10 mesures pour une politique migratoire européenne plus juste - CCFD-Terre Solidaire

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Alors que le contexte européen est de plus en plus restrictif pour les droits des personnes exilées, plus de 40 organisations dont le CCFD-Terre Solidaires proposent 10 mesures pour une politique migratoire plus juste et respectueuse des droits fondamentaux.

Une politique migratoire de plus en plus fondée sur l’externalisation

Le 17 octobre 2024, lors d’un sommet européen consacré aux migrations, les dirigeants de l’Union européenne (UE) ont réaffirmé leur volonté de prendre des mesures visant à empêcher l’arrivée de personnes sur le territoire de l’UE, à accélérer les renvois forcés et à renforcer la coopération avec les pays tiers en vue de leur déléguer la gestion des demandes d’asile et des migrations. La Présidente de la Commission a quant à elle estimé qu’il était nécessaire de réfléchir à l’idée de « développer des centres de retour en dehors de l’UE ».

Au même moment, plusieurs Etats membres ont avancé sur des projets en ce sens : l’Italie a tenté de mettre en œuvre son accord avec l’Albanie, la France a conclu un large accord de partenariat avec le Maroc comprenant un volet migratoire, le chef du gouvernement espagnol a fait une série de visites en Afrique de l’Ouest en vue de conclure des accords migratoires avec le Sénégal, la Gambie et la Mauritanie.

Plus que jamais, la politique migratoire de l’UE repose sur la stratégie de l’externalisation, qui vise à limiter les arrivées de personnes migrantes sur son territoire en s’appuyant sur ce qu’on appelle la diplomatie migratoire. Or, cette politique pose des problèmes à différents niveaux : atteintes aux droits humains en Europe et hors de ses frontières, érosion des droits fondamentaux, instrumentalisation de la coopération internationale.

Des conséquences très concrètes pour les personnes migrantes

Nous avons eu l’occasion d’en constater les conséquences concrètes en Tunisie, où le régime a sombré dans l’autoritarisme en ciblant tout particulièrement les personnes migrantes originaires d’Afrique subsaharienne qui font régulièrement l’objet de violences commises à la fois par les forces de sécurité, mais également par la population. Malgré une large documentation de ces événements, la France puis l’Union européenne ont toutes deux conclu des accords migratoires avec le gouvernement tunisien à l’été 2023, dans l’espoir d’endiguer les arrivées de personnes étrangères en Europe transitant par ou au départ de la Tunisie. Face à ces dérives, nous demandons à l’UE et aux Etats membres de changer d’approche.

Les politiques d’externalisation sont une illusion : elles donnent l’impression aux dirigeants d’agir mais sont inefficaces et contribuent aux violations des droits humains. C’est pourquoi il est crucial que tout projet de coopération international réponde à deux exigences : des garanties concrètes sur le respect des droits humains et une transparence permettant un réel contrôle démocratique. 

Ysé El Bouhali Bouchet, Chargée de plaidoyer migrations internationales au CCFD-Terre Solidaire

10 mesures pour des politiques migratoires respectueuses des droits fondamentaux

Voici les 10 mesures que nos organisations recommandent de mettre en œuvre pour aboutir à une approche plus juste et durable des politiques migratoires en Europe :

1 – Se concentrer sur le respect du droit de l’UE et une application du Pacte conforme aux droits humains, en coopération étroite avec la société civile.

2 – Ne pas détenir arbitrairement des personnes réfugiées, demandeuses d’asile et migrantes et ne pas imposer d’autres restrictions de la liberté de circulation lorsque des procédures d’asile et de retour sont en cours.

3 – Permettre la mise en place d’un contrôle efficace et garantir l’obligation de rendre des comptes en ce qui concerne les violations des droits constatées aux frontières européennes et les renvois forcés (pushbacks), notamment en apportant des réponses aux lacunes relevées par la société civile liées à la création par les États membres d’un mécanisme de contrôle indépendant aux frontières, conformément au Pacte.

4 – Élargir les possibilités en matière de permis de séjour pour les personnes qui présentent des besoins particuliers de protection et en lien avec d’autres droits fondamentaux mais qui ne sont pas éligibles pour obtenir l’asile. Veiller à ce que les procédures nombreuses et variées qui existent pour obtenir un droit de séjour soient accessibles en pratique.

5 – Respecter les obligations qui leur incombent, en vertu du droit de l’UE et du droit international, de garantir l’accès à l’asile territorial au sein de l’UE et de respecter le principe de non-refoulement ; le fait d’ouvrir des voies migratoires légales ne peut en aucun cas venir remplacer l’accès à l’asile territorial.

6 – Garantir des capacités suffisantes en matière de recherche et de sauvetage (SAR) et un débarquement dans les meilleurs délais dans le port sûr le plus proche.

7 – Étendre les mesures de protection et d’assistance destinées aux personnes réfugiées et migrantes sur les routes migratoires en développant des partenariats avec des pays tiers ne reposant pas sur des objectifs d’endiguement des flux.

8 – Reconnaître l’importance cruciale d’apporter des améliorations conséquentes aux voies sûres et légales en vue d’une meilleure gestion des mobilités internationales.

9 – En amont de tout projet de soutien ou de collaboration avec des pays tiers en matière d’asile et de migration, conduire de manière prioritaire des évaluations d’impact en matière de droits humains et suspendre tout financement en cas de violations des droits humains.

10 – Renforcer le contrôle parlementaire et public en ce qui concerne les accords existants.

Aller plus loin : 10 mesures destinées à l’UE pour garantir des systèmes d’asile durables et fondés sur les droits

Photo de couverture : Roberta Valerio

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Lili Payant