La loi Omnibus adoptée : la baisse des exigences est actée

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Le Parlement européen a adopté la directive Omnibus I, marquant un tournant majeur dans la régulation environnementale et sociale des entreprises. Si ce texte est présenté comme une « simplification » des obligations liées au Pacte vert européen, ses implications pour les entreprises françaises sont considérables, notamment en matière d’obligations énergétiques et de plans de décarbonation.

Pour les dirigeants, DAF et responsables achats, une question se pose : comment cette loi impacte-t-elle concrètement vos engagements énergétiques et votre conformité CSRD ?

Capitole Énergie décrypte pour vous les enjeux de la loi Omnibus sous l’angle des achats d’énergie professionnels et vous aide à anticiper ces changements réglementaires.

Qu’est-ce que la loi Omnibus ? Définition et contexte

Une loi omnibus est une initiative législative européenne qui regroupe plusieurs modifications ou révisions de textes existants sous une seule et même proposition. Le terme vient du latin omnis, signifiant « pour tous ».

Son objectif principal est de simplifier, harmoniser et adapter le cadre réglementaire pour réduire la complexité administrative des entreprises.

Dans le contexte du Green Deal européen (Pacte vert pour l’Europe), la directive Omnibus I, présentée le 26 février 2025 par la Commission européenne, vise à réviser trois textes majeurs :

  • La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur le reporting de durabilité
  • La directive CS3D (devoir de vigilance des entreprises)
  • Le règlement sur la taxonomie verte européenne

Officiellement, cette loi cherche à alléger les charges administratives pesant sur les entreprises tout en préservant l’ambition climatique européenne. Dans les faits, elle modifie en profondeur les obligations de transparence environnementale et, par ricochet, les engagements énergétiques des entreprises.

Source : Commission européenne – Omnibus I

Le rôle de la Commission européenne dans l’élaboration de la loi Omnibus

La Commission européenne joue un rôle central dans l’élaboration de cette réforme. C’est elle qui a présenté la directive Omnibus I le 26 février 2025, suite aux pressions croissantes de divers secteurs industriels et aux recommandations du rapport Draghi. Cette proposition de la Commission vise à trouver un équilibre entre simplification administrative et maintien des ambitions du Green Deal.

Le processus législatif européen implique une meilleure cohérence entre les différentes réglementations ESG, tout en facilitant l’adaptation au droit national pour chaque État membre. La Commission a produit plusieurs documents de travail détaillant les impacts attendus de cette réforme sur les entreprises européennes et leurs parties prenantes.

Les trois directives impactées par la loi Omnibus

La directive CSRD : reporting de durabilité

La CSRD impose aux grandes entreprises de publier chaque année un rapport de durabilité détaillant leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Elle s’appuie sur les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards).

Changements apportés par la loi Omnibus :

Sujet cléAvant Omnibus (CSRD initiale)Après Omnibus  
Vague 1 (grandes cotées + entités d’intérêt public)Application sur exercices 2024, premier reporting en 2025. ​Inchangé : ces entreprises restent pleinement dans le champ, calendrier maintenu.  ​
Vague 2 – grandes non cotéesSeuils : dépasser 2 des 3 critères 250 salariés, 50 M€ CA, 25 M€ total bilan.  ​Seuil principal envisagé à 1 000 salariés, ce qui retirerait ~80% des entreprises initialement visées.  ​
Vague 3 – PME cotéesEntrée en vigueur progressivement à partir des exercices 2026–2027, avec standard PME dédié.  ​Report d’environ 2 ans envisagé (« stop the clock ») pour les vagues 2 et 3, détails à finaliser en trilogue.  ​
Calendrier globalVagues 2 et 3 : premiers rapports prévus en 2026–2027 sur exercices 2025–2026.  ​Décalage de 2 ans pour une grande partie des entreprises (hors vague 1).  ​
Chaîne de valeurReporting complet sur l’ensemble de la chaîne de valeur amont/aval dès l’entrée dans le champ.  ​Suspension / assouplissement temporaire : certaines données de chaîne de valeur peuvent être reportées ou limitées. ​
Nombre de datapoints ESRSEnsemble complet ESRS Set 1, jugé très dense, ​Mandat à l’EFRAG pour une version « simplifiée » du Set 1, avec moins de datapoints et priorité aux indicateurs quantitatifs.  ​
Double matérialitéPrincipe central de la CSRD, applicable à tous les assujettis.  ​Maintenu : pas de remise en cause annoncée du principe de double matérialité.  ​
Audit / assurance limitéeAssurance limitée obligatoire dès le premier reporting CSRD pour toutes les entreprises concernées.  ​Suspension / allègement temporaire de l’obligation d’assurance limitée dans plusieurs cas.  ​
Périmètre global d’entreprisesEnviron 50 000 entreprises européennes visées à terme.  ​Retrait d’environ 80% des entreprises de la vague 2 (via relèvement des seuils), périmètre global fortement réduit. ​

Accéder au texte officiel de la directive CSRD révisée

Consultez le texte complet de la directive CSRD modifiée par la loi Omnibus.

Le texte intègre notamment les nouveaux seuils d’applicabilité, la révision du principe de double matérialité, et l’introduction de standards volontaires pour les PME (VSME). Les entreprises peuvent également accéder aux indicateurs spécifiques par secteur, notamment le Green Asset Ratio pour les institutions financières.

Les textes officiels précisent également les enjeux spécifiques liés aux relations commerciales dans la chaîne de valeur, ainsi que l’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) qui interagit avec les obligations de reporting CSRD pour certains secteurs industriels.

La directive CS3D : devoir de vigilance

La directive sur le devoir de vigilance (CS3D ou CSDDD) oblige les grandes entreprises à identifier, prévenir et atténuer les impacts négatifs de leurs activités sur les droits humains et l’environnement, y compris chez leurs sous-traitants. Cette obligation de diligence raisonnable s’étend aux relations commerciales de l’entreprise et implique une évaluation systématique des risques pesant sur les parties prenantes tout au long de la chaîne de valeur.

Sujet cléAvant Omnibus (CS3D adoptée 2024)Après Omnibus I (accord fin 2025)
Seuils d’applicabilitéEntreprises de plus de 1 000 salarié·es et 450 M€ de CA (avec variantes selon secteurs et non‑UE).  Seules les entreprises de plus de 5 000 salarié·es et 1,5 Md€ de CA net seraient concernées.  ​
Taille du périmètrePlusieurs milliers de groupes en Europe visés, y compris de grandes ETI. ​Dispositif limité aux très grands groupes multinationaux, avec une forte réduction du nombre d’entreprises couvertes. 
Chaîne de valeur couverteDevoir de vigilance sur l’ensemble de la chaîne de valeur (amont et aval), en ligne avec ONU/OCDE.  Diligence raisonnable recentrée sur les partenaires commerciaux directs (tier 1), avec retrait du contrôle systématique des relations indirectes. 
Plans de transition climatObligation d’adopter et mettre en œuvre un plan de transition climatique aligné avec les objectifs UE.  Obligation de mise en œuvre des plans climatiques supprimée, simple alignement de principe avec le langage CSRD.
Responsabilité civile harmonisée UERégime européen harmonisé prévu, donnant aux victimes un cadre commun pour engager la responsabilité des entreprises.  Suppression du régime harmonisé : retour à 27 régimes nationaux distincts, avec risques de dumping réglementaire. 
Accès des victimes à la justiceMeilleure sécurité juridique pour agir contre les entreprises, y compris pour des dommages extra‑UE.  Affaiblissement de l’accès à la justice, dépendant des droits nationaux et de leur niveau d’ambition. 
Fréquence / intensité de la vigilanceProcessus continu, avec mises à jour et évaluations régulières des risques.  Évaluations moins fréquentes, avec focalisation sur segments « prioritaires » et non sur une cartographie exhaustive.
Sanctions administrativesAmendes possibles, calibrées sur le CA mondial, au titre d’un cadre de vigilance robuste.  Amendes jusqu’à 3% du CA mondial maintenues, mais appliquées à un nombre beaucoup plus restreint d’entreprises. 

Le règlement sur la taxonomie verte

La taxonomie européenne définit les critères permettant d’identifier les activités économiques durables sur le plan environnemental. Elle repose sur 6 objectifs environnementaux et guide les investisseurs vers des activités favorisant la transition énergétique.

Sujet cléAvant Omnibus (règlement 2020/852 + évolutions)Après Omnibus (mesures juillet 2025, applicables 2026)
Seuils d’applicabilitéEntreprises non financières >500 salariés (2025), >250 salariés (2026) ; secteur financier plus large. Relèvement à 1 000 salariés minimum pour le reporting obligatoire, recentrage sur les grandes entreprises. 
Obligations déclarativesReporting complet éligibilité/alignement sur 6 objectifs environnementaux (ICP détaillé). Réduction d’environ 70% des datapoints via seuils de matérialité, simplification des tableaux et nouveaux modèles. 
Alignement des activitésTout ou rien : activité pleinement alignée ou non (contribution substantielle + DNSH strict). Introduction de l' »alignement partiel » : possibilité de déclarer des activités partiellement conformes (ex. : projets mixtes). 
Principe DNSH (Do No Significant Harm)Critères exhaustifs sur pollution (incl. CLP, substances à analyser), applicable à tous objectifs. Allègement spécifique pollution : clarifications sur dérogations UE, suppression annexe CLP (moins de substances à checker). 
Calendrier globalPleine application progressive 2024-2026, avec extension nucléaire/gaz. Report de 2 ans pour certaines obligations (2028 au lieu de 2026), période transitoire jusqu’en janv. 2026. 
Périmètre entreprises~50 000 entités UE concernées à terme, y compris ETI et secteur financier. Forte réduction (seuils + volontarisation potentielle sous 1 000 salariés/450 M€ CA), focus sur grands groupes. 

Loi Omnibus et régulation européenne : l’assouplissement des contraintes… à quel prix ?

La directive Omnibus I suscite un vif débat sur l’avenir de la régulation environnementale en Europe. Certains acteurs y voient une simplification nécessaire face à la complexité croissante du cadre réglementaire, tandis que d’autres dénoncent un retour en arrière dangereux pour les ambitions climatiques européennes.

Un débat sur l’appropriation budgétaire et les moyens alloués

Au-delà des aspects techniques, la loi Omnibus soulève des questions d’appropriation budgétaire. Les gouvernements nationaux devront en effet allouer des budgets suffisants pour accompagner les entreprises dans cette transition, tout en finançant les autorités de contrôle chargées de vérifier la conformité des reporting.

Les instances européennes débattent actuellement de l’appropriation optimale des enveloppes budgétaires, avec des mécanismes  différenciés selon la taille des entreprises et les secteurs industriels. Cette question conditionne la réussite de la réforme, car sans moyens suffisants, l’appropriation des nouvelles obligations par les entreprises risque d’être compromise.

Vote de la CSRD au Parlement européen : chronologie et résultats

Le vote historique au Parlement européen a vu l’adoption de la directive Omnibus I par 382 voix contre 249. Ce scrutin a révélé des divergences profondes entre les groupes politiques sur l’équilibre entre compétitivité économique et ambition climatique. Les députés européens ont débattu pendant plusieurs mois avant ce vote, notamment sur les questions d’appropriation des responsabilités entre États membres et institutions européennes.

Cette décision du Parlement marque un tournant majeur dans la régulation ESG européenne, avec des impacts directs sur les obligations énergétiques des entreprises françaises.

Impact de la loi Omnibus sur les obligations énergétiques des entreprises

Si la loi Omnibus modifie les seuils et calendriers de reporting, elle touche également directement les obligations énergétiques des entreprises françaises. Voici comment.

Suppression de l’obligation de plans de transition climatique

L’une des mesures les plus controversées de la loi Omnibus concerne la suppression de l’obligation pour les entreprises de mettre en œuvre un plan de transition climatique aligné sur les objectifs de l’Accord de Paris.

Conséquence concrète : Les entreprises ne sont plus légalement tenues de :

  • Établir une trajectoire de réduction des émissions de GES (Scope 1, 2, 3)
  • Définir des objectifs chiffrés de décarbonation à court, moyen et long terme
  • Mettre en place des actions opérationnelles (efficacité énergétique, énergies renouvelables, optimisation des process)

Pourquoi cela impacte vos achats d’énergie ?

Sans obligation réglementaire, certaines entreprises pourraient être tentées de retarder leurs investissements dans la transition énergétique. Or : 

Les achats d’énergie représentent souvent 30 à 50 % des émissions Scope 1 et 2 d’une entreprise industrielle ou tertiaire.

Notre recommandation : Même si l’obligation disparaît, maintenir une stratégie énergétique ambitieuse reste un avantage compétitif (accès aux financements verts, conformité aux appels d’offres exigeant des critères ESG, réduction des coûts énergétiques).

Reporting énergétique simplifié mais toujours stratégique

Même si les indicateurs ESRS sont allégés, les entreprises concernées par la CSRD devront continuer à déclarer leurs consommations énergétiques et leur mix énergétique (part d’énergies renouvelables, fossiles, nucléaire).

Points de données énergétiques maintenus :

  • Consommation totale d’énergie en MWh
  • Part d’énergies renouvelables dans le mix
  • Émissions de GES liées à la consommation énergétique (Scope 2)
  • Actions mises en œuvre pour réduire l’intensité énergétique
Coordonnées
Natalia STANATCHKOV