Retour de Donald Trump à Washington : le grand test pour l’industrie de défense européenne ? - IRIS

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Alors que l’OTAN s’est vue grandement renforcée par la guerre en Ukraine, le retour de Donald Trump au pouvoir apparaît comme un défi inédit pour la coopération euro-américaine en matière de défense. Celui-ci menace en effet les Européens de ne plus assurer leur sécurité s’ils ne contribuent pas à hauteur de 5 % de leur PIB au secteur militaire, et souhaite renforcer leur dépendance au matériel des États-Unis. Faut-il prendre les menaces états-uniennes au sérieux ? Dans quelle mesure ses réformes économiques impacteront-elles l’industrie de défense européenne ? Un retrait de Washington de l’OTAN est-il à prévoir ? Entretien avec Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a été investi à la Maison-Blanche ce lundi 20 janvier 2025. Alors que le candidat avait annoncé une hausse des droits de douane au cours de sa campagne, dans quelle mesure l’arrivée au pouvoir de Donald Trump risque-t-elle d’impacter l’industrie de défense européenne ?

Il n’y a traditionnellement pas de droits de douane sur les équipements de défense. Le système américain est plus simple. Le Buy American Act permet au gouvernement états-unien de ne choisir que des équipements américains s’il le souhaite. De ce fait, pas plus de 10 % des équipements de défense des États-Unis sont originaires d’un autre pays que les États-Unis. Par ailleurs, pour pouvoir fournir l’armée américaine, il faut que les armements soient fabriqués aux États-Unis.

À l’inverse, et selon nos derniers chiffres, 44 % des équipements des forces armées européennes sont des armements américains. On voit bien toute la difficulté qu’ont les Français à faire adopter le principe d’un Buy European Act par nos partenaires européens. Il n’y a clairement pas de réciprocité à ce niveau.

Alors que les ministres de la Défense des pays de l’OTAN avaient convenu de dédier au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense, quel est l’avenir de la relation euro-atlantique en matière de défense, notamment au sein de l’OTAN ?

Lors des derniers sommets de l’OTAN de Vilnius en 2023 puis de Washington en 2024, l’objectif est passé de « 2 % » à « 2 % minimum ». Aujourd’hui, 23 pays de l’OTAN sur 32 atteignent l’objectif de 2 % du PIB pour la défense alors qu’ils n’étaient que trois en 2014, quand cet objectif a été fixé lors du sommet de l’OTAN au Pays de Galles. Les Européens font clairement plus pour leur défense, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine. Le montant de leurs budgets de défense est passé de 200 milliards d’euros en 2021 à 300 milliards d’euros en 2024. Les dépenses d’investissements, c’est-à-dire les dépenses pour commander des armements ont quant à elles doublé, passant de 50 à 100 milliards d’euros.

Quand Donald Trump dit que les Européens ne font rien pour leur défense, c’est donc faux. Il a certes fallu qu’il y ait la guerre en Ukraine pour qu’il y ait ce sursaut, mais celui-ci existe. Donald Trump voudrait que les Européens dépensent 5 % du PIB pour leur défense. Le budget de la défense de la France atteindrait alors 125 milliards d’euros et le déficit public aujourd’hui de 6 % passerait à 10 %, alors que nous devons rester sous les 3 %. C’est totalement irréaliste. Même si nous n’avions pas la contrainte de la règle des 3 %, un budget de défense à 5 % appauvrirait notre pays, ce serait cela en moins pour la santé, l’éducation, la transition climatique, et pour la réindustrialisation de la France avec des technologies de pointe.

Si nous ne respectons pas la règle des 5 % souhaitée par Donald Trump, celui-ci va-t-il retirer les États-Unis de l’OTAN et laisser les Européens seuls face à la menace russe ?

C’est le message que Trump va essayer de faire passer, mais la réalité est qu’il ne retirera jamais les États-Unis de l’OTAN. Il va aller voir chaque pays un par un et agiter la menace, soit de se retirer de l’OTAN, soit de retirer les troupes américaines du pays qu’il va visiter, soit menacer de retirer la garantie de sécurité américaine. Comme aucun pays de l’OTAN n’est aujourd’hui capable d’atteindre l’objectif des 5 %, il proposera le marché suivant : vous achetez du matériel américain et « je passe l’éponge » sur l’objectif des 5%. Il le fera dans des rencontres bilatérales. C’est ce que la ministre de la défense précédente avait appelé « l’article F-35 » en référence à l’avion de combat américain et non l’article 5 qui est la clause d’assistance de sécurité du traité de l’Atlantique Nord.

Il faut donc que les Européens réagissent ensemble, et non de manière séparée, et qu’ils montrent qu’ils font déjà beaucoup plus pour leur défense alors que les intérêts américains de sécurité, mais aussi commerciaux sont d’ores et déjà en réalité préservés. Il faudra être ferme : ce sera un test de maturité en tant qu’acteur de la scène internationale pour l’Union européenne.

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