L’équipe PoPoPoP mise sur les processus ponctuels pour des réseaux plus performants

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Publié le 16/12/2025

Réseaux 5G, intégration numérique, métamatériaux… Qu’ont en commun des domaines aussi divers ? Réponse : leur modèle mathématique fondé sur la notion de "processus ponctuels". C’est le champ de recherche de la nouvelle équipe-projet PoPoPoP au centre Inria de l’université de Lille. À la clé, le développement d’outils théoriques efficaces au service d’applications très concrètes, comme des réseaux de télécommunications plus performants.

Quand les processus ponctuels réunissent des mathématiciens lillois

Si l'on vous demande de placer des points au hasard dans un cercle, instinctivement vous les répartirez probablement de façon assez régulière, en les espaçant. Pourtant, le véritable hasard donne un résultat différent: il forme des paquets de points très rapprochés, et laisse de grandes zones vides, le tout sans structure apparente. Aucune régularité ni dépendance entre les points ! C’est ce qu’on appelle le processus ponctuel de Poisson en géométrie aléatoire

« C’est cette notion de processus ponctuels qui est le socle scientifique à l’origine de l’équipe-projet Inria PoPoPoP (Point Processes from Probability and Physics», rapporte Mylène Maïda, professeure de mathématiques au laboratoire Paul Painlevé à l’université de Lille. Cette équipe, composée de mathématiciens du laboratoire Paul Painlevé et de l’Institut Mines-Télécom (IMT) Nord Europe, résulte de la fusion de deux groupes de travail, l’un portant sur la géométrie aléatoire, initié il y a 20 ans par le Professeur émérite Youri Davydov, et l’autre sur les matrices aléatoires, créé il y a une dizaine d’années. « Puisque nos thématiques se recoupaient en grande partie, nous avons pensé qu’il était pertinent scientifiquement de nous réunir au sein d’une même équipe, poursuit la chercheuse. L’intérêt ? Élargir nos champs de recherche et mieux couvrir les sujets autour des processus ponctuels»

Modéliser la dépendance

L’ambition de l’équipe PoPoPoP : concevoir et analyser de nouveaux modèles probabilistes. Classiquement, les objets mathématiques étudiés sont indépendants les uns des autres. Cette indépendance est désormais bien comprise par les chercheurs et illustrée par la fameuse courbe de Gauss en cloche, par exemple.

Image

Verbatim

Dans la réalité, les éléments d’un système interagissent, se repoussent ou s’attirent. C’est le cœur de notre recherche : modéliser et tirer parti de cette dépendance.

Auteur

David Coupier

Poste

Responsable de l’équipe PoPoPoP, professeur à l’IMT

Si cette dépendance est difficile à manier mathématiquement, elle présente un avantage, en produisant des modèles plus réalistes. Cette approche offre donc un compromis entre un système déterministe, parfaitement organisé à l’image d’un cristal, et un système plus désordonné. En étudiant cette dépendance, les chercheurs de PoPoPoP peuvent ajuster le degré d’aléa pour créer des modèles mathématiques mieux organisés, plus "rigides", plus efficaces. Surtout, ces modèles s’avèrent plus pertinents pour diverses applications, où l’aléatoire est incontournable. Illustration avec trois exemples : les réseaux 5G, l’intégration numérique et les métamatériaux.

À gauche, une répartition aléatoire de points indépendants les uns des autres. À droite, une répartition intégrant la répulsion entre les points.

Des réseaux de télécommunications plus performants 

Parmi les terrains d’exploration de PoPoPoP, les réseaux de télécommunications occupent une place majeure. Depuis longtemps, l’utilisation de la géométrie aléatoire et des processus ponctuels contribue à optimiser la couverture télécom d’un territoire. Mais jusqu’à présent, les modèles étaient statiques puisque les antennes sont fixes. 

La 5G change la donne comme l’explique David Coupier, responsable de l’équipe-projet PoPoPoP et professeur à l’IMT : « Elle introduit une nouvelle fonctionnalité Device-to-Device (D2D). Le principe : deux appareils – smartphone, capteurs IoT… - peuvent communiquer directement sans passer par une antenne relais, à condition qu’ils soient suffisamment proches. » Pour que ce réseau entre utilisateurs fonctionne, le signal doit pouvoir se propager de proche en proche.

Une propagation de l’information décrite par la théorie de la percolation. À l’image de l’eau bouillante qui traverse le percolateur rempli de mouture de café d’une cafetière italienne, le signal traverse un milieu en temps réel, porté par une multitude de points en mouvement.  Et c’est là que PoPoPoP intervient, pour traduire cette dynamique en modélisation mathématique. Un défi complexe, mais la promesse de réseaux de télécommunications efficaces portés par les utilisateurs eux-mêmes vaut bien les efforts fournis !

Des appareils mobiles peuvent communiquer entre eux de proche en proche, afin de transmettre des informations jusqu'à une antenne relais fixe.

Des algorithmes d’intégration numérique plus précis

Autre champ d’application exploré par l’équipe : l’amélioration des algorithmes d’intégration numérique, utilisés pour donner des valeurs approchées d’intégrales en grande dimension. Concrètement, l’intégration numérique est primordiale dans diverses applications, comme l’ingénierie et les sciences de l’environnement. En améliorant ces algorithmes, on peut accroître la précision des estimations et ainsi utiliser les ressources de calcul avec plus de parcimonie. « La méthode de Monte-Carlo est la méthode classique pour ces algorithmes, décrit Mylène Maïda. Elle est basée sur le tirage au hasard de points indépendants. » Si cette approche fonctionne, elle présente néanmoins de fortes fluctuations et s’avère risquée en termes d’exactitude. Ainsi, quand deux points tombent quasiment au même endroit, le second n’apprend rien de plus. À l’inverse, des zones entières peuvent être vides, omettant des valeurs potentiellement importantes.

Un projet de PoPoPoP consiste à utiliser des processus ponctuels dépendants, comme le processus de Ginibre, pour choisir des points mieux répartis dans l’espace. Grâce à leur interaction mutuelle, ces processus améliorent considérablement la précision et la fiabilité de l’approximation des intégrales numériques. Au sein de l’équipe, une thèse en collaboration avec Rémi Bardenet, directeur de recherches au CNRS et au laboratoire CRIStAL, sur la quantification de ces approximations, est justement en cours. Objectif à moyen terme : proposer des bibliothèques Python intégrant ces processus dépendants pour certaines tâches d’intégration numérique.

Des métamatériaux aux propriétés maîtrisées

Dernier domaine de recherche, encore embryonnaire pour l’équipe : les métamatériaux. « Il s’agit de matériaux artificiels aux motifs microscopiques offrant des propriétés physiques qu’aucun matériau naturel ne possède, révèle Mylène Maïda. Ces propriétés changent radicalement la manière dont la lumière, le son ou les ondes électromagnétiques se propagent. L’exemple le plus frappant ? La "cape d’invisibilité" ! » Effectivement, en enveloppant un objet avec un métamatériau susceptible de dévier les ondes optiques, la lumière le contourne et ressort comme si rien ne l’avait bloqué. L’objet disparait aux yeux de l’observateur. Si la cape d’invisibilité reste aujourd’hui une curiosité de laboratoire, le concept pourrait par exemple être utilisé pour guider les ondes électromagnétiques dans des dispositifs d’imagerie médicale, afin de détecter plus précocement des tumeurs et des pathologies neurodégénératives.

Concrètement, les chercheurs de PoPoPoP veulent répartir de façon pertinente de minuscules éléments, appelés résonateurs, afin de rendre le matériau capable d'absorber les ondes. Cette organisation doit être précise : trop irrégulière, le matériau n'absorbe pas suffisamment les ondes ; trop régulière, il n'absorbe qu'une bande de fréquence limitée. Entre les deux, les processus ponctuels étudiés par l’équipe offrent une alternative intéressante, avec des résonateurs qui se repoussent légèrement sans s’ordonner complètement, pour donner aux métamatériaux les propriétés souhaitées.

© IEMN
Métamatériau conçu pour le contrôle de la propagation des ondes électromagnétique et phononique, avec résonateurs répartis de manière aléatoire. Dans le cadre du projet ANR Random, porté par l'IEMN.

« Notre ambition : intégrer la dépendance dans l’aléatoire, là où l’indépendance ne suffit pas pour modéliser, conclut David Coupier. La dépendance sert à mieux représenter la réalité, à améliorer des modèles mathématiques et à ouvrir la voie à des innovations technologiques. » Autrement dit, la composante aléatoire de tous ces systèmes n’est pas à remplacer, mais à organiser et à maîtriser. 

Les mathématiques, c’est pas problématique ! 

L'équipe PoPoPoP attache une importance toute particulière à la médiation scientifique et à la vulgarisation. Plusieurs membres participent ainsi à différentes actions, illustrant ainsi leur volonté de partager avec le grand public les enjeux fondamentaux liés aux mathématiques. 

Ils s’impliquent par exemple dans le dispositif national "Math C pour L", qui propose des stages d’initiation à la recherche à des jeunes étudiantes en première, deuxième et troisième année d’université. Par ailleurs, Viet Chi Tran, directeur de recherche Inria chez PoPoPoP, anime la chaîne YouTube et le blog sur les mathématiques et ses métiers Briques2math.

L'équipe-projet PoPoPoP regroupe des scientifiques du laboratoire Paul Painlevé de l'Université de Lille, de l'IMT Nord Europe, et d'Inria.

Les membres permanents de PoPoPoP

  • Raphaël Butez, maître de conférences à l'Université de Lille
  • David Coupier, professeur des universités à l'IMT Nord Europe, responsable de l'équipe-projet
  • David Dereudre, professeur des universités à l'Université de Lille
  • Benoît Henry, maître de conférences à l'IMT Nord Europe
  • Mylène Maïda, professeure des universités à l'Université de Lille
  • Viet Chi Tran, directeur de recherche à Inria

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