Inégalités salariales et violences économiques : un cercle vicieux à briser

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Les violences économiques restent une réalité méconnue mais omniprésente, qui prive de nombreuses femmes de leur autonomie financière et renforce leur vulnérabilité. Les inégalités salariales constituent un premier facteur explicatif de ces violences qui mérite une attention particulière en ce mois de mars consacré chez LepC à l’égalité professionnelle femmes hommes.

Les inégalités salariales : un fossé qui persiste

Les femmes continuent de faire face à d’importants obstacles en matière de rémunération, en particulier parmi les cadres. Une réalité confirmée par les derniers chiffres de l’Insee, publiés le 4 mars 2025. Selon cette étude, dans le secteur privé, les femmes gagnent en moyenne 22,2 % de moins que les hommes. L’écart se creuse tout au long de leur carrière, souvent sans qu’elles en prennent conscience avant plusieurs années. La différence de salaire en faveur des hommes n’est que de 4,3% chez les moins de 25 ans à volume de travail égal et croît ensuite régulièrement pour atteindre un quart (24,9%), pour les 60 ans et plus.

L’écart en faveur des hommes est plus fort chez les cadres (15% en salaire pour les temps plein), que chez les professions intermédiaires (11,6%) ou les ouvriers (12,9%), alors que chez les employés, il n’est que de 3,6%.

L’Insee souligne également le lien entre parentalité et inégalités salariales. Une femme sans enfant gagne 13,8 % de moins qu’un homme, mais cet écart atteint 40,9 % pour celles ayant trois enfants ou plus. Les interruptions de carrière restent majoritairement féminines, malgré les dispositifs visant à mieux répartir les congés parentaux.

Si cet écart s’est réduit d’un tiers depuis 1995 grâce aux progrès législatifs et à une sensibilisation accrue, la dynamique reste lente. Depuis 2019, la diminution ne dépasse pas un point de pourcentage par an.

L’étude de l’Insee met en lumière plusieurs causes expliquant ces inégalités persistantes. D’abord, le volume de travail des femmes est inférieur de 9,3 % à celui des hommes, en raison d’un recours plus fréquent au temps partiel. Mais même à durée de travail égale, l’écart salarial reste de 14,2 %. Lorsqu’on compare les rémunérations pour un même poste au sein d’une même entreprise, il subsiste une différence de 3,8 %.

Un facteur déterminant est la répartition genrée des métiers. Certains secteurs à forte prédominance féminine affichent des salaires nettement inférieurs à ceux à dominante masculine. Ainsi, les secrétaires, composés à 95,3 % de femmes, perçoivent en moyenne 2 044 euros nets par mois, tandis que les ingénieurs et cadres en informatique, majoritairement masculins (74,3 %), gagnent près de 3 985 euros.

Parmi les 1 % des emplois les mieux payés, seules 24 % sont occupées par des femmes. Une sous-représentation qui reflète des difficultés persistantes à atteindre les plus hauts niveaux de responsabilité.

Une progression professionnelle plus lente, des opportunités de promotion moindres et l’impact de la materné se traduisent directement sur la fiche de paie.

Ces inégalités salariales sont lourdes de conséquences car elles ouvrent la porte pour certaines femmes aux violences économiques.

Les violences économiques, conséquence directe des inégalités salariales ?

Malgré des décennies de lutte pour l’égalité, l’écart de revenus entre hommes et femmes impacte directement l’autonomie financière des femmes. Cette précarité économique est souvent exploitée dans le cadre du couple, renforçant ainsi des dynamiques de domination.

Une étude récente de ViveS Média en partenariat avec ViaVoice, publiée en mars 2025, met en lumière la persistance de ces inégalités. Selon cette enquête, 65 % des hommes déclarent gagner plus que leur conjointe, une tendance confirmée par 60 % des femmes interrogées. Cette disparité a des conséquences concrètes sur leur capacité à investir et à gérer leur patrimoine. Dans la sphère conjugale, si 53 % des couples gèrent leurs placements ensemble, 38 % des hommes en ont seuls la charge, contre seulement 22 % des femmes.

Les différences se manifestent très tôt : entre 10 et 15 ans, les filles reçoivent en moyenne 6 euros de moins d’argent de poche par mois que les garçons (38€ contre 44€).

Plus tard, les rôles financiers au sein des foyers sont aussi marqués par ces inégalités : les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de gérer les dépenses quotidiennes (18 % contre 9 %), tandis que les placements financiers et les achats immobiliers restent majoritairement aux mains des hommes.

Une dépendance économique exploitée

Les inégalités salariales peuvent conduire à une dépendance économique, parfois exploitée par le partenaire. Cette situation se manifeste de plusieurs manières :

  • Un contrôle total des finances du foyer, où le conjoint impose seul les dépenses et limite l’accès de sa partenaire à l’argent.
  • Des femmes aux revenus modestes qui se voient refuser un accès direct aux comptes communs ou contraintes de justifier chacune de leurs dépenses.
  • L’impossibilité d’épargner, entravant toute projection vers l’avenir et rendant difficile une éventuelle séparation.

Les conséquences de ces inégalités sont particulièrement dramatiques pour les femmes victimes de violences économiques ou conjugales. Quitter un partenaire violent nécessite des ressources financières : pouvoir assumer un loyer, couvrir les besoins des enfants, ou encore payer des frais juridiques. Or, un revenu plus faible et l’absence d’épargne rendent cette émancipation très difficile.

Un cercle vicieux dans la sphère professionnelle

Cette dépendance financière a aussi des répercussions sur la vie professionnelle. Une femme qui dépend économiquement de son conjoint a moins de marge de manœuvre pour négocier son salaire, demander une promotion ou changer d’emploi. Un partenaire exerçant un contrôle financier peut aller jusqu’à l’empêcher de suivre une formation ou d’accéder à un poste mieux rémunéré.

Certaines femmes sont même dissuadées de travailler, leur revenu étant jugé “négligeable” par rapport à celui de leur conjoint. Se retrouvant sans revenus propres, elles deviennent encore plus vulnérables aux violences économiques.

Des répercussions jusqu’à la retraite

Les inégalités salariales ont des conséquences à long terme, notamment sur les pensions de retraite. Une femme qui a gagné moins toute sa vie, qui a interrompu sa carrière pour élever ses enfants ou qui a travaillé à temps partiel, percevra une retraite plus faible qu’un homme. Cette précarité financière à l’âge avancé est une autre forme de violence économique : après une vie de travail, certaines femmes se retrouvent avec des revenus insuffisants pour vivre dignement.

Briser le cycle des inégalités salariales

Les inégalités salariales ne sont pas une fatalité, mais leur persistance alimente un système de dépendance financière des femmes et donc dans certains cas de violences économiques. Pour briser ce cycle,
plusieurs leviers d’action peuvent être envisagés : 

 Renforcer l’égalité salariale : Des sanctions plus strictes pour les entreprises qui ne respectent pas l’égalité de rémunération sont nécessaires.

Faciliter l’accès à l’emploi et à l’entrepreneuriat : Encourager les femmes à intégrer des secteurs mieux rémunérés et à créer leur propre activité peut être une solution pour renforcer leur autonomie financière. 

Lutter contre la dépendance économique au sein des couples : Sensibiliser sur l’importance de comptes séparés et d’une gestion financière équilibrée dans le couple permettrait d’éviter certaines formes de contrôle financier. 

Eduquer dès le plus jeune âge : les études pointent du doigt le manque d’éducation financière dès l’enfance. L’école, mais aussi les institutions financières et les entreprises, ont un rôle central à jouer pour démocratiser l’accès aux connaissances et favoriser une meilleure autonomie financière, indépendamment du genre.

La dépendance financière n’est pas seulement une conséquence des inégalités salariales : elle en est aussi l’un des rouages essentiels. Tant que les femmes gagneront moins que les hommes et auront moins d’opportunités de construire leur autonomie financière, elles resteront plus vulnérables aux violences économiques. Lutter pour une réelle égalité des salaires, c’est aussi lutter pour la liberté et la sécurité de toutes les femmes.

Sources

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