Philanthropie : la confiance au cœur d’un nouveau modèle

Compatibilidad
Ahorrar(0)
Compartir

Face aux critiques croissantes de la philanthropie traditionnelle, accusée de perpétuer des relations de pouvoir déséquilibrées entre donateurs et bénéficiaires, un nouveau modèle émerge : la philanthropie fondée sur la confiance (Trust-Based Philanthropy – TBP). En privilégiant des relations plus horizontales, cette approche révolutionne les pratiques du secteur et gagne du terrain, notamment depuis la crise du Covid-19.

Historiquement : un modèle fondé sur le contrôle et la mesure

Depuis le XIXe siècle, les grandes figures de la philanthropie, de Rockefeller à Bill Gates, ont imposé une vision, inspirée du monde de l’entreprise où le donateur garde le contrôle des ressources qu’il distribue, où les financements étaient assortis de conditions strictes, laissant peu de marge de manœuvre aux bénéficiaires.

Si cette professionnalisation a permis une certaine efficacité, elle a aussi renforcé l’influence des philanthropes sur les bénéficiaires, au détriment de leur autonomie.

Les critiques se sont multipliées, dénonçant un secteur marqué par une forte asymétrie de pouvoir et une faible prise en compte des besoins réels des organisations soutenues.

Une alternative : la philanthropie fondée sur la confiance

Face à ces limites, un nouveau courant émerge : la Trust-Based Philanthropy. ( TBP) Cette approche repose sur une relation plus équilibrée entre financeurs et bénéficiaires avec un principe simple : accorder aux organisations bénéficiaires une plus grande autonomie sur l’utilisation des fonds. Plutôt que d’imposer des critères stricts et des procédures administratives lourdes, la TBP prône un financement pluriannuel, une réduction des contraintes administratives et une reconnaissance accrue de l’expertise des acteurs de terrain.

L’objectif ? Permettre aux associations et aux ONG de se concentrer sur leur mission.

Ce modèle s’appuie sur une l’idée que la confiance est aussi importante que l’argent lui-même. Inspirée des travaux du sociologue Marcel Mauss, cette vision remet en question l’asymétrie traditionnelle du pouvoir en philanthropie, où les donateurs imposent leurs conditions aux bénéficiaires. Dans cette nouvelle dynamique, ces derniers deviennent de véritables partenaires. La TBP vise à redonner du pouvoir aux organisations financées en leur offrant plus de flexibilité et d’autonomie.

L’exemple emblématique de cette tendance est celui de MacKenzie Scott, qui a distribué plus de 17 milliards de dollars à 2 300 organisations sans imposer d’exigences sur l’utilisation des fonds. Un geste qui illustre parfaitement la philosophie du yield giving : donner sans contrôler.

La crise du Covid-19 a joué un rôle clé dans cette transformation. Face à l’urgence, des financements ont été débloqués plus rapidement, avec des exigences administratives allégées. Cette flexibilité a démontré qu’un modèle plus collaboratif pouvait être efficace. Certaines fondations ont même décidé de pérenniser ces nouvelles pratiques, conscientes qu’une relation de confiance favorise une plus grande efficacité dans l’action sociale et humanitaire.

Un modèle qui divise encore

Les défenseurs de la philanthropie fondée sur la confiance (TBP) prônent ainsi une relation basée sur la transparence, l’engagement à long terme et un dialogue ouvert entre financeurs et bénéficiaires Certains pointent les limites d’un modèle qui pourrait fragiliser l’efficacité des financements.  C’est le cas de Simon Sommer, PDG de la Fondation Jacobs, qui dénonce une approche trop naïve qui pourrait s’avérer inefficace, voire risquée. Sans mécanismes de contrôle solides, comment s’assurer que les fonds sont bien utilisés ?

D’autres soulignent que la philanthropie de confiance pourrait paradoxalement renforcer certaines inégalités, en favorisant des bénéficiaires déjà bien intégrés dans les réseaux philanthropiques. La question n’est plus seulement de savoir comment distribuer l’argent, mais aussi comment instaurer une relation plus juste et plus équitable entre ceux qui financent et ceux qui agissent sur le terrain.

Malgré ces interrogations, une chose est sûre : la philanthropie est en pleine mutation. Loin d’être un simple effet de mode, la confiance pourrait bien devenir le socle d’un nouvel équilibre entre financeurs et bénéficiaires, remettant en question des décennies de pratiques établies. Reste à voir si ce modèle s’ancrera durablement dans le paysage philanthropique mondial. La confiance peut-elle réellement redéfinir la philanthropie ? La réponse dépendra de la capacité du secteur philanthropique à conjuguer confiance et efficacité sur le long terme. Une chose est sûre : l’avenir de la philanthropie se jouera sur l’équilibre entre contrôle et autonomie.

Les entreprises pour la Cité

Source :  La philanthropie fondée sur la confiance : nouveau mot à la mode ou changement de paradigme ? par Marie-Stéphane Maradeix ; Arthur Gautier ; Anne-Claire Pache

Témoignage de Diane EMDIN - Directrice des programmes Create Joy, Fondation Canal+

Create Joy : Programme dont l’objectif est de permettre à chacun, en particulier les jeunes qui s’en sentent éloignés, d’accéder à la pratique culturelle pour s’épanouir, se découvrir, prendre confiance en soi et ressentir la joie de la création artistique.

Quelles sont les attentes réciproques des entreprises et des associations lorsqu’elles nouent un partenariat et quels sont les éléments clés d’une relation de confiance ?

Diane EMDIN – « Au tout début d’une relation de confiance, il y a l’écoute. Il s’agit de prendre le temps de connaître le partenaire, ses valeurs, ses engagements, ses méthodes d’action, sa capacité d’innovation sociale, ses projets, ses difficultés, ses réussites, ses équipes…

Pour ma part, je veux être curieuse, ouverte, bienveillante et capable de me requestionner sur mes propres modèles et préjugés.

De son côté, le partenaire associatif se doit d’être sincère et transparent, et à l’écoute des impératifs réglementaires de l’entreprise.

L’objectif commun d’un partenariat reste la réussite des objectifs fixés en amont ». 

Quels sont les principaux obstacles qui peuvent fragiliser la confiance entre une entreprise et une association ?

Diane EMDIN : « Quand l’entreprise regarde son partenaire associatif uniquement comme une source d’indicateurs, de mesures et de chiffres pour ses rapports, ou comme un panneau publicitaire, la relation de confiance est abîmée. De même, si l’association ne considère son mécène que comme un chéquier, la relation ne peut être durable.

La relation de confiance prend du temps à se bâtir. Et il s’agit avant tout de personnes impliquées dans cette relation de confiance. Un changement d’équipe peut s’avérer parfois un obstacle. »

Quelles bonnes pratiques recommanderiez-vous pour assurer une collaboration efficace ?

Diane EMDIN : « Je prône la co-construction. Cela permet de mobiliser et d’engager toutes les parties prenantes, dans un processus d’intelligence collective et d’écoute. Cette démarche prend plus de temps, mais vous connaissez l’adage : Tout seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin !

Je propose que nos conventions de 3 ans puissent être évolutives, selon l’avancée des projets, de la structure, des opportunités. Je soutiens que l’entreprise doit être à la disposition des partenaires associatifs, prendre le risque de leur faire confiance dans la manière d’apporter des solutions aux problèmes de société. L’entreprise elle, s’implique dans le suivi du projet, acquière une connaissance fine des sujets, met à disposition les compétences de ses collaborateurs. C’est un dialogue constant entre partenaires qui restent flexibles et prêts à faire face ensemble à toute difficulté, ou montée en puissance du projet. »

Pour aller plus loin :

La confiance est-elle devenue un facteur clé de succès dans le monde du travail et du mécénat ? Dans un contexte où les attentes des collaborateurs évoluent et où les relations entre entreprises et associations nécessitent plus de transparence et de coopération, l’association Les entreprises pour la Cité propose un cycle de conférences inédit. Objectif : explorer comment la confiance peut transformer les dynamiques internes des entreprises et les partenariats philanthropiques.

27 mars – Masterclass : La confiance en philanthropie avec la Chaire Philanthropie de l’ESSEC
3 avril –
La confiance entre entreprise et collaborateurs : comment la cultiver pour impulser un changement durable ? avec Great Place To Work France

 Informations pratiques :

📅 Événements 100 % en ligne – Inscription gratuite
 27 mars & 3 avril 2025

Inscrivez-vous ici : 27 mars

Inscrivez-vous ici : 3 avril

Detalles de contacto
nathalie_duconge