Le 10 juillet dernier, les sénateurs membres de la commission des Finances, ont entendu la communication d’Albéric de Montgolfier (LR-Eure-et-Loir), rapporteur spécial, sur les facteurs explicatifs des perspectives d’évolution différentes en matière de charge de la dette entre la France et les principaux États européens.
Les constats
Selon les derniers éléments communiqués par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité d’avril 2024, le poids de la charge de la dette de l’État devrait connaître une forte croissance dans les prochaines années, pour quasiment doubler à l’horizon 2027, atteignant 72,3 milliards d’euros, contre 39 milliards d’euros en 2023. Il devrait s’inscrire autour de 50 milliards d’euros en 2024.
Les intérêts de la dette de l’État se rapprocheraient alors des dépenses de l’éducation nationale, premier poste budgétaire. Si l’on devait poursuivre cette trajectoire haussière, les intérêts de la dette pourraient bientôt absorber le produit d’un impôt comme l’impôt sur le revenu (102 milliards d’euros en 2023).
Dans ces conditions, la trajectoire de la charge de la dette française devrait connaître une divergence notable avec la majeure partie des États membres de la zone euro. En effet, notre charge d’intérêts, en proportion du PIB, devrait s’écarter de la moyenne de la zone euro, en la dépassant significativement dans les années à venir.
Selon les dernières projections du Fonds monétaire international (FMI), la charge d’intérêts devrait augmenter de plus d’un point de PIB entre 2023 et 2029. À cette date, la charge de la dette publique française devrait représenter 3 % du PIB, renouant avec les niveaux record observés au milieu des années 1990. Dans ces conditions, pour respecter la règle européenne d’un déficit limité à 3 %, il faudrait que, hors charge d’intérêt, le solde public primaire soit à l’équilibre.
Les causes
- L’augmentation continue du stock de la dette, sous l’effet de l’accumulation des déficits, notamment dans la période récente, explique cette situation et ces perspectives dégradées.
La dette de l’État devrait ainsi dépasser 2 560 milliards d’euros en 2024, contre 1 760 milliards d’euros en 2018. Toutes administrations publiques confondues, la dette française représentait 3 100 milliards d’euros à la fin de 2023. Trois ans après la sortie de la crise sanitaire, le ratio de dette publique se maintient ainsi à un niveau historiquement élevé, à 110,6 % du PIB, nettement au-dessus de son niveau de 2019.
Selon les prévisions du FMI, par contraste avec l’immense majorité des États européens, la France ne connaîtrait pas de désendettement à l’horizon 2029 par rapport à 2020, avec un ratio de dette qui se maintiendrait à plus de 110 % du PIB.
- La remontée des taux, liée à la normalisation de la politique monétaire par rapport à la fin de la décennie 2010, représente aussi un facteur aggravant.
Le relèvement progressif par la Banque centrale européenne (BCE) de son taux de dépôt, de – 0,5 % en juillet 2022 à 4,0 % en septembre 2023, s’est ainsi traduit par une nette croissance des taux d’intérêt souverains sur la même période. Alors que la France empruntait à 1 % sur 10 ans en avril 2022, ce taux était de 2,87 % en avril 2024. Le 8 juillet dernier, en dépit de l’inflexion du taux de dépôt de la BCE à 3,75 % en juin, le taux de la dette française à 10 ans s’élevait à 3,15 %, dans le contexte politique actuel.
Compte tenu du rythme de refinancement de la dette, les effets de la remontée des taux sur la charge d’intérêts ne sont pas encore totalement perceptibles. Cet impact devrait se matérialiser graduellement dans les prochaines années.
Dans ce contexte, la dette de la France sera désormais au cœur des discussions avec les partenaires de la zone euro. En effet, le retour de l’encadrement budgétaire européen, suspendu à la suite de la crise sanitaire, réintroduit de fortes contraintes, au plan préventif comme au plan correctif. De fait, le 19 juin dernier, la Commission européenne a lancé une procédure pour déficit excessif à l’encontre de 7 États membres, dont la France.
Parmi les recommandations en direction de Bercy
- Recommandation n° 1 : engager, dès le prochain projet de loi de finances, un effort de réduction du déficit public, cohérent et crédible, afin de revenir sous le niveau de 3 % du PIB d’ici 2027 et diminuer le ratio de dette publique de 1 point par an en moyenne sur la période avec pour objectif de renouer avec un excédent budgétaire primaire à l’horizon 2030
- Recommandation n° 2 : coordonner l’effort de réduction du déficit public au niveau national avec la promotion d’une politique d’investissement massive au niveau européen en matière d’industrie, de défense et d’environnement
Consultez le rapport :
https://www.senat.fr/rap/r23-719/r23-719_mono.html
Consultez la synthèse :