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Portrait de 3 sportifs
durant la 2nde Guerre mondiale

A l’occasion de la cérémonie officielle du 8 mai 2024, les élèves de 3è du collège Descartes ont mis la lumière sur 3 sportifs dans la tourmente de la 2nde Guerre mondiale

Loin de limiter l’activité sportive, la 2de Guerre mondiale l’a plutôt stimulée.

Pour l’Allemagne nazie, le sport est un outil de propagande, servant à la fois à sympathiser avec les populations vaincues et à démontrer la supériorité de la «race aryenne », jusque dans les camps. Pour les autres, le sport devient acte de résistance.

Le 6 août 1942, dans l’URSS occupée, les nazis organisent un match de foot entre des joueurs ukrainiens du Dynamo Kiev et une équipe composée d’aviateurs de la Luftwaffe. Les Ukrainiens gagnent 5 à 1. Les Allemands humiliés imposent un match de revanche. Le 9 août, la rencontre a lieu à Kiev devant 45000 spectateurs. L’arbitre est allemand et ordonne aux Ukrainiens de faire le salut nazi, ce qu’ils refusent. Les Allemands ouvrent le score, se font égaliser, puis mener 3 à 1 à la mi-temps. Que se passe-t-il dans les vestiaires ? La propagande soviétique dit que des soldats du Troisième Reich entrent dans le vestiaire ukrainien en annonçant aux joueurs qu’ils seront exécutés s’ils ne laissent pas gagner l’équipe allemande. Les Ukrainiens remportent la partie 5 à 3. Quelques jours plus tard, 13 des leurs sont arrêtés, 8 sont déportés et 5 exécutés.

Lors de la cérémonie de commémoration du 8 mai 2024, les élèves de 3è  du collège Descartes ont présenté, d’après le site Retronews de la Bibliothèque Nationale de France, 3 destins de sportifs dans la tourmente de la guerre :

Victor Perez

Victor Perez, naît en 1911 à la Hara, le ghetto juif de Tunis. Sa passion pour la boxe le conduit au club du Maccabi de Tunis où il est repéré par l’entraîneur. Il est haut comme trois pommes (1,55 m) mais d’une agilité et d’une rapidité stupéfiantes. Il gagne sur le ring son surnom de Young.

C’est donc Victor Young Perez qui débarque à Paris en 1927. Il dispute son premier combat professionnel à 17 ans et attire rapidement l’attention des chroniqueurs sportifs : «Young Perez est un de nos tout meilleurs poids mouches. Beaucoup voient en lui le futur champion de France. Il fait des ravages dans la catégorie», écrit l’Intransigeant en 1930.

Le championnat du monde est une formalité pour Perez qui abat son adversaire par KO au deuxième round après cinq minutes de combat. «La victoire du jeune Tunisien Young Perez fut, hier soir, éclatante et triomphale», s’enflamme Paris-Soir du 28 octobre 1931. Perez a alors 20 ans. Il reste à ce jour le plus jeune champion du monde de l’histoire des poids mouches.

Sa victoire propulse celui qui n’est encore qu’un gamin au rang de vedette. Dans le Paris des années folles, la boxe attire le gratin, de Jean Cocteau à Joséphine Baker. Riche et célèbre, il flambe son argent, s’offre le dernier modèle chez Peugeot, s’exhibe dans tous les cabarets à la mode, fait des cadeaux sans compter.

Mais il prend du poids, se laisse aller et perd son titre mondial en 1932.

Il est ruiné, abandonné par ses amis. Il doit remonter sur le ring pour survivre et se cantonne à des combats de seconde zone.

Sa carrière emmène Young Perez à Berlin en 1938. Le 11 novembre, lendemain de la Nuit de Cristal où les SS mènent un pogrom contre les juifs, il combat contre l’Autrichien Ernst Weiss. Il perd dans une ambiance d’une hostilité inouïe : le public lui crache dessus, lui lance toutes sortes de projectiles, lui hurle des insultes antisémites. Perez prend le premier avion pour Paris.

Fut-il retourné à Tunis, Victor Young Perez, aurait peut-être échappé à la déportation, mais il ne supportait pas de rentrer chez lui en vaincu.

À Paris, il refuse de porter l’étoile jaune et l’ancien champion du monde des poids mouches est arrêté par la milice française le 21 septembre 1943 et interné à Drancy. Le 10 octobre il est déporté à Auschwitz, au camp de Monowitz. Le directeur du camp est fan de boxe. Il reconnaît l’ex-champion du monde. En échange de combats contre d’autres prisonniers, Perez a droit à un traitement à peine moins pire que les autres : un peu plus de nourriture, un peu plus de repos. Mais ce sont des matchs de gladiateurs sur lesquels parient les officiers nazis. Le vaincu est promis à la mort. Selon certains, Perez aurait disputé à Auschwitz 140 combats pour 139 victoires et un nul. Ce que l’on sait, c’est qu’il fait partie de la poignée de survivants qui ont participé à la marche de la mort qui a suivi l’évacuation du camp par les nazis. C’est là qu’il est abattu le 22 janvier 1945 d’une rafale de mitraillette par un boxeur SS qu’il avait osé vaincre.

Alfred Nakache

Alfred Nakache voit le jour à Constantine, en Algérie, en novembre 1915. Cadet d’une famille juive de onze enfants, c’est pour vaincre une phobie de l’eau qu’il fréquente dans un premier temps les bassins. Sa progression est rapide : à 17 ans, en 1933, il participe à ses premiers championnats de France, puis déménage à Paris pour se consacrer entièrement à la natation. Dès 1935, il remporte la médaille d’or aux championnats de France en 100 mètres nage libre.

Sélectionné en équipe de France de natation, il participe aux Jeux olympiques de Berlin en 1936, dans un contexte particulier pour les athlètes juifs prenant part à ces Jeux nazis. Avec l’équipe du relais 4×200 mètres, il termine quatrième, devant l’Allemagne, cinquième.

Après les Jeux, il décide de se mettre à la brasse et devient ainsi le rival de Jacques Cartonnet, le spécialiste français de la brasse. En juillet 1938, le Constantinois s’adjuge trois titres aux championnats de France : le 200 mètres brasse papillon, le 100 mètres nage libre et le 200 mètres nage libre. Cette passe de trois consacre Nakache, alors au faîte de sa gloire.

Arrivent les années 40 et le régime de Vichy. Le 7 octobre 1940, le maréchal Pétain abroge le décret Crémieux, qui attribuait la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie. Nakache est déchu de sa nationalité. Il doit se réfugier à Toulouse en zone sud non-occupée. Il se rapproche aussi des réseaux de résistance juifs, notamment l’armée juive dont il entraîne les recrues.

Le nageur continue ses exploits, s’adjugeant les records d’Europe des 100 mètres et 200 mètres brasse, et celui du monde du 200 mètres brasse en 1940 et 1941. Aux championnats de France 1942, il cumulera cinq titres de champions de France. En 1943, la Gestapo lui interdit, comme aux autres athlètes juifs, de s’aligner au départ des championnats de France de natation. Beaucoup de nageurs boycottent l’épreuve par solidarité.

Finalement, il est arrêté avec sa femme et sa fille en décembre 1943 et déporté à Auschwitz. C’est son rival Jacques Cartonnet, alors chef du service jeunesse et sports de la milice de Haute-Garonne, qui serait responsable de sa déportation. Sa femme et sa fille sont gazées dès leur arrivée. Nakache sera, lui, de la «marche de la mort» entre Auschwitz et Buchenwald. Des journaux colportent la rumeur de son décès en 1944.

Mais Nakache rentre à Toulouse au printemps 1945, considérablement amaigri. Dans le journal Ce soir du 21 juin 1945 : «Alfred Nakache rentré de

Buchenwald depuis un mois seulement, a déjà effectué sa rentrée. Ses qualités ne semblent pas émoussées et il a nagé dimanche 1’16 » aux 100 mètres brasse, restant ainsi notre meilleur « papillonneur ».» Mais Nakache tempère : «Je me réadapte peu à peu et compte me fixer définitivement à Toulouse. Peut-être y remonterai-je la salle de culture physique que je dirigeais avant ma déportation. Physiquement, je reprends le dessus, mais le moral est touché.»

Celui qu’on appelle désormais le «nageur d’Auschwitz» retrouve finalement sa forme d’avant-guerre : en 1946, il redevient champion de France et participe au record du monde du 3x100m 3 nages. Aux Jeux olympiques de Londres en 1948, il prend part à l’épreuve du 200 mètres brasse papillon et à la compétition de water-polo. Alfred Nakache prendra sa retraite quelques mois après, se consacrant à son métier de professeur de sport.

Le 4 août 1983, il meurt en mer à 67 ans en traversant la baie de Cerbère dans les Pyrénées-Orientales durant le kilomètre de nage qu’il accomplissait quotidiennement.

Simonne Mathieu

Fille d’un banquier de Neuilly-sur-Seine, elle voit le jour en 1908. Elle a commencé le tennis à 12 ans après qu’un médecin, la jugeant trop chétive, a conseillé à ses parents de la mettre au sport. Six ans plus tard en 1926, elle est championne de France juniors.

La joueuse que Match rencontre en 1930 fait parler d’elle, avec une finale à Roland-Garros en 1929, une demie à Wimbledon en 1930 : « parmi les plus braves et les plus ardentes au combat, on distingua bientôt une jeune femme blonde, dont le visage aux yeux allongés, aux traits fins, était terminé par un menton volontaire. Cette jeune femme, c’était Mme Mathieu, qui est actuellement une des toutes premières joueuses du monde.» Elle s’impose comme l’héritière de la grande Suzanne Lenglen.

En 1938, Simonne Mathieu remporte Roland-Garros, enfin, après six finales perdues. Outre le simple, elle s’offre également le double dames et le double mixte.

Sur le court, elle ne brille pas par son style. Infatigable relanceuse, plutôt du genre pilonneuse, notamment grâce à un coup droit surpuissant. Ce jeu de fond de court ne l’empêche pas de briller également sur le gazon londonien, où, entre 1930 et 1937, elle atteint six fois les demi-finales.

Après sa deuxième victoire à Roland-Garros en 1939, elle part pour les États-Unis pour disputer une série de tournois. Le 3 septembre quand la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne, elle s’apprête à jouer à l’US Open. Elle décide de rentrer en Europe. Le patriotisme l’emporte sur l’ambition sportive d’une jeune femme de 31 ans en pleine ascension qui peut sans aucun doute envisager de devenir la meilleure joueuse mondiale. Elle débarque à la première escale du bateau qui la ramène en Europe, en Angleterre. En février 1940, elle s’engage dans l’Auxiliary Territorial Service, branche féminine, non combattante, de l’armée britannique. Le 18 juin 1940 elle entend l’appel de De Gaulle et n’a de cesse de le rejoindre.

Aussi volontaire que sur le court, elle réussit à convaincre De Gaulle de créer la première unité militaire du «Corps féminin des Forces Françaises Libres», qu’elle dirige avec un sang-froid impressionnant, notamment lors du bombardement de la caserne de ses troupes.

Quelques mois plus tard, l’une de ses soldates a une liaison avec le général Petit, chef d’état-major de De Gaulle. Une idylle que les règlements et la capitaine réprouvent. Elle n’hésite pas à entrer en conflit avec Petit qui, sous prétexte de travail, veut garder avec lui sa secrétaire pour la nuit : «Je protestai vigoureusement, a raconté Simonne Mathieu. Le résultat fut qu’il me fit une entourloupette. Il me rappelle pour m’annoncer que le général De Gaulle va venir passer mes filles en revue le lendemain. Je pousse des hurlements : « Elles ne seront pas là ! Elles sont à leur travail ou en manoeuvre, il fallait me prévenir plus tôt. »» En effet, De Gaulle découvre une caserne vide et pique une rage. Le lendemain Simonne Mathieu est remerciée. Petit a gagné.

Le reste de la guerre de Simonne Mathieu est assez mystérieux. Membre du service des renseignements, on la signale à Alger avec De Gaulle en 1943. Le 26 août 1944, elle aurait descendu les Champs-Elysées avec lui. On la retrouve le 17 septembre 1944 à Roland-Garros, en tenue de capitaine des Forces Françaises Libres, pour arbitrer un match organisé pour fêter la Libération.

De 1949 à 1960, Simonne Mathieu dirige l’équipe de France féminine de tennis d’une main de fer.

Elle meurt le 7 janvier 1980, à 72 ans. Un court de Roland-Garros porte son nom depuis 2019.