La nouvelle équipe-projet MADMAX défie les limites des microprocesseurs

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Publié le 11/09/2025

Alors que les lois historiques qui ont soutenu l’évolution de l’informatique ces 50 dernières années atteignent leurs limites, l’innovation sur la microarchitecture s’avère cruciale. Dans ce but, à Grenoble, Inria, le CNRS, l’Université Grenoble Alpes et Grenoble INP – UGA ont créé une équipe-projet commune baptisée MADMAX, au sein du laboratoire Techniques de l’informatique et de la microélectronique pour l’architecture des systèmes intégrés (TIMA). L’ambition ? Inventer les processeurs de demain, plus performants et plus économes en énergie.

Image de Damian de Pixabay

La microarchitecture des processeurs généralistes : une expertise française à préserver

« La création d’une équipe-projet commune entre notre équipe SLS (System Level Synthesis) et Inria nous apporte une visibilité nouvelle et nous permet de bénéficier des ressources d’ingénierie d’Inria », se réjouit Giorgio Di Natale, directeur du laboratoire TIMA (CNRS, Grenoble INP – UGA, Université Grenoble Alpes). Frédéric Desprez, directeur de centre Inria, précise les enjeux qui concourent à la création d’une équipe de recherche comme MADMAX : « Il est capital de développer des compétences nationales sur l’architecture des CPU généralistes, ces processeurs qui font tourner nos ordinateurs personnels et tous les serveurs informatiques. Dans ce domaine, la France compte actuellement peu d’acteurs. »

En effet, si des équipes Inria comme CASH et EMERAUDE à Lyon ou TARAN à Rennes œuvrent sur des thématiques connexes, une seule autre équipe travaille sur le sujet : l’équipe PACAP (Rennes), à laquelle appartient André Seznec, éminent chercheur Inria en microarchitecture. « Il est impensable de perdre cette expertise à l’approche du départ en retraite d’André Seznec. Dans ce domaine, l’Europe ne peut pas dépendre exclusivement des fournisseurs de processeurs américains ou asiatiques. », confirme Frédéric Pétrot, professeur à Grenoble INP – UGA et responsable de la nouvelle équipe MADMAX, créée le 1er août 2025 et rattachée au Centre Inria de l’Université Grenoble Alpes.

Le nécessaire pas de côté pour innover dans ce domaine

« L’avenir de l’informatique ne dépend plus seulement des progrès des technologies, poursuit Frédéric Pétrot. Comme l’ont affirmé John Hennessy et David Patterson, deux lauréats du prix Turing, l’équivalent du prix Nobel en informatique, nous entrons dans l’âge d’or de l’architecture des processeurs. Puisque la technologie n’évolue plus aussi vite, il convient d’inventer d’autres manières d’exploiter les circuits existants. » C’est précisément l’ambition de la nouvelle équipe qui entend innover sur la microarchitecture, à l’interface entre la couche matérielle et la couche logicielle des processeurs

Pour relever ce défi, l’équipe MADMAX va s’appuyer sur l’ensemble de ses membres, à savoir huit scientifiques permanents, mais également une douzaine de (post-)doctorants et doctorantes :

Photo de l'équipe élargie © Inria – Benoît Fourrier, juin 2025

Les membres permanents de l’équipe : 

  • Liliana ANDRADE, enseignante-chercheuse Grenoble INP – UGA
  • Julie DUMAS, enseignante-chercheuse Grenoble INP – UGA
  • César FUGUET, chercheur Inria
  • Olivier MULLER, enseignant-chercheur Grenoble INP – UGA
  • Arthur PERAIS, chercheur CNRS
  • Frédéric PETROT, enseignant-chercheur Grenoble INP – UGA, responsable de l’équipe
  • Laurence PIERRE, enseignante-chercheuse UGA
  • Frédéric ROUSSEAU, enseignant-chercheur Grenoble INP – UGA

Trois lois informatiques qui atteignent leurs limites

Comment l’équipe compte-t-elle opérer ? Le nom choisi, MADMAX, pour Moore, Amdahl, Dennard to their MAXimum, résume leur projet : tirer le meilleur parti des contraintes des trois lois qui définissent l’informatique moderne, en l’occurrence les lois de Moore, d’Amdahl et de Dennard. 

Depuis les années 1970, l’informatique s’est développée au rythme de la loi de Moore, qui a prédit le doublement du nombre de transistors dans les microprocesseurs tous les 18 mois. « Mais à force de miniaturisation, la taille des circuits se rapproche de l’échelle de l’atome, annonçant la fin proche de la loi de Moore. », note Frédéric Pétrot.

Formulée en 1974, la loi de Dennard, quant à elle, stipulait qu’à mesure que la taille des transistors diminue, leur densité de puissance reste constante, permettant d’accroître la fréquence de fonctionnement sans augmenter la consommation d’énergie. Cette formidable propriété s’avère être fausse 50 ans après. « Imaginez que le transistor est un robinet qui fait passer le courant d’un côté à l’autre, décrit le responsable de l’équipe. Or, en 2004, la technologie a atteint des dimensions si petites que les transistors se sont mis à fuir : même quand le robinet est fermé, l’eau continue de goutter. Cela signifie qu’avec la miniaturisation, de l’énergie est consommée et la loi de Dennard n’est plus valable. »

La dernière loi, celle d’Amdahl, établit qu’un calcul est généralement effectué par une imbrication d’opérations séquentielles -où chaque opération dépend du résultat précédent, et d’opérations parallèles, c’est-à-dire toutes en même temps. « Même si l’on parallélise les calculs au maximum pour en accélérer l’exécution, la partie séquentielle restante finira par limiter la performance, poursuit le chercheur. Nous ne pouvons pas abolir les limites de ces trois lois, mais nous pouvons apprendre à en tirer le meilleur parti ! » 

Des recherches articulées autour de trois axes

Face à ces contraintes, l’équipe MADMAX déploie trois axes de recherche complémentaires. Le premier volet concerne la microarchitecture des processeurs, avec l’idée de faire disparaître les dépendances séquentielles entre opérations pour améliorer la performance des calculs. 

Le second pilier vise à explorer les architectures pour accélérer l’intelligence artificielle, tout en économisant l’énergie. L’équipe étudie par exemple la possibilité de travailler sur un ou deux bits plutôt que sur des nombres flottants à 32 bits dans des réseaux de neurones. Cette approche promet d’importants gains énergétiques. 

Le troisième axe porte sur la conception assistée par ordinateur (CAO) pour mettre au point des outils de simulation et de vérification pour les systèmes multiprocesseurs.

Une recherche appliquée rare en Europe

Avec ces trois axes, MADMAX revendique une recherche appliquée, en lien étroit avec l’industrie. Plusieurs thèses Cifre (Conventions industrielles de formation par la recherche) sont d’ailleurs en cours, dont une avec STMicroelectronics pour créer un accélérateur d’IA. L’équipe a également un projet en collaboration avec Thalès pour concevoir la hiérarchie mémoire d’un processeur généraliste embarqué à bord du SCAF, système de combat aérien du futur développé par Dassault et la Direction générale de l’Armement. « Nous avons aussi un projet important dans le cadre du PEPR Intelligence artificielle, dans le but de mettre au point des circuits pour l’accélération du calcul d’IA, » confie Frédéric Pétrot.

Même à l’échelle européenne, l’équipe évolue dans un écosystème restreint, aux côtés de l’École polytechnique fédérale (ETH) de Zurich (Suisse), l’Université de Bologne (Italie), l’Université de Gand (Belgique), ainsi que le Barcelona supercomputing center et l’Université de Murcie (Espagne). Une rareté qui contraste avec l’activité chinoise et américaine dans le domaine. « Dans le contexte actuel de souveraineté européenne, nous ambitionnons de former des personnes à la pointe de la microarchitecture des processeurs, conclut Frédéric Pétrot. Ainsi, lorsque l’industrie européenne organisera une filière autonome des semi-conducteurs, des experts seront prêts à relever le défi. »

Pour en savoir plus

Contacts

Pétrot Frédéric

Responsable de l'équipe-projet MADMAX

Laboratoire TIMA, 46 avenue Félix Viallet , 38000 GRENOBLE

Detalles de contacto
Inria