- Le Tchad connaît des épisodes de violence depuis la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle du 6 mai 2024. L’Agence Nationale de Gestion des Elections (ANGE) a déclaré le Général Mahamat Idriss Deby Itno vainqueur dès le premier tour. Cependant, le Premier Ministre Succès Masra, candidat à ladite élection présidentielle, s’était déclarée également vainqueur.
- La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH) et l’Association Tchadienne pour la promotion des droits humains (ATPDH) expriment leurs préoccupations face à la détérioration de la situation, condamnent les violences et les violations des droits humains dans ce contexte.
- Elles appellent les autorités tchadiennes à cesser toutes formes de violations des droits fondamentaux.
Paris, N’Djamena - 15 mai 2024. Le 9 mai dernier, l’Agence Nationale de Gestion des Elections (ANGE) a surpris les observateurs·ices en procédant plus tôt que prévu à la proclamation solennelle des résultats provisoires du scrutin présidentiel du 06 Mai 2024.
En attendant la décision du conseil constitutionnel, seul habilité à donner les résultats définitifs, cette proclamation a été suivie de violences et d’atteintes aux libertés fondamentales. Le soir de la publication, lors de la célébration par les partisans du général Mahamat Idriss Deby Itno, candidat de la Coalition Tchad Uni, et président de la transition, des tirs à l’arme ont été entendus dans plusieurs villes du Tchad et à Kousséri, ville situéeau Cameroun. Ils ont occasionné plus d’une dizaine de morts et plusieurs dizaines de blessé·es selon des sources locales.
« La justice tchadienne doit immédiatement ouvrir une enquête sur ces incidents en vue d’identifier et poursuivre leurs responsables quels que soient leurs qualités. Aucune pression ne doit être faite sur les victimes et leurs familles dans leur requête de justice », a déclaré Agnès Ildijma Lokiam, présidente de l’ATPDH.
La presse empêchée d’approcher les victimes
Pour dissimuler l’ampleur des dégâts de ces tirs, les autorités sanitaires tchadiennes ont interdit l’accès aux victimes. Dans une circulaire du ministère de la santé en date du 10 mai, il a été interdit aux responsables des structures sanitaires de « ...mettre à la disposition de tout usager les statistiques relatives au nombre de blessés et de décès liés aux tirs de joie... ». La presse était également interdite « d’interroger ou de photographier les blessés... ». L’Union des journalistes tchadiens a protesté le même jour contre cette entrave à l’exercice du travail des journalistes.
« Il est inadmissible que la société civile et la presse soient empêchés d’accéder aux victimes et d’informer l’opinion publique. Le droit à l’information et le droit d’informer font partie des droits constitutionnels reconnus aux tchadiens par la constitution », a déclaré Me Adoum Mahamat Boukar, président de la LTDH.
La publication rapide des résultats contrairement à la pratique antérieure et aux réalités du terrain a aussi suscité des controverses sur leur crédibilité malgré les justifications données par l’ANGE. Certains candidats dont l’opposant Succès Masra, candidat du Parti « les Transformateurs », arrivé en deuxième position avec 18,53 % derrière Mahamat Idriss Deby Itno élu avec 61,03 %, ont contesté ces résultats. Au moins 76 partisan·nes du candidat du parti « les Transformateurs » ont été arrêté·es dans les centres de vote et lors des dépouillements le 6 mai et jours suivants par les forces de l’ordre et détenus à la prison de Klessoum. Ils seraient accusé·es d’avoir« photographié des procès-verbaux » des bureaux de vote et de « détention de faux badges et ordres de mission » d’observateurs.
Des atteintes aux droits et aux libertés fondamentaux de l’opposition ont été rapportées. Le 6 mai, soir du scrutin, le domicile de Succès Masra avait été cerné et survolé par les drones des forces de l’ordre. Il serait en résidence surveillée depuis le 9 mai, tandis que sa maison est encerclée par les forces de l’ordre. Le 12 mai il a saisi le conseil constitutionnel.
« Nous sommes inquiets. Ces événements surviennent moins de 3 mois après la mort de l’opposant Yaya Dillo suite à l’assaut des forces de l’ordre au siège de son parti. Ces faits pourraient être considérés comme des signaux annonciateurs de nouvelles violences politiques. Les attaques contre les opposant·es doivent cesser pour donner une chance à la démocratie et à la paix au Tchad », a déclaré Me Drissa TRAORÉ, secrétaire général de la FIDH.
Cette violence a atteint son paroxysme le 10 mai avec le passage à tabac des étudiant-es de l’université de Toukra après qu’ils aient scandé le nom de Succés Masra.
La FIDH et ses organisations membres au Tchad s’étaient alarmées de l’éventualité de violences post électorales et de violations de droits humains. Elles réitéraient leur appel aux autorités tchadiennes à respecter les droits humains en mettant fin au harcèlement, des opposants et des défenseur-es.