Niger : poursuite de la détention arbitraire de Moussa Tiangari

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NER 001 / 1224 / OBS 050.1
Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire
Niger
14 janvier 2025

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Niger.

Niger, 14 janvier 2025.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire à l’encontre de M. Moussa Tiangari, journaliste et secrétaire général d’Alternative espaces citoyens (AEC), arbitrairement détenu depuis le 3 décembre 2024. AEC est une organisation nigérienne de défense des droits humains, des droits des personnes migrantes et de promotion des valeurs démocratiques, qui agit notamment par le biais de l’éducation à la citoyenneté. Moussa Tiangari donne également des cours de droits humains à l’école de police du Niger.

Le 3 janvier 2025, à l’issue d’un mois de garde à vue dans les locaux du Service Central de Lutte Contre le Terrorisme et la Criminalité Transfrontalière Organisée (SCLCT/CTO) de Niamey, Moussa Tiangari a été présenté devant le doyen des juges d’instruction du Tribunal de grande instance de Niamey, qui l’a inculpé et placé sous mandat de dépôt à la prison de Filingué, à 180 kilomètres au nord-est de Niamey, où il a été transféré le jour même. Au moment de la publication de cet appel urgent, M. Tiangari était toujours détenu à la prison de Filingué.

Initialement poursuivi pour « apologie du terrorisme » (Article 399.1.17 (bis) du Code pénal nigérien), « atteinte à la sûreté de l’État » (articles 62 et suivant du même Code) et « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » (Article 399.1.19 (nouveau) du même Code), M. Tiangari a été inculpé de ces trois chefs d’accusation ainsi que d’« atteinte à la défense nationale » (articles 66 et suivants du même Code) et de « complot contre l’autorité de l’État en intelligence avec des puissances ennemies » (articles 62 et suivant du même Code), en relation avec sa participation à une conférence organisée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en novembre 2024. S’il est condamné, M. Tiangari encourt la peine de mort.

L’Observatoire rappelle que le 3 décembre 2024, Moussa Tiangari a été enlevé à son domicile à Niamey par trois hommes en civil non identifiés, sans qu’aucun mandat d’arrêt ne lui soit présenté, avant d’être cagoulé et conduit vers une destination inconnue. Son domicile a été fouillé et sa valise, son téléphone et son ordinateur ont été confisqués. Après près de 48h de détention au secret, laissant craindre des actes de torture et de mauvais traitements à son encontre pendant cette période, M. Tiangari a été localisé le 5 décembre 2024 dans les locaux du SCLCT/CTO de Niamey où il a été placé en garde à vue.

Cette arrestation s’est produite alors que M. Tiangari était rentré le jour même d’un voyage à Abuja, au Nigeria, où il s’était rendu pour assister au Conseil d’administration de l’organisation nigériane Centre pour la démocratie et le développement (CDD), dont AEC est partenaire. Auparavant, il s’était rendu à Abidjan, en Côte d’Ivoire, afin d’assister à la septième édition de la conférence internationale « Humanitarium Itinérant », organisée le 28 novembre 2024 par le CICR, à l’occasion de la commémoration des 75 ans des Conventions de Genève, dont l’objectif était de souligner les défis qui se posent à l’action humanitaire et l’importance de faire respecter le droit international humanitaire. Un journaliste proche des autorités nigériennes l’a accusé, dans un article publié le 4 décembre 2024, d’avoir, à cette occasion, tenu des discours portant atteinte aux intérêts du Niger.

Le 28 novembre 2024, l’AEC avait organisé une conférence critique sur la déchéance de nationalité décidée par le régime militaire au pouvoir au Niger, auquel ont pris part le procureur de la République, près du tribunal hors classe de Niamey et d’anciens dignitaires, dont un ancien Ministre de la Justice.

L’Observatoire rappelle également que ce n’est pas la première fois que Moussa Tiangari est arbitrairement détenu et fait l’objet de harcèlement judiciaire en raison de ses activités pacifiques de défense des droits humains. En mai 2015, il a été arbitrairement détenu pendant 10 jours et poursuivi en justice pour « atteinte à la défense nationale » et « propos de nature à démoraliser les troupes » en lien avec des rapports publiés par AEC. Le 25 mars 2018, M. Tiangari a de nouveau été arrêté puis arbitrairement détenu pendant quatre mois et poursuivi en justice pour « organisation et participation à une manifestation interdite », « complicité de violences, d’agression et de destruction de biens » pour son implication dans les manifestations pacifiques organisées contre la loi de finances 2018. En mars 2020, Moussa Tiangari a été, une nouvelle fois, arrêté et arbitrairement détenu pendant un mois et demi en lien avec une manifestation anti-corruption dénonçant des détournements de fonds dans l’achat de matériel militaire.

L’Observatoire rappelle par ailleurs que la journaliste indépendante et blogueuse Samira Sabou avait été enlevée le 30 septembre 2023 dans des conditions similaires et détenue au secret pendant huit jours, avant d’être libérée sur ordre de justice le 11 octobre 2023.

L’Observatoire condamne fermement la poursuite de la détention arbitraire et le harcèlement judiciaire à l’encontre de Moussa Tiangari, qui ne semblent viser qu’à entraver ses activités légitimes de défense des droits humains, et exhorte les autorités militaires au pouvoir au Niger à le libérer immédiatement et de façon inconditionnelle.

L’Observatoire enjoint les autorités militaires au pouvoir au Niger à abandonner toutes les charges qui pèsent contre de Moussa Tiangari, et à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, et à tout acte d’intimidation à son encontre, ainsi qu’à l’encontre de tou·tes les défenseur·es des droits humains dans le pays.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités militaires actuellement au pouvoir au Niger en leur demandant de :

 Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de Moussa Tiangari et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Niger ;

 Libérer immédiatement et sans condition Moussa Tiangari et tou·tes les défenseur·es des droits humains arbitrairement détenu·es au Niger ;

 Abandonner les charges et mettre fin à tout acte de harcèlement - y compris au niveau judiciaire - à l’encontre de Moussa Tiangari, et de tou·tes les défenseur·es des droits humains au Niger, et veiller à ce qu’ils et elles puissent exercer leurs activités sans entraves ni crainte de représailles ;

 Assurer le strict respect des libertés fondamentales et en particulier garantir en toutes circonstances le respect du droit à la liberté d’expression, tel que garanti par le droit international des droits humains, en particulier par l’Article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’Article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples auxquels le Niger est partie.

Adresses :

· Général de Brigade Abdourahamane Tchiani, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Email : communication@presidence.ne ; Twitter : @@PresidenceNiger, @NIGER_CNSP
· M. Alio Daouda, Ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des sceaux du Niger, Email : ministere.justice@justice.gouv.ne, Twitter : @ministere_niger
· Secrétariat de la Commission Nationale des droits humains du Niger, Email : contact@cndh-niger.org, Twitter : @cndhniger
· S.E. M. Alhassane Idé, Ambassadeur, Mission permanente du Niger auprès de l’Union européenne, Email : info@ambaniger-bruxelles.be, ambassadedunigerbelgique@yahoo.be
· S.E. M. Laouali Labo, Représentant permanent du Niger, Mission permanente du Niger auprès des Nations unies à Genève, Email : missionduniger1@gmail.com

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Niger dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 14 janvier 2025

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseur·es des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseur·es des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
· Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
· Tel OMCT : + 41 22 809 49 39

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Detalles de contacto
Hugo GABBERO