Les fondations de son engagement
Chirinne Ardakani a passé ses premières années dans le 15ème arrondissement de Paris, où ses parents ont trouvé refuge en 1987.
Sa mère, privée de son droit de travailler en Iran en raison de l’obligation de porter le voile, incompatible avec ses fonctions d’infirmière, a repris ses études à la Sorbonne pour obtenir un diplôme en langue française. Son père, bien que rétrogradé par rapport à sa position en Iran, a pu exercer comme chirurgien après une reconnaissance partielle de ses qualifications.
Quelques années plus tard, ses parents se séparent et sa mère fait la rencontre d’un homme, un militant humaniste intermittent du spectacle.
C’est ainsi que la jeune Chirinne a découvert l’univers du théâtre en même temps que le français, à l’âge de 3 ans.
Elle réalise alors : «l’oralité et les langues, c’est mon truc !» En 1995, la famille recomposée s’installe à Chilly-Mazarin, où elle passe une enfance heureuse.
«J’ai trouvé à Chilly-Mazarin cette vision de la société qui considère que la Ville est le premier espace de sociabilisation et confère donc à la Municipalité le rôle de faire découvrir le monde, les arts et la culture à ses habitants.»
Militantisme : les premiers pas
Un spectacle à l’école maternelle des Saules, où les garçons peinaient à apprendre leur chorégraphie, a été révélateur pour Chirinne. «C’est peut-être là que mon engagement pour l’égalité est né !» se souvient la militante. «Cette danse de l’égalité se fait à deux, et les hommes doivent s’engager davantage !» Très bavarde mais souvent de façon opportune, elle se distingue au lycée par son talent oratoire et son engagement dans les mouvements contestataires.
Elle est élue déléguée de classe avec un score impressionnant, «à un niveau équivalent à celui d’un régime dictatorial, à la limite de me mettre mal à l’aise !» s’amuse la jeune femme, dont l’investissement s’intensifie davantage avec les manifestations contre la réforme du baccalauréat et pour les retraites, où elle est souvent en première ligne.
Défendre les droits humains
Après avoir obtenu son baccalauréat économique et social (ES) avec une spécialisation en science politique en 2009, Chirinne Ardakani a poursuivi des études de droit, inspirée par des figures comme Gisèle Halimi et Robert Badinter.
Elle a obtenu son diplôme de Master 1 en droit à la Sorbonne et a prêté serment au Barreau à l’âge de 22 ans. En 2014, après l’adoption du mariage pour tous, Chirinne a intégré le cabinet de Christiane Taubira, ministre de la Justice, où elle a été témoin des violences et des discriminations subies par cette dernière. Cette expérience a renforcé sa détermination à défendre les droits des femmes et des minorités. Aujourd’hui, elle est avocate et se consacre à la défense des droits humains, notamment en droit pénal et en droit des étrangers.
Nargues Mohammadi
Son engagement dépasse les frontières françaises. Elle a été particulièrement touchée par le mouvement né de la mort de Mahsa Jîna Amini en Iran, en septembre 2022, «à cause d’un voile mal porté». En réponse, elle a créé et préside l’association “Iran Justice“, qui a pour objectif de documenter les crimes commis par le régime iranien afin qu’il rende des comptes dans le futur et aussi de plaider pour la justice dans le monde et notamment pour la reconnaissance de l’apartheid de genre comme un crime international. Elle collabore d’ailleurs avec une mission d’enquête de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et fait partie du mouvement “End Gender Apartheid“, qui vise à criminaliser l’apartheid de genre. «C’est dans ce cadre que j’ai été amenée à rencontrer la famille de Narges Mohammadi, en exil politique à Paris», explique l’avocate.
«Ils m’ont sollicitée pour être leur avocate en France et aussi, désormais, de la fondation Narges Mohammadi. Mon travail consiste à assurer que son message passe, à porter son combat ici comme ailleurs et de rappeler qu’elle encourt de graves peines dans la poursuite de son militantisme, même si, heureusement, son Prix Nobel la protège un peu.»
Les femmes et les hommes, ensemble
Chirinne Ardakani est animée par une vision claire, celle d’une société où hommes et femmes vivent dans la dignité, la liberté et l’égalité. Son parcours en est un témoignage. Elle a d’ailleurs participé récemment à l’élaboration de l’ouvrage “Des Iraniennes, Femme, vie, liberté 1979-2024“, issu d’un travail collectif initié, pensé et écrit par l’édition “Des femmes“ d’Antoinette Fouque et qui retrace la longue lutte des femmes pour leur émancipation contre la tyrannie religieuse de 1979 à nos jours. La Chiroquoise se sent aujourd’hui parfaitement à sa place et poursuit son «projet fou : parvenir à une société humaine où les hommes et femmes vivent dignes, libres, égaux et ensemble !»