En 2024, la situation des finances publiques des institutions et collectivités calédoniennes se dégrade significativement. La Nouvelle-Calédonie a connu deux crises, l’une propre au secteur nickel, et l’autre liée aux conséquences des émeutes débutées le 13 mai 2024, impactant négativement l’économie. Les recettes fiscales ont diminué de 14,2 % et les cotisations sociales de 8,6 %.
La chambre territoriale des comptes a analysé l'évolution de la situation financière des collectivités du territoire en 2024, année marquées par plusieurs crises. Ce rapport permet d'apporter aux décideurs et aux citoyens un éclairage global et par type de collectivité sur la situation des finances publiques locales, fortement impactée par les conséquences de ces crises.
Une année 2024 marquée par les crises
En 2024, la Nouvelle-Calédonie a connu deux crises, l’une propre au secteur nickel avec notamment la mise en veille de l’usine du Nord annoncée le 12 février puis sa fermeture le 31 août, et l’autre liée aux conséquences des émeutes qui ont éclaté le 13 mai. D’après les dernières estimations disponibles, le produit intérieur brut a reculé de 15 % pour atteindre 916 MdF CFP, soit un niveau proche des années 2015 et 2016. Malgré un repli de l’inflation à 1 % en 2024, la consommation des ménages est en baisse. Alors que la variation annuelle des prix moyens de l’énergie s’est stabilisée, celle des prix moyens de l’alimentation reste dynamique (+ 3,3 %). La question de la vie chère reste donc d’actualité tout au long de l’année 2024, d’autant que les destructions ont conduit à une forte diminution du nombre de salariés du secteur privé. Le nombre de bénéficiaires du chômage en 2024 a plus que doublé par rapport à 2023 (+ 124 %). De nouveaux dispositifs de chômage, partiel ou total, ont été créés pour faire face aux conséquences des exactions.
La production minière a enregistré une baisse significative avec seulement 9,2 millions de tonnes de minerai humide extraites, contre plus de 19 millions en 2023. Les exportations de minerai se sont effondrées, atteignant seulement 514 138 tonnes, soit une baisse de 93 % par rapport à 2023. La production métallurgique a également chuté, avec 53 327 tonnes de nickel contenu, contre 103 652 tonnes en 2023, soit une baisse de 49 %, après une tendance à la hausse depuis 2021. Enfin, le tourisme s’est replié à un niveau particulièrement bas. Seulement 59 399 passagers internationaux ont transité par l'aéroport international La Tontouta en 2024, contre 125 097 passagers en 2023 et le nombre de croisiéristes a diminué de 44 % entre 2023 et 2024.
Des dispositifs exceptionnels ont été mis en place pour faire face à ces crises. Une allocation de chômage partiel spécifique a été mise en place pour compenser les pertes de salaires des entreprises impactées directement ou indirectement par la crise de la filière nickel jusqu’au 31 décembre 2024. La province Nord a aussi mis en place un dispositif d’aide d’urgence et des mesures de soutien exceptionnelles pour le maintien de l’activité et de l’emploi au sein des entreprises ainsi qu’un dispositif d’aides de secours immédiat et exceptionnel. La province Sud a déployé un plan d’accompagnement et de soutien au reclassement et à l’emploi des salariés du secteur nickel ou du secteur des bâtiments et travaux publics ayant perdu leur emploi ou concernés par une procédure de licenciement ou encore les travailleurs indépendants exerçant dans ces secteurs et dont l’activité a diminué de plus de 35 %.
Pour faire face aux conséquences sociales et économiques des émeutes, une allocation spécifique de chômage partiel, financée à parité par l'État et le gouvernement, a été créée pour compenser les pertes de salaire. Une allocation de chômage total a également été mise en place pour les salariés privés d'emploi involontairement. Les entreprises et travailleurs indépendants ont pu bénéficier d'un échelonnement du paiement de leurs cotisations sociales et d'un report d'échéances fiscales sans pénalités. Des mesures exceptionnelles en matière d'urbanisme et des aides pour la reconstruction de biens détruits ont été instaurées. Le comité des assureurs s’est engagé à faciliter les déclarations de sinistre. Pour les particuliers, une aide mensuelle au paiement de facture d’électricité pour une durée de quatre mois consécutifs a été mise en place sous certaines conditions et les coupures pour factures impayées ont été suspendues. Enfin, un plan de sauvegarde et de reconstruction a été élaboré par le XVIIème gouvernement.
La province Nord a modifié en juin la délibération prise en mars pour la crise de la filière nickel et adopté des mesures exceptionnelles en matière d'aménagement des règles et délais administratifs pendant la période comprise entre le 13 mai 2024 et le 31 août 2024. La province des îles Loyauté a mis en place une aide d'urgence pour soutenir les entreprises dont l’activité économique a été impactée. La province Sud a relancé le plan d’urgence pour le maintien de l’activité et de l’emploi mis en place en 2023 et a adopté diverses dispositions ciblées, telles que l'incitation à la réinstallation des cabinets libéraux médicaux ou dentaires, la remise en état de logements rendus inhabitables, et l'aide financière à l’embauche de personnel pour préserver les locaux d’entreprises menacés d’exactions. Elle a également restreint les conditions d’octroi des bourses scolaires et mis en place des mesures exceptionnelles en matière d’urbanisme pour faciliter la reconstruction.
Un soutien massif de l’Etat
Le soutien de l’État s’est avéré essentiel tant pour les entreprises que pour assurer la trésorerie des collectivités, de la CAFAT, d’ENERCAL et de la caisse locale des retraites. Selon la direction des finances publiques locales, les dépenses de l’État en Nouvelle-Calédonie ont atteint, du fait de la crise, 197,6 MdF CFP en 2024, soit 14 % de plus que la prévision figurant en loi de finances initiale, du fait notamment d’un doublement des dépenses sur la mission « Sécurités » et des subventions, prêts et avances remboursables accordées aux collectivités. Les aides financières aux entreprises de la filière nickel se sont élevées à 45,4 MdF CFP (hors conversion des prêts de l’État à la Société Le Nickel en quasi fonds propres) et 8 MdF CFP de subventions (aides directes de l’État aux entreprises ou aux collectivités) ainsi que 46,6 MdF CFP d'avances remboursables correspondant à la part de la Nouvelle-Calédonie au financement des dispositifs de crise et aux déficits structurels, ont été versés en 2024. A contrario, le coût de la défiscalisation nationale a diminué entre 2024 et 2023 (9,2 MdF CFP). Au total, en 2024, le poids de l’État (260,2 MdF CFP) devrait s’élever à 28 % du produit intérieur brut.
Évolution du poids des transferts financiers de l’État et du coût budgétaire de la défiscalisation au regard du produit intérieur brut de la Nouvelle-Calédonie
Source : ISEE – Direction des finances publiques locales (données 2024 provisoires)