En 2024, les violences intrafamiliales restent un fléau national : depuis janvier, cent vingt-deux femmes en sont mortes. On note aussi une recrudescence des signalements de la part des victimes, des proches et du voisinage. Le 25 novembre est la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Dans le Loiret, lorsqu’on est victime, où se renseigner et se faire accompagner ?
Toute violence intrafamiliale qui s’exerce sur un être humain est interdite par la loi, qu'elle soit physique (coups, blessures), psychologique (insultes, menaces), sexuelle (viol, même entre conjoints), économique (privation d’argent, dépendance), sociale (interdiction de sortir, d’inviter certaines personnes) ou administrative (confiscation des papiers d’identité). Tous les milieux sociaux, les âges et les deux sexes sont touchés.
Michel Barnier, Premier ministre, annoncera aujourd'hui, lundi 25 novembre 2024, une série de mesures lors d'un déplacement à la Maison des femmes de l'Hôtel-Dieu à Paris, à l'occasion de cette Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Notamment, la possibilité aux femmes victimes de violences conjugales de déposer plainte directement dans tous les hôpitaux dotés de service d'urgence ou gynécologique d'ici fin 2025. Un lieu plus sécurisant pour les femmes qui hésitent ou appréhendent de pousser la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie : elles ont peur de ne pas être crues ; peur d'être prise dans un engrenage ; peur d'être reconnue par le voisinage qui avertirait son conjoint...
Les violences intrafamiliales perdurent : en 2020, on a noté une recrudescence des signalements pour violences conjugales : le collectif #NousToutes note que les appels au 3919 ont augmenté de 400 %, les dépôts de plaintes de 36 % et la plateforme de la police a reçu cinq fois plus de signalements. Les confinements et l’effet cocotte-minute qui en découle en sont les causes principales, mais pas seulement : les victimes ; les proches ; le voisinage ; les associations et les forces de l'ordre se mobilisent plus. De plus, depuis #metoo et #balancetonporc, la parole se libère.
D’après l’Analyse globale des données issues des appels au 3919 - Violences Femmes Info sur l'année 2022 :
- ce numéro anonyme et gratuit a reçu 122 753 appels traitables avec 93 005 prises en charge téléphonique. Le nombre d’appels est stable entre 2021 et 2022, mais il avait augmenté de 14 % en 2019 ;
- le nombre d'appels lié aux violences faites aux femmes est en progression de 12 % par rapport à 2021 et de 4 % pour 2020, année record ;
- 98 % des appels ayant pour motif les violences conjugales concernent une femme victime et 99 % de ces situations l’agression est perpétrée par un homme ;
- au même moment, près d'une femme sur cinq a déclaré lors de l’écoute avoir été menacée de mort.
Le cycle de la violence
Le cycle de la violence, c’est :
tension < explosion < excuse/justification < lune de miel
« Plus on avance dans le temps, plus le cycle se répète et se raccourcit, il revient de plus en plus rapidement, explique Hélène Brissaire, assistante sociale au CHRO et ancienne ISCG. On constate aussi que plus le cycle se répète, plus la phase lune de miel se réduit jusqu’à parfois disparaître. À chaque cycle bouclé, les victimes perdent encore plus confiance en elles et en estime d'elles-mêmes. »
À noter : les violences intrafamiliales concernent les femmes mais aussi leurs enfants, victimes collatérales. Ces derniers constituent parfois un levier qui aidera les femmes à quitter leur conjoint maltraitant.
QUI CONTACTER
Que vous soyez victime, témoin ou auteur, n'hésitez pas à contacter le numéro qui vous concerne :
Le 17, police secours
Le 112 est le numéro d'urgence valable dans toute l'Union européenne
Le 114, par SMS
Le 3919, numéro national pour les femmes victimes de violences et leur entourage (accessible 24 h/24 et 7 j/7)
Le 0 800 05 95 95, Viol femmes infos
Le 119, Enfance en danger
Arrêtons les violences : https://arretonslesviolences.gouv.fr
Pour les hommes battus : https://stop-hommes-battus-france-association.blog4ever.com
Le 01 44 73 01 27 uniquement pour les auteurs de violences intrafamiliales
Vous pouvez découper et afficher ces numéros de téléphone dans tous les lieux qui reçoivent du public
STRUCTURES QUI ACCOMPAGNENT
Les sites...
Dans le Loiret, associations, structures et forces de l’ordre travaillent ensemble pour vous aider à sortir du cycle de la violence.
Le Département du Loiret s’investit dans la lutte contre les violences conjugales en recrutant deux Intervenants sociaux en commissariats de police et en unités de gendarmerie (ISCG). Et, les assistantes familiales des Agences départementales des solidarités (ADS) sont formées et sensibilisées sur la thématique.
Le LAÉ ou lieu d’accueil et d’écoute - regroupe le CIDFF* et L’Aidaphi -, le Planning familial, l’Aide aux victimes du Loiret…
Ces structures accompagnent les femmes victimes, dans l’urgence ou en les accompagnant lors d’un parcours judiciaire, dans leur réflexion, leurs démarches juridiques ou psychologiques, les informent sur leurs droits, les aident à retrouver confiance en elle, à prendre conscience de l’emprise exercée sur elle... Cela sans jugement. Depuis plusieurs années, elles coopèrent afin d’être plus efficaces.
« Nous accueillons les victimes dans un cadre bienveillant, sans jugement, nous les écoutons et les accompagnons au long court, tout en les orientant vers des dispositifs d’urgence, si besoin », explique Elsa Marteau, directrice du CIDFF (02 38 77 02 33) qui organise des permanences dans une quinzaine de lieux Loirétains. « L’Aidaphi emploie également deux intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie qui cultivent de vrais liens avec les forces de l’ordre, déclare Dominique Laurent. De plus, au LAÉ (02 38 52 10 10), nous donnons des conseils de sécurité basiques aux femmes : comme préparer ses papiers et des vêtements (nous disposons d’un système de bagagerie). »
Au Planning familial (02 38 70 00 20), les femmes viennent pour obtenir une contraception ou réaliser une IVG. « Nous posons la question du consentement, du harcèlement, des violences et aidons à l’identifier car chacun et chacune possèdent son propre curseur. Certains considèrent qu’une gifle et une bousculade ne sont pas des actes violents. Nous rappelons que la violence est aussi psychique. Nous semons de petites graines de réflexion, développons l’esprit critique, combattons les discriminations, promouvons l’égalité et la non-violence », confie Sophie Pourin, coordinatrice pédagogique. Et l’Aide aux victimes du Loiret (02 38 62 31 62 à Orléans et à Montargis) accompagne, entre autres, dans les différentes procédures pénales qui « concernent les faits constituant un délit » et la procédure civile qui « concerne la séparation, les droits de visite et l’hébergement des enfants ». L’association guide dans les démarches à effectuer, explique, aide à comprendre le fonctionnement de la justice… Elle peut être contactée via les différents points visio accueil Loiret (MDD, certaines villes…).
À noter, tous les rendez-vous et entretiens dans les associations sont gratuits
*Centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF)
LA PRÉFECTURE
En chiffres...
- 63 en hébergement d'urgence dédiées au femmes victimes de violences ;
- 52 Téléphones grave danger (TGD) ;
- 20 autres existent aux résidences de l’Orléanais ;
- 4 sociétés de taxis assurent nuit et jour le transport des victimes de violences conjugales et de leurs enfants dans tout le département vers les hôpitaux et les lieux d’accueil ;
- En 2023, 12 000 jeunes ont été sensibilisés sur le sujet des violences faites aux femmes dans les établissements scolaires du Loiret;
- 1 projet de maison des victimes est en réflexion.
À la préfecture, Vanessa Kerampran coordonne les structures associatives et institutionnelles qui travaillent sur les violences intrafamiliales. Elle travaille dans l’ombre mais tout le monde la connaît (associations, forces de l’ordre, CHRO…) et elle connaît tout le monde !
Elle a formé et sensibilisé les assistants sociaux des Agences départementales des solidarités (ADS) afin qu’ils décèlent les violences conjugales. Par exemple, il leur faut questionner quelqu’un qui vient demander le RSA : comment ça se passe à la maison, dans le couple...
La préfecture finance aussi, en partie, les associations qui s’occupent des victimes. Le but ? Mieux détecter et lutter contre les violences. En parallèle, le préfet, le procureur et 43 structures ont signé un protocole qui contient 240 engagements et 8 fiches d’actions communes. Il prévoit aussi des actions collectives, comme l’animation du réseau local, des sensibilisations et formations du public et des professionnels (repérer les situations/orienter/former), la prise en charge des situations et actions de communication. Tous se sont également engagés sur la prévention des violences chez des jeunes, le repérage des violences auprès du public, l’orientation vers les dispositifs de prise en charge des victimes et le suivi des auteurs...
D'autre part, parmi les mesures annoncées par le Premier ministre à l’issue du Grenelle de lutte contre les violences conjugales, figure la mise en place, sur l’ensemble du territoire national, de centres de suivi et de prise en charge des auteurs, d’ici 2022, afin de prévenir la récidive. Ils proposeront une prise en charge globale des auteurs de violences au sein du couple, engagés dans une démarche volontaire ou judiciaire : stages/actions de responsabilisation ; accompagnement thérapeutique et médical en groupe, en individuel ; accompagnement socio-professionnel... Sur le Loiret, ce centre se déploiera prochainement et travaillera avec le Service de contrôle judiciaire et d’enquête (SCJE) qui organise actuellement des stages de responsabilisation à destination des auteurs. Il travaillera aussi avec l'Aidaphi qui gère 4 places d'hébergement à destination de ceux-ci. La communauté de commune de Gien finance, elle, des places d’hôtel pour auteurs.
Par ailleurs, le directeur de Cabinet de la préfecture, les ISCG, le Département du Loiret et d’autres acteurs participent, de façon récurrente, à une cellule dédiée aux violences conjugales. Ils résolvent collectivement des cas concrets lors de situations bloquées.
« Les victimes doivent savoir qu’elles ont le droit de contacter les associations et collectivités juste pour se renseigner, réfléchir, être prise en charge… Cela demande du temps pour casser le cycle de la violence. Les travailleurs sociaux savent qu’il faut parfois jusqu’à sept allers-retours, c’est un schéma classique, pour se décider à partir, porter plainte… », décrit Natacha Kerampran.
SE SOIGNER, FAIRE CONSTATER
Au CHRO la pluridisciplinarité est de rigueur
« Au CHRO, depuis deux ans surtout, on développe pluridisciplinarité et la vigilance, systématiques dans toutes les unités de l’hôpital où la question des violences intrafamiliales est intégrée à l’interrogatoire médical. Des services spécialisés existent : les urgences (adultes, gynécologiques et pédiatriques) ; la cellule d’urgence médico-psychologique ; le Centre d’accueil pour les femmes victimes d’agressions sexuels (Cavas) ; l’Unité médico-judiciaire (UMJ). À chacun ses spécificités », déclare Christine Liaudois, directrice de soins de l’établissement.
Contacts : 02 38 51 44 44 - Urgences Samu 15
Les services spécialisés
Les urgences
Les urgences pédiatriques, le Cavas (prise en charge via les urgences gynécologiques) et le service d’accueil des urgences adultes. Ils sont ouverts 24 h/24 et s’occupent, entre autres, des victimes de violences intrafamiliales. « La nuit, de 20 heures à huit heures, nous accueillons tout le monde, puisque les autres unités sont fermées. Nous soignons les victimes. Nous sommes désormais obligés de les signaler au procureur si et seulement si elles sont sous emprise et en danger et qu’elles ne portent pas plainte. Pour l’instant, nous ne l’avons fait qu’exceptionnellement. Si elles ne relèvent pas de signalement, nous leur donnons un flyer avec toutes les coordonnées utiles et nous laissons un mot au service social. Il ne faut pas les perdre de vue. Quand elles arrivent, elles sont meurtries, écrasées. Elles n’ont plus aucun respect pour elles-mêmes. Les femmes se réfugient aux urgences, mais nous ne disposons pas de lit réservé spécifiquement. On s’aperçoit que les victimes consultent si elles ne peuvent vraiment pas faire autrement », indique Victoria Carré, urgentiste.
L’Unité d’accueil des jeunes victimes (UAJV)
L'UAJV prend en charge, de façon pluridisciplinaire (pédiatre, infirmière, psychologue, assistante sociale, secrétaire), les enfants et adolescents victimes de maltraitance (psychique, physique et/ou sexuelle). Ils sont adressés par un médecin traitant, la famille ou sur réquisition judiciaire.
La Cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP)
À la CUMP, quatre psychologues assurent des consultations spécialisées dans le syndrome de stress post-traumatique. « Les patients sont souvent orientés par le Samu, le médecin généraliste, les urgences, associations et structures et le CMUP est joignable directement. La prise en soins doit être la plus précoce possible afin de favoriser le bien-être de la personne, ainsi, nous réservons des créneaux aux urgences. Nos thérapies sont pour du court ou moyen terme. Il n’y a pas de profil type, les victimes sont de tout âge (de huit ans aux personnes âgées)