CRC HAUTS-DE-FRANCE
La chambre régionale des comptes Hauts-de-France a élaboré son troisième rapport thématique régional, consacré au financement des transports urbains. L’enquête a porté sur neuf autorités organisatrices de la mobilité qui couvrent 3 millions d’habitants, soit environ 70 % de la population régionale concernée par des transports urbains.
Quelques chiffres clés de l’échantillon contrôlé :
- fréquentation annuelle : un peu plus de 255 millions de voyageurs, à 70% concentrée dans le réseau métropolitain lillois
- budget : 1,5 milliard d’euros, dont 486 millions de produits au titre du versement mobilité
- poids moyen du versement mobilité entre 2018 et 2022 : 65 %
- pour 1 € de recettes, seuls 13 centimes proviennent des billets et abonnements
- coût de fonctionnement annuel du service : 161 € par habitant, mais de forts écarts liés à la grande différence des réseaux
Quels sont les grands enseignements de l’enquête ?
1. Il faut s’appuyer sur les plans de mobilité pour construire une politique répondant aux besoins du territoire et renforcer la fréquentation des réseaux de transport collectif.
Les autorités locales peinent à élaborer une politique de mobilité qui réponde aux besoins de la population et aux défis climatiques et sociaux actuels, sachant que leur connaissance des besoins varie fortement.
La fréquentation n’est pas toujours bien mesurée et les usages ne sont pas assez souvent analysés, au risque d’avoir des réseaux parfois peu adaptés et des objectifs de report modal qui ne soient pas atteints.
2. Il importe de faire de la stratégie tarifaire un outil de politique publique pour orienter les comportements des usagers.
Les enquêtes de mobilité ne sont pas utilisées pour adapter la tarification aux besoins. Celle-ci est de plus en plus déconnectée des enjeux de financement et de développement des réseaux. Les recettes tarifaires sont très minoritaires : sur un euro de recettes, seuls 13 centimes sont issus des billets et abonnements.
Peu de réflexions sont menées afin d’orienter les comportements des usagers, alors que la gratuité partielle est répandue et que la gratuité totale progresse.
3. Il importe de renforcer la capacité de pilotage des services de mobilité pour adapter l’offre aux besoins et préparer les investissements nécessaires.
La gestion du service public de la mobilité est le plus souvent confié à des opérateurs privés liés à de grands groupes. Les autorités organisatrices doivent pouvoir piloter leurs services sans dépendre des exploitants.
Les coûts des services de mobilité contrôlés varient fortement : de 85 € à 252 € par habitant. Avoir des données fiables sur les équipements est nécessaire pour planifier les investissements à venir. La lutte contre la fraude et le contrôle du service doivent être renforcés.
4. Les autorités organisatrices ont tout intérêt à choisir un modèle économique clair et durable pour mieux affronter les défis à venir.
Le modèle économique actuel des services de mobilité ne permet pas de dégager d’excédent suffisant pour financer le renouvellement des équipements. Il repose d’abord sur le versement mobilité payé par les employeurs, soit près de 65 % des recettes. Le poids de cette contribution obligatoire est d’autant plus discuté que le taux plafond est atteint dans beaucoup de territoires.
Le déséquilibre global du modèle économique du service conduit à subventionner significativement les services de mobilité, mais aussi à des mécanismes d’optimisation fiscale.
La gratuité totale, qui concerne un nombre croissant de territoires, n’est pas toujours bien préparée et anticipée techniquement, financièrement et juridiquement. Un tel basculement du modèle économique doit mettre en balance les bénéfices attendus pour la population et les dépenses d’investissement nécessaires.