Pour une pédagogie du Faire - ENSA Montpellier

Une scénographie pensée et réalisée par les étudiant(e)s du domaine d’études ZERO

Dans le cadre du festival Host to Host, co-produit par Magdalena Project avec « Théatre de la remise », « Le Beau Temps », « La Bulle Bleue », les étudiant(e)s du domaine d’études ZERO ont réalisé la scénographie de l’événement uniquement à partir de matériaux de réemploi. La soirée de performances avec pour thème “La Métamorphose”, comprenant une table ronde et un DJ set a eu lieu le 7 décembre à Mas Réemploi, plateforme écologique du réemploi de matériaux de construction qui a fourni les matières.

En échange avec les responsables artistiques du festival Host to Host, Marion Coutarel et Marie Clauzade pendant l’été 2024, les étudiant(e)s devaient proposer une scénographie générale de l’évènement, une signalétique, une scénographie des lieux qui accueillent des performances/spectacle vivant, spécifique par rapport à la nature de(s) l’œuvre(s) et une scénographie pour une exposition photo ainsi que du mobilier pour un espace de restauration.

Ce partenariat a permis aux étudiant(e)s de créer en rapport avec les matières disponibles et de faire preuve d’inventivité : expérimenter la matérialité, tester les techniques, inventer le détournement, de répertorier, concevoir des ambiances, répondre à un cahier des charges de l’évènementiel, représenter, maîtriser la forme, convaincre, transmettre, faire un projet d’exécution suite à un retour critique, recaler par rapport au réel, penser fabrication et management, approvisionner, fabriquer, nomenclaturer, monter, et intérragir avec les acteurs.

Un projet en 5 étapes

Le projet comprend plusieurs étapes qui met en jeu de nombreuses compétences à acquérir tout au long du processus :

1. ETUdes et esquisses préliminaires pour concevoir, avec des itérations, un projet de niveau esquisse approfondie, incarné et explicite, en appréhendant les opportunités, contraintes et incertitudes du projet, avec sa réalisation en ligne de mire afin de comprendre le programme, la demande et son contexte et obtenir des précisions si besoin. Cette première étape comprend une enquête sur le disponible : identifier et lister les matières, espaces, modes constructifs en jeu, forces vives; la représentation du projet en plans, coupes, perspectives, maquettes, textes explicatifs, moodboard, échantillons ce matière tout en ayant un regard critique et constructif de la part des partenaires pour évaluer la faisabilité de la proposition.
2. EXEcution : les étudiant(e)s sont en mode projet d’équipe en déterminant à l’avance les rôles de chacun, mode de transmission et conservation des informations, suivi du planning, réalisation des tests spécifiques pour caler les modes de fabrication, assemblage et édification. Ils sont ainsi amenés à se poser plusieurs questions : quels gestes techniques, outils, mesures de sécurité, avec quelles matières et matériaux ? qui sait le faire ou doit-on apprendre ? combien de temps ça prend ? quelles conditions sont nécessaires et suffisantes ?. Il doivent ensuite décomposer en tâches unitaires chronologiques tout le travail, avec les ressources à allouer pour chacune, identifier les ressources nécessaires en partant des tâches : matériaux, matériels, humaines, réaliser des plans d’exécution cotés et nomenclaturés d’ensemble et de détail ; se créer des codes simples pour le partage de l’information, réaliser des listes de débit pour les pièces simples, sur support papier, des plans de fabrication de pièces unitaires (découpe, façonnage ou usinage) avec cotes et nomenclatures, réaliser/mettre à jour des plans d’implantation sur site des ouvrages, en se repérant depuis l’existant
3. La [pré]FABrication et le MONtage. Le but est d’édifier par soi-même dans la matière et transformer en réalité un imaginaire, avec précision, dans le cadre d’une expérience commune inédite et partagée, être en capacité d’organiser et de suivre l’enchaînement d’un chantier tout en prenant en compte des points de vigilance tels que le temps de confection, les besoins matériels et humains
4. Transmission de l’édifice/installation aux usagers, expérimentation et usage du projet réalisé : Le but étant ici de voir comment les usagers s’emparent de la scénographie proposée et de prendre le temps pour expérimenter pas soi-même l’espace construit
5. jusqu’au DEMontage : désassemblage, recyclage, conditionnement et évacuation des éléments constructifs, nettoyage et remise en état des lieux, vérification, retour de matériels et outillages, faire un débriefing collectif.

Apprentissage par le Faire

On peut considérer la nature concrète de l’architecture réalisée comme double, à la fois matérielle constructive et sensorielle-expérientielle, venant confronter la pensée autonome du projet, la robustesse de ses invariants, ses intuitions, avec le réel dans le cadre des pédagogies par le faire. L’édification permet d’offrir aux étudiants de nombreux savoirs, à la fois opérants dans leurs projets (sur les outils de prédimensionnement et leurs limites, sur le choix et la conception des détails architecturaux significatifs, sur les modes de fabrication de ceux-ci en rapport avec les cultures techniques, en provoquant le contact avec le chantier et les constructeurs…) et structurants (par la compréhension « étymologique » d’un vocabulaire technique précis, la distance avec le programme et le rapport avec la norme, etc…)

Dans le continuum entre la conception et la réalisation à l’échelle 1:1, tout est occasion d’apprentissage : confronter l’espace pensé à l’espace vécu, le dessin et la maquette à l’échelle du réel, à l’occupation temporaire d’un lieu, à la gravité, aux gestes techniques de fabrication, à la résistance et l’usinabilité de la matière, aux dessins d’exécution et commandes de matériaux… en passant par l’anticipation et la coordination, la recherche de consensus et la coopération dans tout choix, la confrontation au réel de l’autre, tout en faisant œuvre collective.

La pédagogie du « penser par le faire » avec des acteurs du réemploi repose la question du processus de conception ou le disponible devient départ et fil rouge, la frugalité détournement, ou les matières avec une histoire rencontrent la précision d’une technique, avant tout en conception – dans la maîtrise des formes complexes, la pédagogie pourra contenir un volet conception-réalisation-manipulation, organisé sous la forme d’intensif, avec une forte composante informatique (conception géométrique avancée, la notion de forme libre mais contrainte mécaniquement, les possibilités techniques, et enfin, du « complexe mais pas compliqué ».), stimulant la culture architecturale en général et questionnant au fond tout processus de conception. Penser « high tech » pour agir « low tech ».

La rencontre avec une commande en « chair et en os », avec une création artistique, avec le public dans un lieu en transition, et in fine avec la réalité construite de son propre (modeste) projet, sont des formidables moteurs pour l’apprentissage et méritent tous les efforts et intelligence collective déployés.La systématisation du travail coopératif en groupe, l’évaluation croisée des projets par les étudiants, la refonte de projets individuels dans un projet issu du consensus à réaliser dans les situations du « faire » susmentionnées, sont autant de moyens afin de sensibiliser les étudiants à l’importance de l’organisation d’une structure humaine, face aux choix et défis qui les attendront dans leur pratique professionnelle. L’expérimentation du management d’un projet en tant qu’œuvre collective, de la gestion commune des fichiers jusqu’aux tâches et planning de fabrication, en passant par la constitution des quantités et des commandes, est une prise de conscience de la responsabilité individuelle au sein de la force et diversité d’un groupe.In fine, la pédagogie de la bienveillance et la pratique de la coopération vont ensemble car expérimenter, c’est aussi le droit à l’échec, mais avec le devoir d’apprendre par celui-ci.