États-Unis : où est l'opposition ? - IRIS

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Dans sa hâte d’expulser les immigrés sans papiers, de réduire la taille du gouvernement et d’éliminer le « woke » de la politique américaine, Donald Trump agit à une vitesse vertigineuse. Si rapidement qu’il semble parfaitement disposé à démolir les normes démocratiques pour y arriver. C’est en soi choquant pour de nombreux observateurs de la scène politique américaine. Ce qui est peut-être tout aussi surprenant, c’est le peu de résistance que Trump a rencontré jusqu’à présent. Il existe de nombreux garde-fous dans le système américain, formels et informels, pour empêcher les impulsions antidémocratiques de nos dirigeants. Le président a néanmoins réussi à affaiblir ces protections démocratiques, largement sans opposition organisée. Même avant que Trump n’entre en fonction en 2025, l’indice mondial de démocratie de l’Economist Intelligence Unit a classé les États-Unis comme une « démocratie imparfaite ». Au cours des deux derniers mois, la tendance à la baisse s’est certainement accélérée, et les personnes censées protéger la démocratie américaine ont largement échoué à se manifester.

Au sein même du gouvernement, le président a démantelé les structures et les coutumes destinées à prévenir les abus. En bref, il y a de moins en moins de fonctionnaires au sein de l’exécutif habilités à dire « non » au président lorsqu’il cherche à court-circuiter l’État de droit. Peu de temps après son investiture, par exemple, Trump a limogé 17 inspecteurs généraux, des chiens de garde indépendants au sein des agences gouvernementales chargés de prévenir la fraude et les malversations. Traditionnellement, ces fonctionnaires ne changent pas avec les administrations et doivent rendre compte au Congrès.  La Maison-Blanche a pris des mesures pour entraver ou éliminer de fait les organismes de réglementation fédéraux qui pourraient ralentir son programme, comme le Bureau de protection financière des consommateurs, la Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi, le Conseil national des relations de travail, la Commission fédérale du commerce et la Commission des valeurs mobilières. Trump a violé des normes essentielles séparant le chef de l’exécutif de la prise de décision en matière d’enquêtes et de poursuites, politisant ainsi le ministère de la Justice et le FBI.

Le Congrès a été d’un silence troublant face aux efforts de Trump pour étendre le pouvoir exécutif aux dépens de l’autorité du Congrès. La constitution américaine définit explicitement la branche législative comme un pouvoir égal et contrebalancé à celle de l’exécutif. Même lorsqu’il est contrôlé par le propre parti du président, le Congrès a toujours été jaloux de ses autorités. Plus maintenant. Trump a, par exemple, décidé de fermer plusieurs agences gouvernementales, y compris l’Agence américaine pour le développement international et l’ensemble du ministère de l’Éducation, par décret exécutif. Ces agences ont été établies par des lois promulguées par le Congrès, et le président n’a aucun pouvoir constitutionnel d’annuler la loi avec ses décrets. Pourtant, les républicains du Congrès ont montré peu d’opposition à cette prise de pouvoir. 

Les principales batailles des mois à venir se dérouleront devant les tribunaux. Les tribunaux inférieurs ont commencé à examiner un large éventail de contestations judiciaires de certaines des actions les plus flagrantes de l’administration. Selon le New York Times en date du 15 mars, 46 décisions différentes ont temporairement interrompu diverses initiatives du gouvernement sur des questions allant du licenciement sommaire d’employés fédéraux au gel du financement fédéral aux États.  La Cour suprême vient tout juste de commencer à examiner certaines de ces affaires.  Malgré une majorité conservatrice bien disposée au président, la Cour a déjà rendu quelques jugements initiaux contre l’administration. Mais l’administration et ses alliés républicains ont de plus en plus défendu une théorie du gouvernement qui suggère qu’il devrait y avoir peu ou pas de limites à l’autorité du président sur le pouvoir exécutif qu’il gère. Cela inclut « l’ingérence » des tribunaux.  En février, le vice-président Vance a ainsi tweeté : « Les juges ne sont pas autorisés à contrôler le pouvoir légitime de l’exécutif. » Cette approche n’est pas conforme à des siècles de jurisprudence américaine, mais il y a de plus en plus de signes que l’administration ignorera tout simplement les décisions défavorables. Cela semble être le cas, par exemple, dans une récente contestation judiciaire de l’utilisation très discutable par l’administration de la loi sur les ennemis étrangers pour expulser les étrangers en situation irrégulière.  Plus troublant encore, le président a personnellement menacé le juge dans cette affaire de destitution. Cela a conduit le chef de la Cour suprême, John Roberts, à publier une déclaration très inhabituelle, avertissant que la destitution des juges n’était pas une réponse appropriée aux divergences sur les jugements juridiques. Si Trump se contente d’ignorer les décisions gênantes, l’un des contrôles les plus importants de l’autorité exécutive cessera de fonctionner.      

Les principaux bastions d’une société démocratique en dehors du gouvernement semblent également peu enclins à lutter contre les excès présidentiels. Les médias, longtemps considérés comme la « quatrième branche du gouvernement », ont récemment reculé sur les questions de liberté de la presse. Trump a poursuivi agressivement les organes de presse dont il trouve la couverture répréhensible, et ces sociétés semblent hésiter à s’en prendre à l’administration sur leurs droits au premier amendement. Trump a ciblé le monde universitaire dans une attaque dramatique contre la liberté intellectuelle, et les universités qui dépendent du financement fédéral pour la recherche n’osent entraver les décisions de l’administration Trump. Le plus frappant a été l’accord sans précédent avec l’Université Columbia obligée de mener des changements significatifs à ses politiques scolaires sur l’antisémitisme et sur la façon d’enseigner les études sur le Moyen-Orient, en échange du rétablissement de ses 400 millions de dollars de subventions fédérales. Trump s’est même attaqué à la profession juridique, ciblant spécifiquement les cabinets d’avocats proches des démocrates. Un grand cabinet a signé un accord promettant de soutenir des causes défendues par le président à hauteur de 40 millions de dollars en échange de l’annulation d’un décret visant directement l’entreprise. 

Même l’opposition officielle peine à trouver une réponse à l’activisme antidémocratique de Trump.  La décision des dirigeants démocratiques du Sénat d’appuyer le dernier projet de loi d’exécution du budget en est un bon exemple. Le département « de l’efficacité gouvernementale » d’Elon Musk se moque du processus budgétaire du Congrès en imposant des coupes massives dans les dépenses gouvernementales, qui, en vertu de la constitution, sont censées être établies par le Congrès et non par un bureau boutique opérant à partir de la Maison-Blanche.  Craignant qu’une fermeture du gouvernement ne soit mauvaise pour les démocrates, le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, a néanmoins choisi de céder sur le budget sans chercher à freiner les coupes extraconstitutionnelles d’Elon Musk. Sans le contrôle de la Maison-Blanche et en minorité dans les deux chambres du Congrès, nous pourrions nous attendre à ce que les dirigeants démocratiques des États prennent les devants. Les gouverneurs démocrates de premier plan ont été, cependant, étonnamment silencieux jusqu’à présent.

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