FAQ : Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises - CCFD-Terre Solidaire

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Sept ans après l’adoption historique de la loi sur le devoir de vigilance des entreprises en France, la lutte contre l’impunité des multinationales franchit une nouvelle étape !

En mai 2024, une directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D) a été adoptée. L’Europe devient ainsi le premier espace régional à se doter d’une législation contraignante en la matière. Quelle est la portée de cette directive ? On fait le point sur ses enjeux et ses applications.

1. Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises : c’est quoi ?

La Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises, ou Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD), est une loi adoptée en mai 2024. Elle contraint juridiquement les entreprises à prendre des mesures pour prévenir les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement liés à leurs activités, ainsi qu’à celles de leurs filiales et des opérations menées par leurs partenaires commerciaux au sein de leurs chaînes d’approvisionnement.

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2. Quelles sont les entreprises concernées par le devoir de vigilance européen ? 

Les grandes entreprises et les sociétés mère qui emploient plus de 1.000 personnes et dont le chiffre d’affaires mondial dépasse les 450 millions d’euros. Également, les sociétés étrangères dont le CA dans l’Union européenne est supérieur à 450 millions d’euros.

Les franchises percevant des redevances supérieures à 22,5 millions d’euros et dont le chiffre d’affaires mondial est supérieur à 80 millions d’euros. Sont également concernées, les franchises percevant des redevances au sein de l’UE supérieures à 22,5 millions d’euros et dont le chiffre d’affaires en Europe dépasse 80 millions d’euros.

Contrairement à d’autres secteurs, les obligations du secteur financier ne concernent que la partie amont de la chaîne de valeur, et non les services et produits financiers qu’ils vendent en aval. Par exemple, une banque a des obligations de vigilance vis-à-vis des travailleurs chez ses fournisseurs (centres d’appel, fabrication de cartes bancaires, etc.), mais pas d’obligations de vigilance concernant les activités de ses clients et de ses investissements (activités pétrolières, risques de déforestation, violations des droits humains, etc.).

5 400

entreprises concernées par la loi européenne sur le devoir de vigilance.

16 000

entreprises étaient concernées dans l’accord initiale du projet de loi européen.

3. Devoir de vigilance européen : quelles obligations pour les entreprises

Les entreprises ont l’obligation d’intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques et systèmes de gestion des risques. Elles doivent identifier et évaluer les risques ainsi que les impacts sur les droits humains et l’environnement dans toutes leurs activités et chaînes d’approvisionnement, y compris celles de leurs filiales, fournisseurs et autres partenaires commerciaux. Elles sont tenues de prévenir les dommages et les risques, de mettre un terme aux préjudices causés et de remédier aux dommages subis.

Les entreprises doivent également suivre les progrès des actions mises en œuvre, communiquer publiquement et annuellement, établir un mécanisme de dépôt de plaintes et s’engager activement avec les parties prenantes tout au long du processus.

4. Transition climatique : que prévoit la loi sur le devoir de vigilance européen ?

Les entreprises doivent adopter et mettre en œuvre un plan de transition pour atténuer le dérèglement climatique, en respectant la transition vers une économie durable et la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C, conformément à l’accord de Paris et à l’engagement de l’UE d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Plus concrètement, elles doivent fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) assortis d’échéances, décrire les leviers de décarbonisation et prendre des mesures adaptées. Elles doivent également expliquer et quantifier les investissements et financements soutenant la mise en œuvre du plan de transition, ainsi que mettre à jour tous les 12 mois une description des progrès accomplis par l’entreprise.

5. Devoir de vigilance européen : quelles obligations pour les États

Les États et les institutions doivent publier des lignes directrices. Ils doivent créer ou désigner une autorité de contrôle dans chaque État et mettre en place un réseau européen d’autorités de contrôle. Les obligations de vigilance doivent être prises en considération dans les critères d’attribution des marchés publics et des contrats de concession. Des mesures d’accompagnement doivent être mises en place pour soutenir les petites et moyennes entreprises (PME). Enfin, les États doivent garantir la protection des personnes qui effectuent des signalements. Les juridictions peuvent également ordonner, sous certaines conditions, que des éléments de preuve soient divulgués par la société conformément au droit national. Ce sont les États membres qui fixent le régime des sanctions, et les décisions des autorités de contrôle doivent être publiées et accessibles au public pendant au moins cinq ans.

6. Devoir de vigilance européen : quels sont les droits et les sanctions ?

En cas de manquement à ses obligations de vigilance, les sociétés contrevenantes peuvent être contraintes de s’acquitter d’une amende. Celle-ci se fonde sur le chiffre d’affaires mondial réalisé par l’entreprise (au niveau du groupe).

Une entreprise peut être tenue responsable d’un dommage causé à une personne physique ou morale si elle n’a pas respecté, intentionnellement ou par négligence, ses obligations de vigilance. Dans ce cas, la personne victime a droit à une réparation intégrale du dommage si l’entreprise est tenue pour responsable. Elle peut engager une action en référé pour obtenir une suspension définitive ou provisoire des infractions. Enfin, les personnes concernées ont le droit de présenter des rapports aux autorités de contrôle, d’obtenir un suivi des actions mises en place ou une justification si l’autorité décide de ne pas agir.

Lorsque le dommage a été causé conjointement par l’entreprise et sa filiale ou un partenaire commercial, ils sont solidairement responsables. Néanmoins, une entreprise ne saurait être tenue pour responsable si le dommage n’a été causé que par ses partenaires commerciaux dans sa chaîne d’activités.

7. Quels sont les points de vigilance sur le devoir de vigilance européen ?

Contrairement aux précédentes versions du texte, celle adoptée ne concerne que 0,05 % des entreprises européennes.

Le secteur financier n’est pas soumis aux mêmes obligations, alors qu’il s’agit d’un secteur à haut risque pour les droits humains et l’environnement. Il convient d’appliquer la directive à tous les acteurs et services financiers, y compris les institutions de retraite, les fonds d’investissement alternatifs, etc., sans restriction du champ d’application, comme c’est le cas dans la loi française.

Dans de nombreux cas, les régimes nationaux de contrôle des exportations d’armes ne parviennent pas à prévenir les risques sur les droits humains. Il est nécessaire d’appliquer la directive et les obligations de vigilance aux exportations d’armes et de matériels de surveillance, même lorsque l’exportation a été autorisée par l’État.

Afin d’équilibrer le rapport de force, il est essentiel de renverser la charge de la preuve, notamment lorsque certaines informations ne sont détenues que par l’entreprise et ne sont pas accessibles aux requérants.

Les annexes de la directive ne couvrent pas explicitement certains droits et protections essentiels des minorités et des peuples autochtones, ni certaines atteintes à l’environnement. Il est nécessaire de définir les atteintes aux droits humains et à l’environnement en englobant l’ensemble des dommages actuels ou potentiels, comme c’est le cas dans la loi française.

Lire aussi : Devoir de vigilance européen : les états membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

08. Quelles sont les dates clés de l’application de la directive européenne sur le devoir de vigilance ? 

En 2024, la directive européenne est adoptée. D’ici 2026, les États membres devront l’avoir transposée et mettre en place une autorité de contrôle indépendante qui ne limite pas l’accès à la justice pour les personnes affectées. En 2027, son application sera limitée aux entreprises de plus de 5.000 employés avec un chiffre d’affaires (CA) mondial supérieur à 1,5 milliard d’euros, ainsi qu’aux entreprises non-européennes ayant un CA dans l’UE dépassant ce montant. En 2028, la directive s’appliquera également aux entreprises de plus de 3.000 employés avec un CA mondial de 900 millions d’euros, ainsi qu’aux entreprises non-européennes dont le CA dans l’UE excède 900 millions. Enfin, en 2029, elle s’étendra à toutes les entreprises et acteurs concernés par le texte.

09. Quelles sont les avancées du devoir de vigilance européen ?

La Directive européenne s’inspire en partie de la loi française sur le devoir de vigilance, adoptée en 2017. Cette directive précise le contenu des obligations imposées aux entreprises en matière de vigilance. Elle intègre de plus des éléments relatifs à la transition climatique. Les États membres ont la liberté d’adapter, d’ajouter ou de préciser certaines mesures, à condition de respecter l’objectif général de la directive.

L’enjeu de la Directive est d’être complémentaire à d’autres normes européennes. Parmi elles : la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) ; les garanties sociales minimales de la taxonomie de l’UE ; le règlement sur la divulgation des informations financières durables (SFRD) ; le règlement concernant les minéraux de conflit et la proposition de règlement sur les chaînes d’approvisionnement exemptes de déforestation.

Lire aussi : Devoir de vigilance des entreprises (loi française)

Depuis plusieurs années, le CCFD-Terre Solidaire et ses alliés plaident pour que les grandes entreprises soient davantage encadrées et régulées. Suite à l’adoption de la loi française en 2017, cette directive européenne constitue une victoire supplémentaire dans la lutte contre l’impunité des multinationales. Cependant, le combat se poursuit, et le CCFD Terre Solidaire reste mobilisé pour veiller à la bonne application de cette loi déterminante.

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Ophélie Chauvin