Femmes et Intelligence Artificielle : Briser les stéréotypes, façonner l’avenir

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L’intelligence artificielle (IA) est en plein essor et suscite à la fois espoir et inquiétudes. Si les investissements annoncés, notamment par Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen lors du sommet à Paris les 10 et 11 février dernier, visent à renforcer la compétitivité européenne face à la Chine et aux États-Unis, il est essentiel de ne pas ignorer une problématique majeure : la sous-représentation des femmes dans ce domaine, tant en tant que conceptrices qu’en tant qu’utilisatrices influentes.

Un enjeu de parité

Si l’intelligence artificielle est indéniablement porteuse de progrès, elle soulève aujourd’hui des préoccupations majeures, notamment en matière d’égalité de genre. En effet, elle ne se contente pas de refléter ces inégalités, mais elle les génère, les amplifie et les perpétue.

Tout commence dès la formation et l’accès aux métiers technologiques, où la présence des femmes reste marginale. En Europe, elles ne représentent que 26 % des effectifs du secteur, un chiffre pourtant supérieur à la moyenne mondiale, qui plafonne à 22 %, selon le premier baromètre européen de l’IA, réalisé par EY, Fabernovel et Opinion Way, publié lors du Sommet pour l’Action sur l’IA des 10 et 11 février 2025.

Cette sous-représentation a des conséquences directes sur la conception des algorithmes, qui sont influencés par une vision « masculine » du monde. En France, interroger une IA sur une profession sans préciser le genre aboutit à des stéréotypes bien ancrés : un dirigeant est souvent représenté comme un homme, tandis qu’une infirmière sera une femme.

L’écart d’usage de l’IA entre hommes et femmes

Au-delà de la place des femmes dans l’IA, leur usage des outils d’intelligence artificielle semble lui aussi plus limité.

Les femmes utilisent moins l’IA que les hommes. Selon le Forum économique mondial, 59 % des hommes entre 18 et 65 ans utilisent une IA générative au moins une fois par semaine, contre 51 % des femmes. L’écart est encore plus marqué chez les jeunes de 18 à 25 ans : 71 % des hommes contre 59 % des femmes.

Cette fracture inquiète des spécialistes car l’IA, en devenant omniprésente dans la sphère professionnelle, pourrait être conçue de manière à mieux répondre aux attentes des hommes, ces derniers étant ses principaux utilisateurs. Un risque d’exclusion à long terme qui renforcerait encore les inégalités de genre dans le domaine technologique.

L’impact de l’IA sur le marché du travail

L’inégalité se prolonge également dans l’impact de l’IA sur le marché du travail. Selon une étude d’Oxford Economics et Cognizant, d’ici 2032, 90 % des emplois seront affectés par l’intelligence artificielle, soit une multiplication par six du nombre de postes impactés.

Cependant, cette transformation touchera principalement les femmes. D’après un rapport de Goldman Sachs, 80 % des emplois menacés par l’automatisation sont actuellement occupés par des femmes, contre 58 % pour les hommes. Ce déséquilibre met en lumière une vulnérabilité accrue des femmes face aux évolutions technologiques, accentuant ainsi les inégalités existantes sur le marché du travail.

Pourquoi les femmes sont-elles absentes de l’IA ?

Le manque de diversité dans l’IA trouve son origine dans le désintérêt des jeunes filles pour les carrières scientifiques et technologiques. Depuis les années 80, la part des femmes dans ces secteurs diminue malgré des initiatives pour inverser cette tendance. Dans les écoles d’ingénieurs et du numérique, elles représentent en moyenne 20 % des effectifs, et environ 29 % dans les métiers de la data science et de l’IA. ( Source site Monster)

Les stéréotypes sont également ancrés dans le langage technologique : les robots industriels portent des noms masculins comme Syrano ou Barakuda, tandis que les assistants vocaux (Siri, Alexa, Cortana) sont majoritairement féminins, reflétant des rôles genrés profondément enracinés.

Elyès Jouini, professeur de mathématiques à l’université Paris-Dauphine, directeur de la chaire Unesco Femmes et science, revient sur les grands écarts observés, selon les pays, dans l’orientation des femmes et des hommes vers les sciences.

D’après lui, il y a un véritable paradoxe :  c’est dans les pays les plus développés et égalitaires que la proportion de femmes s’orientant vers les sciences est la plus faible. Dans les nations championnes de l’égalité, comme les pays nordiques, où les femmes occupent de nombreux postes de direction et sont bien représentées en politique, la discrimination prend une nouvelle forme. Si les barrières traditionnelles, telles que le plafond de verre, ont reculé, les stéréotypes restent ancrés et influencent les choix professionnels. En effet, ces sociétés véhiculent encore l’idée que certains métiers seraient plus adaptés aux hommes et d’autres aux femmes. Ce biais contribue à maintenir des secteurs stratégiques et bien rémunérés, comme les sciences, majoritairement masculins, limitant ainsi l’accès des femmes à ces opportunités.

Dans les pays développés, ces prétendues différences biologiques entre filles et garçons sont souvent perçues comme des vérités immuables. Dès leur plus jeune âge, les enfants les intègrent inconsciemment. Les recherches montrent que les jeunes filles sont fréquemment dissuadées de s’investir dans des disciplines jugées masculines, ce qui influence fortement leurs choix d’orientation. Cet impact est visible même dans des pays comme la Norvège ou l’Islande, où les filles affichent pourtant des compétences en mathématiques comparables à celles des garçons au lycée.

L’organisation du parcours scolaire joue un rôle clé dans la reproduction des inégalités : surtout lorsque les choix d’orientation et les spécialisations interviennent tôt. A des âges où l’appartenance au groupe et l’influence des normes sociales sont déterminantes, les élèves font souvent leurs choix en fonction des attentes et représentations de leur environnement. C’est dans ce contexte que les stéréotypes se renforcent.

Vers une plus grande inclusion des femmes dans l’IA : pistes de réflexion

  1. Créer un environnement inclusif : Lutter contre le sexisme ambiant dans les écoles d’ingénieurs et les micro-agressions subies par les étudiantes, qui freinent ainsi leur engagement dans les filières scientifiques.
  2. Renforcer l’éducation et l’orientation : Introduire l’intelligence artificielle dès le plus jeune âge dans les programmes scolaires afin de familiariser les filles avec ce domaine et de déconstruire les stéréotypes qui freinent leur accès aux métiers scientifiques et technologiques.
  3. Accroître la visibilité des expertes : Les femmes spécialistes en IA doivent être davantage mises en avant par les médias, qui non seulement sur les questions de genre, mais aussi sur les sujets de fond liés à l’IA. Actuellement, les débats et analyses sont principalement confiés aux hommes, tandis que les femmes sont sollicitées uniquement pour parler de leur place dans ce domaine. Les médias ont un rôle clé à jouer pour briser cette invisibilisation.
  4. Sensibiliser les utilisateurs : La lutte contre les biais ne doit pas se limiter aux concepteurs d’algorithmes. Les utilisateurs ont également un rôle à jouer : tant que les stéréotypes véhiculés par l’IA ne choquent pas, ils continueront à se perpétuer. Une prise de conscience collective est donc nécessaire.

L’avenir de l’IA ne peut être envisagé sans une participation plus équitable des femmes. Il est essentiel d’agir dès aujourd’hui pour intégrer plus de diversité dans la conception des technologies, afin qu’elles répondent aux besoins de l’ensemble de la population et non à une vision biaisée du monde.

Les entreprises pour la Cité – N. Ducongé

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