Canyon Lady, ou les 50 ans d'un virage latin jazz et électrique du saxophoniste Joe Henderson ! - CulturAdvisor

Compatibilité
Sauvegarder(0)
partager

Enregistré à l’automne 1973 mais publié en 1975 par le label Milestone, Canyon Lady occupe une place singulière dans la discographie de Joe Henderson. Conçu à un moment charnière de sa carrière, alors que le saxophoniste s’éloigne de New York pour s’installer en Californie, l’album témoigne d’une volonté d’élargir le langage du jazz moderne par l’intégration assumée de rythmes latino-américains, de textures orchestrales et d’instruments électriques. Pensé comme un projet collectif à grande échelle, sous la houlette du producteur Orrin Keepnews, Canyon Lady réunit jusqu’à quinze musiciens — bien plus que prévu — et rompt avec l’économie du quartet traditionnel. Accueilli avec une relative tiédeur par la critique à sa sortie, le disque apparaît aujourd’hui comme une œuvre audacieuse, révélatrice de l’indépendance esthétique de Henderson au début des années 1970. L’un des manifestes les plus personnels d’un musicien refusant toute forme de confort stylistique. Canyon Lady, ou les 50 ans d’un virage latin jazz et électrique du saxophoniste Joe Henderson, en vinyle de préférence !

Playlist Canyon Lady, ou les 50 ans d’un virage latin jazz et électrique du saxophoniste Joe Henderson !

L’art de se déplacer

Né en 1937 à Lima (Ohio), Joe Henderson s’impose dans les années 1960 comme l’un des saxophonistes ténor majeurs du hard bop et du post-bop. Son ascension rapide sur le label Blue Note, puis ses collaborations avec Horace Silver, Herbie Hancock, McCoy Tyner ou Elvin Jones, installent une réputation fondée sur la rigueur harmonique et une liberté rythmique peu commune. Pourtant, au début des années 1970, Henderson ressent le besoin de se décentrer. Il quitte progressivement la scène new-yorkaise, trop normative à ses yeux, pour s’installer sur la côte Ouest, à San Francisco, sans pour autant se retirer de la scène jazz.

Las Palmas. (Canyon Lady, ou les 50 ans d’un virage latin jazz et électrique du saxophoniste Joe Henderson, en vinyle de préférence !).

Ce déplacement géographique correspond à un déplacement esthétique. Henderson multiplie les collaborations hétérogènes, travaille avec Alice Coltrane (The Elements, enregistré quelques jours après Canyon Lady), participe à des sessions de jazz fusion et s’entoure de musiciens issus de la scène latine californienne. À cette période, il compose relativement peu et accepte d’interpréter des œuvres de ses partenaires, privilégiant la dynamique collective à l’affirmation autoritaire du leader. Canyon Lady naît précisément de ce moment d’ouverture, dans un contexte où Henderson cherche moins à consolider une identité qu’à en éprouver les limites.

Tres Palabras. (Canyon Lady, ou les 50 ans d’un virage latin jazz et électrique du saxophoniste Joe Henderson, en vinyle de préférence !).

Canyon Lady, laboratoire latin et orchestral

Enregistré du 1er au 3 octobre 1973 aux Fantasy Studios (Berkeley), Canyon Lady est conçu comme un album « latino-flavored », selon les termes du producteur Orrin Keepnews.

L’idée initiale est simple : enregistrer un disque aux couleurs latines avec une formation élargie. Mais le projet prend rapidement une ampleur inattendue lorsque le trompettiste Luis Gasca, chargé d’arranger et de diriger le standard mexicain « Tres Palabras », recrute bien plus de musiciens que prévu — une quinzaine au total — surprenant jusqu’au producteur lui-même.

Canyon Lady. (Canyon Lady, ou les 50 ans d’un virage latin jazz et électrique du saxophoniste Joe Henderson, en vinyle de préférence !).

L’album se compose de quatre longues pièces. Henderson n’y signe qu’un seul titre, « Las Palmas », laissant une place centrale aux compositions du pianiste Mark LevineCanyon Lady », « All Things Considered »). Cette délégation de l’écriture, rare chez Henderson, souligne la nature collective du projet. Le piano électrique de George Duke, les percussions afro-cubaines et l’écriture de section donnent au disque une densité orchestrale inhabituelle, fondée sur des ostinatos, des cycles rythmiques et une progression lente des climats plutôt que sur l’alternance classique thème-solos.

All Things Considered. (Canyon Lady, ou les 50 ans d’un virage latin jazz et électrique du saxophoniste Joe Henderson, en vinyle de préférence !).

À sa sortie, Canyon Lady reçoit un accueil critique mesuré : trois étoiles et demie dans DownBeat, jugé ambitieux mais déroutant. Cinquante ans plus tard, ce qui pouvait sembler excessif apparaît au contraire comme l’une des grandes qualités du disque. Canyon Lady documente un moment rare : celui d’un musicien majeur acceptant de se fondre dans une architecture sonore plus vaste que lui, sans jamais renoncer à la singularité de son souffle.

Le vinyle, une culture

Si vous n’avez pas encore succombé au retour du vinyle, qui n’a par ailleurs jamais disparu, il est temps de vous y mettre.

Bien plus qu’un simple objet, il séduit de plus en plus, néophytes et passionnées, par la qualité de ses pochettes, sa fidélité sonore et la richesse du son.

De plus, il permet de se réapproprier l’instant et de prendre le temps.

Tout commence par ce petit rituel, où l’on choisit son disque, puis on extrait la galette de sa pochette et de son étui en plastique. Il faut ensuite la poser sur la platine, positionner soigneusement l’aiguille, savoir apprécier son crépitement si caractéristique, s’assoir et écouter, en parcourant la jaquette.

Bien choisir sa platine

Support privilégié pour apprécier cette qualité de son si particulière, le disque vinyle nécessite de s’équiper en conséquence.

Soutenez-nous

Nous vous encourageons à utiliser les liens d’affiliation présents dans cette publication. Ces liens vers les produits que nous conseillons, nous permettent de nous rémunérer, moyennant une petite commission, sur les produits achetés : livres, vinyles, CD, DVD, billetterie, etc. Cela constitue la principale source de rémunération de CulturAdvisor et nous permet de continuer à vous informer sur des événements culturels passionnants et de contribuer à la mise en valeur de notre culture commune.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne écoute.

Hakim Aoudia.

Coordonnées
Hakim Aoudia