le PLU "bioclimatique" de Paris est ambigu au sujet des toitures. Ainsi, son article UG.2.2.3 relatif aux "Couronnement et couverture" dispose que : "Les toits de Paris concourent à l’insertion urbaine et paysagère des constructions ainsi qu’à l’adaptation du bâti et de la ville au dérèglement climatique."

C’est pourquoi, dans notre contribution à la révision du PLU, nous proposions - en vain - de modifier cet article comme suit : "Le zinc est dominant à Paris et donne à la ville sa tonalité générale. Les toits de Paris concourent à l’insertion urbaine et architecturale des constructions. Ils peuvent contribuer à l’adaptation du bâti et de la ville au dérèglement climatique lorsqu’ils satisfont aux conditions de bonne insertion urbaine et architecturale énumérées à l’article 2.1.1."

Entre la démolition envisagée du Pavillon d’entrée de l’Assemblée nationale pour le remplacer par un édifice en verre ou bien encore les travaux en cours de l’Aérogare des Invalides prévoyant notamment une surélévation, en verre également, de sa toiture, il y a de quoi être inquiet. Et que dire des effets de surchauffe dans ces architectures en verre qui seront équipées d’un système de climatisation, inéluctablement énergivore.

Pour le paysagiste Michel Corajoud, « le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent ». A Paris, l’horizon urbain est unique avec cette mer de zinc gris-vert que le ciel éclaire.

Isabelle Richir et Vincent Guiné pour Sites & Monuments

Coordonnées
François Besseron