C’est signé. Après deux ans de négociations, CFDT, CGT et SNJ signaient jeudi 13 mars 2025 avec le Spiil la première grille de classification et de barèmes minima de salaires, qui rentreront en application au 1er septembre 2025.
Syndicat patronal historiquement de la presse en ligne, aujourd’hui ouvert au print, le Spiil se définit aujourd’hui plutôt comme celui de la presse indépendante, en terme éditeurs adhérents du Spiil, et pas à toutes les entreprises de ce champ. En effet, la presse indépendante n’est pas une branche, au sens où l’entend la Direction générale du travail, ce qui empêche son extension.
Malgré tout, l’existence de ce texte est un pas en avant : il pose les premiers jalons d’un cadre social, en définissant des fonctions, des modèles de progression de carrière, des minima salariaux à chacune de ces étapes. Définir ce que recouvrent les tâches attachées à chaque fonction est important pour que chacun ne puisse pas se voir demander tout et n’importe quoi, que les responsabilités soient établies, et les expertises reconnues.
LA RÉALITÉ DES MÉDIAS NAISSANTS
Disons-le tout de suite, et c’est notre grand bémol : les minima des permanents sont très bas. L’entrée de grille est à 1821€ brut pour les journalistes stagiaires (au sens de la carte de presse), 1877€ brut pour les autres, quand le SMIC est à 1801,80€ brut. Guère réjouissant pour des personnes qui ont en général au moins cinq ans d’études, et sont passées dans le chas de l’aiguille de multiples sélections. Mais c’est tout de même légèrement mieux que certaines branches pourtant beaucoup plus anciennes (PQD, PQR, presse mag, presse spécialisée). Le haut de la grille est également très bas, culminant à 2252€ brut (avec une exception pour les entreprises de plus de 10 ETP de journalistes, où un échelon supplémentaire existe, uniquement pour le directeur ou la directrice de la rédaction, à 2440€ brut).
Rappelons-le, ces niveaux de salaire ne sont que des minima et ne reflètent pas la réalité dans de nombreuses entreprises qui, fort heureusement, payent mieux. Mais nous n’avons pas réussi à les faire monter en raison de la fragilité économique d’une partie importante des entreprises adhérentes du Spiil, souvent récemment créées, et de petite taille, n’ayant pas les reins aussi solides que des Mediapart ou Contexte. Nous avons fait le choix d’accepter là ce qui est bien en-deçà des compétences demandées, pour tenir compte de cette réalité et soutenir un secteur particulièrement important pour le pluralisme médiatique dans notre pays. Mais nous appelons la presse indépendante à ne pas s’exonérer d’objectifs ambitieux concernant les carrières de leurs équipes.
UNE PROGRESSION HIÉRARCHIQUE MOINS INCONTOURNABLE
Nous l’avons aussi accepté car cet accord comprend par ailleurs des aspects intéressants. Devenir chef ou cheffe n’est pas la seule voie de progression salariale. À la différence des grilles d’autres secteurs, comportant de multiples échelons, qui auraient été inadaptés à la structuration des petites entreprises du Spiil, ici sont situés sur un même échelon des rédacteur/rédactrices expert.es, datajournalistes expert.es, grands reporters, chef.fes de service ou rédacteurs/rédactrices en chef (détails en annexe). Ceci doit contribuer à éviter les effets pervers de la présence à des fonctions managériales de personnes qui n’en ont pas la fibre, mais aussi à reconnaître l’expertise. Enfin, plus anecdotique mais signe important, cette grille est la première à utiliser l’écriture inclusive, et nous souhaitons que cela contribue à la reconnaissance de la place bien réelle des femmes dans ces médias.
LES TARIFS DE PIGES RIDICULES ENFIN ILLEGAUX
Côté pigistes, et c’est ce qui nous a particulièrement motivés, cette grille vient enfin rendre illégaux les tarifs très bas, très courants dans ce secteur. Désormais les adhérents du Spiil devront rémunérer au minimum 55€ bruts le feuillet (57€ bruts au 1er avril 2027). Nous regrettons de n’avoir pas réussi à voir aboutir la négociation sur les minima dans les formats audiovisuels, mais ils seront remis sur la table d’ici fin 2025.
Nous saluons en revanche le rappel d’éléments légaux trop souvent non appliqués : la rémunération est obligatoirement en salaire ; elle s’annonce en brut, hors 13ᵉ mois, congés payés, et éventuelle prime d’ancienneté, éléments devant être mentionnés sur des lignes distinctes sur le bulletin de salaire ; toute commande de piges, publiée/diffusée ou non, doit être rémunérée conformément à la commande, à la fin du mois de livraison de la pige ; le CDD d’usage n’est pas possible pour les journalistes. Nous invitons tous les pigistes à s’appuyer sur ce texte de référence pour faire valoir leurs droits.
Nous invitons tous les journalistes travaillant dans ce secteur à veiller à sa bonne application à compter du 1er septembre 2025, et à nous remonter les points d’amélioration qu’ils recenseront, en vue que nous en tenions compte lors des prochaines négociations.
Nous souhaitons également entamer le chantier des grilles des non-journalistes salariés des éditeurs du Spiil, selon la philosophie CFDT d’une interdépendance des salariés au sein du collectif de travail.
Lire l’intégralité de l’accord et les grilles de classification et de salaires : https://cfdt-journalistes.fr/les-baremes-des-salaires/
Communiqué commun SPIIL, SNJ, SNJ-CGT, F3C-CFDT
14 mars 2025
Tours, le 14 mars 2025
À l’occasion des Assises internationales du journalisme de Tours et après deux années de négociations, le Syndicat de la presse indépendante (Spiil), le SNJ, le SNJ-CGT et la F3C-CFDT viennent de signer la première grille de classification et les barèmes minima de rémunération applicable aux adhérents du Spiil.
Quinze ans après la naissance du Spiil et neuf ans après que ce syndicat d’éditeurs a signé la convention collective des journalistes, la grille de classification et de barèmes minima représente une étape essentielle de la poursuite du dialogue social.
Les membres du Spiil appliqueront maintenant un cadre d’emploi comprenant une évolution majeure pour les journalistes permanents qu’ils salarient : une progression de carrière pour laquelle les fonctions hiérarchiques ne seront plus un passage obligé. Ainsi, il est possible d’atteindre les derniers échelons de la grille du fait de l’expertise et l’approfondissement des compétences.
Le secteur se dote, par cet accord, d’un barème minimum pour la pige à 55 euros bruts le feuillet, qui passera à 57 euros bruts au 1er avril 2027.
L’accord sera applicable à compter du 1er septembre 2025.
Laurent Mauriac, co-président du Spiil : « Je voudrais souligner la grande qualité du dialogue social avec les représentants de salariés. Cet accord prend véritablement en compte les médias naissants et les petites entreprises, nombreux parmi les adhérents du syndicat. Nous allons maintenant les accompagner dans l’application de cet accord. »
Pablo Aiquel, le secrétaire général du SNJ-CGT : « Il s’agit d’une première marche, d’un socle social, qui va nous permettre de construire les prochaines étapes, notamment en ce qui concerne les piges numériques, audio, vidéo, photos, podcasts. C’est grâce à un dialogue constructif que nous avons pu construire ensemble cette première étape. »
Antoine Chuzeville, secrétaire général du SNJ : « La création de cette grille permet de fixer un cadre pour de nombreuses entreprises de presse, souvent très petites, qui emploient près de 3 000 journalistes. C’est une base indispensable pour le dialogue social dans ce secteur, avec des clauses de revoyure qui doivent permettre d’améliorer cette grille dans les prochaines années. »
Élise Descamps, secrétaire générale CFDT-Journalistes : « Dans le contexte actuel où le pluralisme des médias doit plus que jamais être défendu, accompagner la structuration d’un secteur où il s’en crée beaucoup est une satisfaction pour la CFDT. Cet accord n’est qu’une première étape, mais pour de très nombreux pigistes qui étaient payés bien en deçà, c’est une avancée forte : ils ont désormais un texte opposable à faire valoir pour défendre leurs rémunérations. Saluons aussi la première utilisation de l’écriture inclusive dans un accord de ce type. »