Au croisement du genre, de l’orientation sexuelle et du statut juridique : des exilé•es LGBTQ+ doublement à risque de se retrouver sans-abri

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Noemi Stella, sociologue

Les exilé.es LGBTQ+ non statu­taires courent des risques accrus de se retrouver à la rue. Ces risques sont liés à la fois à leur assi­gna­tion de genre et sexuelle et à leur statut juri­dique. Une fois sans-abri, ils et elles font face à des violences homo-trans­phobes spéci­fiques qui les vulné­ra­bi­lisent davantage.

De 2019 à 2023, j’ai mené une recherche-action longi­tu­di­nale portant sur les trajec­toires de préca­rité rési­den­tielle vécues par des personnes LGBTQ+ ayant entre 16 et 35 ans, dont la grande majo­rité sont exilées. L’Île-de-France concentre à elle seule près de la moitié des exilé.es ayant déposé une demande d’asile et seule­ment 30% d’entre eux et elles ont été hébergé.es par des établis­se­ments pour demandeur.ses d’asile rele­vant du dispo­sitif national d’accueil (DNA). L’insuffisance des places d’hébergement du DNA vient s’ancrer dans un contexte national, et plus parti­cu­liè­re­ment fran­ci­lien, déjà en crise, marqué par la satu­ra­tion struc­tu­relle des centres d’hébergement géné­ra­listes. Les périodes de sans-abrisme, au lieu d’être des moments rares et courts, s’insèrent ainsi dans les inter­stices entre un « plan » d’hébergement et un autre, font suite à des expul­sions chez des tiers ou en struc­ture insti­tu­tion­nelle et sont omni­pré­sentes dans les récits des jeunes exilé.es LGBTQ+.

Si la première cause d’arrivée à la rue est impu­table à la satu­ra­tion des dispo­si­tifs d’hébergement et à leurs critères de sélec­tion, basés sur le statut juri­dique des exilé.es, la seconde est propre aux personnes LGBTQ+. Beau­coup d’entre eux et elles, hébergé.es chez des membres de la famille et des compa­triotes cisgenre hétérosexuel.les, ont en effet été expulsé.es à la suite de la décou­verte de leur orien­ta­tion sexuelle. D’autres, presque exclu­si­ve­ment des hommes cisgenres et des femmes trans­genres, ont été mis​.es à la porte suite à des demandes de services sexuels non exaucés, formu­lées de la part d’hébergeurs rencon­trés dans la rue et sur les réseaux sociaux.

« Si la première cause d’arrivée à la rue est imputable à la saturation des dispositifs d’hébergement et à leurs critères de sélection, basés sur le statut juridique des exilé.es, la seconde est propre aux personnes LGBTQ+. »

Une fois sans-abri, les personnes visi­ble­ment « déviantes » des normes cis-hété­ro­sexuelles ont signi­fi­ca­ti­ve­ment plus de risques d’être insul­tées, agres­sées et de faire face à des viols « correc­tifs », c’est-à-dire perpé­trés contre une personne en raison de son orien­ta­tion sexuelle, et à des violences trans­phobes. Afin de s’exposer en moindre mesure à ces violences, les exilé.es LGBTQ+ sans-abri mobi­lisent des tech­niques de dissi­mu­la­tion multiple : ils et elles s’isolent, mettent en place des stra­té­gies d’évitement des compa­triotes et cherchent à avoir un passing[1]Pour les personnes trans et/​ou non hété­ro­sexuelles, c’est le fait d’être iden­tifié comme étant cisgenre et/​ou hétérosexuel.le cis-hété­ro­sexuel afin d’être le moins possible identifié.es en tant que LGBTQ+. 

Si des violences systé­miques traversent le quoti­dien des personnes LGBTQ+ dans l’espace public, celles-ci sont démul­ti­pliées pour les exilé.es les plus précarisé.es par leur statut juri­dique qui, étant sans-abri, ne disposent d’aucun lieu sécu­risé où s’abriter pour la nuit.

Notes

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1 Pour les personnes trans et/​ou non hété­ro­sexuelles, c’est le fait d’être iden­tifié comme étant cisgenre et/​ou hétérosexuel.le
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