Au cœur d’un village, Les Trois-Gueules, est arrivé un homme, André, devenu au fil des années le médecin de toutes les âmes du territoire. Il s’est installé pour oublier les drames de la Seconde Guerre Mondiale. Son fils, Benedict, lui a succédé en tant que médecin, assumant un héritage lourd à porter. Bérangère, seule représentante de la troisième génération, ne vit que pour son amoureux, Valère, paysan. Dans ce village vibrant au rythme des richesses des mines, cette famille de notables, de médecins a construit sa vie, imposé un rang social en oubliant qu’il y avait une terre, une terre qui aurait le dernier mot. Trois saisons d’orage de Cécile Coulon aux Éditions Viviane Hamy et Points Seuil : un livre, des fourmis et des hommes !
Extrait 1
« Seule la terre comptait. Qu’elle explose, qu’elle vive, qu’elle déborde. Ils la vénéraient, ils la dressaient comme on apprivoise un cheval fou qu’on fait danser sur deux pattes pour des spectateurs médusés. Le terre donnait l’herbe, la pierre, l’eau, les arbres. La fortune des Fontaines venait d’elle, personne ne la gaspillait, ne la malmenait. On ne l’insultait pas quand les récoltes étaient mauvaises, on s’en prenait aux enfants, aux vieillards, à Dieu même, mais pas à la terre des Fontaines.«
Extrait 2
« Ses forces bouillonnaient, accordaient tout ce dont ils avaient besoin et plus encore, elle veillait sur eux, et, quand elles emportaient un enfant, on pleurait longuement, mais personne ne reniait la terre, personne n’élevait la voix contre les forces des Trois-Gueules, elles régissaient tout, elles n’avaient pas de nom, pas de forme, elles étaient le vent qui soufflait à travers les arbres, l’orage qui démontait les toits des maisons, les torrents énervés au pied des carrières, elles étaient le froid qui tombait brutalement à la fin du mois d’octobre, les cailloux qui s’enfonçaient dans les pieds nus des adolescents. Les forces étaient partout.«
Un titre évocateur de saga
Ce roman, derrière un titre évocateur de saga, est le portrait d’un assemblage qui se construit. André arrive sur un territoire vide sur lequel il peut apporter son talent, celui de médecin. Il sème alors la graine de sa famille. Son fils, totalement amoureux du village, s’échine à faire grandir cette graine. Bérangère, elle, est loin de ses préoccupations d’héritage. Elle ne se pose pas la question de sa place, mais la ressent. Elle n’est pas une « fille de », mais une habitante. Ces trois personnages sont très réussis, offrant des portraits nuancés, loin des clichés, sur les générations. Cécile Coulon les met en scène non pas selon leur époque, mais selon leur territoire précis.
Un quatrième personnage
Chaque personnage se développe au regard de cette terre qu’il admire, qu’il répare et qu’il pense connaître. Face à la famille, il y a un village, une carrière de pierre, une nature qui a son rythme et ses règles. Vivre aux Trois-Gueules a ses particularités. Ce quatrième personnage marque sa présence au fur et à mesure de la narration. Le livre déroule ainsi la cohabitation entretenue par chaque génération avec cette terre. Elle semblait idyllique, mais le long terme sera révélateur des failles et des forces d’une telle relation. Le bonheur d’André, la joie du fils et l’euphorie de Bérangère se développent avec beaucoup de fluidité.
Une relation entre les Hommes et la Terre
Cécile Coulon déploie sa dramaturgie avec une écriture précise, abrupte et ponctuée par un vocabulaire choisi. Les mots ont un sens. Ainsi, le village a Trois-Gueules, devenant rapidement une sorte de colosse. Les mineurs sont des « fourmis blanches ». Tout cela construit un environnement dans lequel évolue la famille d’André. La nature s’humanise, montrant parfois un visage difficile à interpréter. Les Hommes ont des corps décrits comme des matières, des territoires marqués par des catastrophes naturelles. Cécile Coulon établit tout un monde fait de forces et de faiblesses. Cette saga n’est pas tant celle d’une famille, que d’une relation entre les Hommes et la Terre.
La vérité selon Cécile Coulon
Les dernières pages, tableau de confrontations, sont portées par un souffle dramatique incroyable. La puissance finale démontre toute l’habileté de l’autrice à installer ses personnages, leur environnement et les failles dissimulées.
Les mots et le temps deviennent alors des révélateurs de la vérité selon Cécile Coulon.
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Par JL. MagCentre.