La prévention de l'obésité chez les jeunes (15-25 ans)

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En Nouvelle-Calédonie, en 2021, près de quatre adultes sur dix sont obèses. Enrayer la progression de l’obésité chez les jeunes constitue un enjeu de santé publique ayant d’importantes répercussions sur les finances publiques, à la fois du fait des dépenses encourues en matière de prévention et des économies potentielles si le taux de prévalence se stabilise ou diminue.

Le rapport public annuel de la Cour des comptes 2025 est consacré aux politiques publiques en faveur des jeunes. La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie y a participé, dans le cadre d’une enquête commune réalisée avec la Polynésie française, en examinant les politiques menées en matière de prévention de l’obésité chez les jeunes de 15 à 25 ans. Les jeunes sont, à ces âges, en capacité de prendre leurs propres décisions concernant leurs habitudes alimentaires ou de mode de vie, décisions qui impacteront durablement leur santé.

  1. Un phénomène d’ampleur pour les jeunes calédoniens

L’obésité est définie par l’Organisation mondiale de la santé comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle pouvant nuire à la santé. Son dépistage chez les jeunes est délicat car l’indicateur le plus couramment utilisé pour la mesurer est l’indice de masse corporelle qui est mal adapté aux différentes catégories d’âge et évolution de la répartition corporelle de la masse graisseuse. Chez l’enfant et l’adolescent l’analyse de la corpulence est plutôt réalisée à l’aide de courbes de référence.

Alors qu’il s’agit d’une maladie non transmissible, l’obésité est aujourd’hui considérée comme une « épidémie » mondiale en raison de sa prévalence dans presque toutes les populations. En 2016, selon l’Organisation mondiale de la santé, 13 % de la population mondiale adulte était obèse.

La prévalence de l’obésité en Nouvelle-Calédonie, 38 % en 2022, significativement plus élevée que dans l’hexagone, 15 % en 2019, reste plus importante qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande (respectivement 31 % et 33 % en 2022) mais moindre que dans les autres territoires insulaires du Pacifique sud.

Les jeunes sont peu conscients d’être en surpoids ou obèses. L’enquête « Baromètre Santé jeune 2019 » de la Nouvelle-Calédonie montre que seulement 4 % des jeunes de 16 à 18 ans se considèrent beaucoup trop gros alors que la prévalence de l’obésité est de 23 % chez les jeunes de 18 à 24 ans. Environ 15 % des jeunes de 18 à 24 ans n’ont pas conscience de leur corpulence en 2022.

  1. Une maladie dont les causes sont multiples

Les déterminants de l’obésité sont liés à des facteurs individuels (perception de l’obésité selon l’individu) et à un environnement propice au développement de l’obésité, qualifié « d’obésogène », associant des facteurs socio-économiques et culturels. En Nouvelle-Calédonie, la communauté d’appartenance, le niveau d’étude, le mode de vie, les habitudes alimentaires, la sédentarité et le manque d’activités physiques ainsi que le sommeil constituent des facteurs de risques importants. Les enquêtes réalisées montrent que l’obésité touche davantage les populations appartenant à des communautés polynésiennes et mélanésiennes.

La consommation de fruits et légumes est en baisse et se situe en dessous des seuils des recommandations internationales alors que celle de boissons sucrées est trop importante. La chambre invite le gouvernement à revoir les mesures de régulations du marché des fruits et légumes afin d'élargir l'offre proposée aux consommateurs et à mettre en place un dispositif permettant de limiter la quantité de sucre ajoutée dans les produits vendus sur le territoire.

La sédentarité et le manque d’activité physique comme de sommeil sont aussi des facteurs propices au développement de l’obésité qui touchent particulièrement les jeunes du fait du développement de l’usage des écrans, des horaires scolaires et des temps de transport et de la baisse constatée de la pratique sportive. La chambre invite le gouvernement et les provinces à inverser ces facteurs en poursuivant l’éducation aux écrans, le développement de la pratique sportive et son adaptation aux personnes obèses.

  1. Une maladie aux conséquences importantes sur le plan sanitaire, social et économique

Les conséquences de l’obésité sont sanitaires, sociales et économiques. En Nouvelle-Calédonie, les maladies chroniques significativement associées au surpoids et à lobésité sont notamment le diabète de type II, lhypertension et lapnée du sommeil mais aussi les maladies cardiovasculaires et musculosquelettiques. Au niveau social, l’obésité a des répercussions sur les résultats scolaires et la qualité de vie, que viennent aggraver la stigmatisation, la discrimination et le harcèlement. Enfin au niveau économique, l’obésité représente un coût élevé pour la Nouvelle-Calédonie.

La chambre a pu estimer un premier coût direct de l’obésité en utilisant les données de la CAFAT. Ce coût s’élève à 3,05 MdF CFP par an. Cette première estimation représente un coût minorant de l’obésité car il ne prend pas en compte l’ensemble des pathologies liées à l’obésité. En utilisant une comparaison spatiale avec la Nouvelle-Zélande qui dispose d’une structure populationnelle approchante de celle de la Nouvelle-Calédonie et la France hexagonale disposant d’une structure de soins approchante du territoire de la Nouvelle-Calédonie, la chambre a pu estimer un coût direct et indirect de l’obésité compris entre 10 et 35 MdF CFP par an.

Alors que l’obésité est qualifiée de maladie par l’OMS, elle ne fait pas partie des 32 affections de longue durée. Un patient obèse n’a donc pas d’ouverture de droit pour cette pathologie dans le cadre du risque longue maladie. La chambre invite le gouvernement à modifier la délibération n°280 du 19 décembre 2001 relative à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie en ajoutant l’obésité dans la liste des affections de longue durée pour les cas nécessitant une prise en charge particulièrement couteuse.

  1. Des politiques de prévention hétérogènes aux résultats disparates

La politique de prévention de l’obésité repose sur la Nouvelle-Calédonie ainsi que les provinces. Déjà identifiée dans le plan de santé Do Kamo arrêté par le congrès en 2016, la politique de prévention de l’obésité a été qualifiée de priorité de santé en juillet 2023.

Différentes actions ont été engagées reposant sur des programmes de prévention et des mesures réglementaires mises en place par chaque acteur, au niveau du territoire ou des provinces. Une taxe comportementale sur le sucre a été votée par le congrès en 2024 afin d’inciter à la diminution de la consommation de produits sucrés. D’autres mesures de prévention provinciales reposent sur des actions d’éducation à une alimentation saine, le développement d’activités physiques adaptées ou la lutte contre les addictions. Cependant, ces programmes ne sont pas coordonnés entre eux et n’ont, pour la plupart, pas fait l’objet d’une évaluation.

Les bilans disponibles pointent un manque de coordination entre les acteurs institutionnels ainsi qu’un manque de cohérence des actions mises en œuvre, une approche fragmentée et le recours insuffisant à certains leviers d’action (associations de femmes et instances religieuses par exemple), un caractère pluridisciplinaire parfois limité et l’absence de portage politique qui ne permet pas d'inscrire la politique de prévention de l’obésité dans l'ensemble des politiques publiques.

La chambre estime que le territoire pourrait mieux coordonner les différents niveaux d’action en agissant sous la forme d’appels à projets répondant à des objectifs qu’il financerait.

  1. Renforcer la stratégie de lutte contre l’obésité chez les jeunes

Si les programmes mis en œuvre par l’agence sanitaire et sociale et les provinces portent effectivement sur les causes de l’obésité telles que les habitudes alimentaires, l’activité physique et sportive ainsi que la sédentarité ou l’environnement lié au mode de vie, les actions ne comportent, pour certaines, ni budget prévisionnel ni indicateur de résultat. Dans ces conditions, ces programmes n’ont pas fait l’objet d’évaluation, ce que la chambre regrette. Elle invite à mettre en place des plans pluriannuels en matière de prévention de l’obésité puis à prévoir leur évaluation après trois années de mise en œuvre.

Le dépistage de l’obésité et son suivi sont réalisés de façon inégale sur le territoire et les données recueillies ne sont pas partagées, rendant leur l’exploitation difficile. Enfin, le parcours de soins mérite d’être formalisé et la prise en charge spécifiée au sein d’un schéma d’organisation sanitaire dédié. Le suivi des dépenses de prévention et d’assurance maladie dans un sous-objectif propre permettra d’adapter l’offre de soins aux besoins et de réaliser les évaluations de programmes nécessaires à l’adaptation des politiques publiques.

A l’issue de son contrôle, la chambre formule six recommandations qui visent à améliorer la performance de la politique de prévention de l’obésité chez les jeunes

N° Reco.

Intitulé

Domaine

Nature

Gain attendu ou risque couvert

Degré de mise en œuvre

Échéance

1

Revoir les mesures de régulations du marché des fruits et légumes afin d'élargir l'offre proposée aux consommateurs.

Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Performance

Amélioration de l’état de santé de la population

En cours de mise en œuvre

2025

2

Encadrer réglementairement la quantité de sucre ajouté dans les produits vendus en Nouvelle-Calédonie de telle sorte que celle-ci ne soit pas supérieure à celle des produits similaires vendus dans l’hexagone.

Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Performance

1,5 MdF CFP

Non mise en oeuvre

2025

3

Poursuivre le développement de l’éducation aux écrans et de la pratique sportive des jeunes en facilitant l’accès au sport et l’adaptation des pratiques pour les personnes atteintes d’obésité.

Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Performance

Amélioration de l’état de santé de la population

Non mise en oeuvre

2025

4

Mettre en place des plans pluriannuels en matière de politiques de prévention de l’obésité et procéder à leur évaluation triennale.

Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et provinces

Performance

Amélioration de la politique de prévention

Non mise en oeuvre

2025

5

Recueillir systématiquement les données de santé permettant de mesurer l’obésité, réaliser des enquêtes couvrant l’ensemble des tranches d’âge et organiser une exploitation des informations recueillies.

Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Performance

Connaissance de l’état de santé de la population

Non mise en oeuvre

2025

6

Formaliser le parcours de soins relatif à la prise en charge de l’obésité, dans un schéma d’organisation sanitaire et suivre les dépenses dans le cadre des objectifs calédoniens d’évolution des dépenses d’assurance maladie et de prévention.

Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Performance

Améliorer la prise en charge des patients

Non mise en oeuvre

2025

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