Loin de l'enthousiasme de certains commentateurs, j'ai tenu sur France Infos Tv à remettre un peu de contexte.
1. Un beau symbole. Le chef d'état au milieu de ses armées. Cela fait toujours du bien au moral. C'est nécessaire pour incarner le rôle de chef des armées. Cela fait surtout une belle photo et un beau coup de com' pour Emmanuel Macron. Mais ce n'est pas la première fois. Le président apparait régulièrement entouré de troupes, pour les voeux aux forces armées notamment. E. Macron aime bien ces images. Cela lui permet d'apparaitre viril et irremplaçable (le Premier ministre n'a pas ce rôle).
2. En fait d'annonce en revanche c'est pauvre. Le retour du nucléaire à Luxeuil avec deux escadrons ? L'annonce avait déjà été faite par Cédric Perrin, le sénateur du territoire de Belfort, président de la commission des forces armées... en juin 2024. Sur la foi d'une lettre officielle de Sébastien Lecornu. Et Florence Parly ... en juin 2019 sur cette même base de Luxeuil annonçait déjà l'arrivée d'au moins un escadron de Rafale pour 2032 !
4. Ce qui se passe à Berlin est autrement plus conséquent en changements et évolutions. Le futur chancelier Friedrich Merz a fait passer son "bazooka" de réformes va pouvoir investir à la fois dans la défense et les infrastructures simultanément, jusqu'à 100 milliards de plus par an. En gros pour la défense, il va doubler le budget. Il dit adieu à la protection totale de l'OTAN et prône une "nouvelle communauté européenne de défense" (alias CED un nom lourd en symbole historique) rassemblant UE, UK et Norvège.
5. L'Allemagne retrouve un rôle central en matière de défense Il vient sur le terrain d'E. Macron, partageant en partie ses idées. Avec trois différences fondamentales. 1. C'est un pays profondément otanien (jusqu'au bout des ongles et de l'histoire), la moindre évolution allemande sur ce plan est une petite révolution tectonique pour la plupart des Européens. 2. L'Allemagne a les moyens. Quand ils disent investir, ils peuvent le faire. Idem pour le soutien à l'Ukraine. 3. Le chancelier a une majorité au Bundestag pour son plan (avec le SPD et un soutien implicite des Verts).
6. Pendant ce temps, Trump et Poutine tentent de s'entendre sur le dos des Européens. En imposant un nouvel ordre de sécurité en Europe. C'est là où le monde se fait. Et où les Européens (Français compris) sont malheureusement absents. Quel que soit le résultat de cette rencontre, nous devrons appliquer de gré ou de force ce qui aura été décidé par les deux grands (levée des sanctions ? limitation du rôle de l'OTAN en Ukraine ? une force d'observation qui ne sera pas européenne ?).
7. D'où l'importance de dire Oui à l'idée de nouvelle CED de Berlin. Alias l'Union européenne de défense que défendait Jean-Claude Juncker. Idée reprise par Ursula von der Leyen. Alias le pilier européen de l'OTAN (idée française). Peu importe la terminologie. Il faut "délivrer" comme on dit. Tout de suite.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Nicolas Gros-Verheyde
Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).