La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail, au contrôle des comptes et de la gestion de l’association des amis et parents de personnes handicapées mentales (Adapei) de la Loire pour les exercices 2019 et suivants.
Créée en 1957, l’Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales (Adapei) de la Loire est une association d’envergure, disposant de près de 1 500 salariés et accompagnant plus de 2 000 personnes, majeures et mineures, en situation de vulnérabilité, prioritairement de handicap. Présente sur l’ensemble du département de la Loire, elle est organisée, depuis une réforme initiée en 2021, en pôles territoriaux, constituant un échelon intermédiaire entre le siège et ses 64 établissements, et favorisant une approche décloisonnée du parcours de l’usager entre les différents dispositifs.
Une palette importante de métiers et de dispositifs
Les dispositifs et établissements gérés par l’association sont, en écho aux situations des usagers, très variés : instituts médico-éducatifs (IME), foyers d’hébergement, foyers d’accueil médicalisés, maisons d’accueil spécialisé, foyers de vie, établissements ou services d’aide par le travail (ESAT), entreprises adaptées ainsi que d’autres dispositifs novateurs comme par exemple « 2 toits à moi » marquant une nouvelle orientation vers les publics issus de la protection de la jeunesse.
L’association emploie par conséquent des personnels aux profils variés (médecins, éducateurs, psychologues, gestionnaires, psychomotriciens, maîtresses de maison, etc.) afin de fournir un accompagnement adapté, parfois 24h/24, aux usagers.
Une stabilisation de la gouvernance favorable à la professionnalisation du fonctionnement de l’association
Dotée d’un conseil d’administration et d’un bureau exécutif, l’association souhaite pérenniser un modèle consistant à intégrer à sa gouvernance les parents d’usagers accompagnés. Elle prévoit également la participation au conseil d’administration de membres candidats ayant vocation à devenir membres de plein exercice, ce qui constitue une bonne pratique en matière de continuité associative.
À compter de 2018, la gouvernance de l’association a été marquée par de profonds désaccords entre membres du conseil d’administration et avec certains cadres de direction. Cette situation dégradée a engendré de nombreux départs, volontaires ou non, une détérioration des relations entre administrateurs, un changement de présidence en 2020 et l’émergence de contentieux, notamment prud’hommaux.
Au moment du contrôle, l’association semblait s’être stabilisée dans son fonctionnement institutionnel, particulièrement au sein du siège. La réforme de son organisation, l’adoption d’un projet stratégique pluriannuel, sa déclinaison en projets de services, et le recrutement de nouveaux cadres de direction ont permis de la professionnaliser davantage.
De nombreux chantiers ont été engagés, comme la refonte des accords portant sur la progression des carrières, la création d’une filiale dédiée aux achats immobiliers (Adapei Habitat) ou la création d’un dossier numérique des usagers, apprécié des agents. D’autres sont en cours de déploiement et nécessitent encore des ajustements. Ainsi, la création des postes de responsables administratifs au sein des pôles territoriaux doit, par exemple, s’accompagner d’une harmonisation des pratiques entre territoires.
Si les objectifs sont clairs et la vision partagée, les efforts doivent être poursuivis mais seront toutefois contraints par une situation financière qui tend à se dégrader.
Une situation financière qui se dégrade
Sur un montant de 82 M€ de recettes perçues par l’Adapei de la Loire, près de 90 % sont issus des versements de l’agence régionale de santé (ARS) et du département de la Loire, prévus par des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) dont le renouvellement est prévu en 2026. Les produits de la tarification sont passés de 59,2 M€ annuels en 2019 à 73,5 M€ en 2023. Cette hausse inclut les effets de périmètre correspondant à la prise en charge de nouveaux établissements et dispositifs par l’Adapei, ainsi que le financement de mesures nationales décidées par le législateur, essentiellement des hausses de rémunération post-COVID.
La progression « automatique » des dotations, liée aux taux d’actualisation décidés par les financeurs, s’est, pour sa part, montrée inférieure au taux d’inflation depuis 2021, ne permettant pas de couvrir totalement les surcoûts induits par la hausse des prix.
Dans ce contexte, entre 2019 et 2023, les produits d’exploitation (+ 19 %) ont progressé moins vite que les charges (+ 26 %). Quatre des résultats ont été déficitaires pour l’activité financée par le département, avec une progression du déficit en fin de période (1 M€ de déficit en 2022, 2,8 M€ en 2023). De même, le résultat des activités financées par l’ARS se dégrade significativement en fin de période : le résultat moyen passe de 1,5 M€ par an entre 2019 et 2021 à 0,3 M€ en 2022 et - 0,5 M€ en 2023. Ainsi en 2023, pour la première fois, les résultats des activités financées par le département et l’ARS sont déficitaires pour les deux autorités de tarification. Le résultat 2024 a pu être contenu à 180 003 € en fin d’exercice.
En dépit de ce redressement, la détérioration de la situation financière a conduit à un assèchement des réserves de compensation des déficits, accumulées antérieurement par l’association. Pour répondre à ces difficultés, l’association a obtenu des crédits complémentaires, majoritairement non reconductibles, et mis en œuvre en 2024 des mesures d’économie, notamment en limitant drastiquement le recours à l’intérim et aux contrats courts, afin d’en diminuer les coûts. Bien que nécessaires pour éviter une aggravation du dérapage financier, ces mesures ne seront cependant pas suffisantes et d’autres pistes d’économies doivent être recherchées. Un dialogue entre l’Adapei de la Loire et ses financeurs doit également être engagé, afin d’aboutir soit à une hausse pérenne des contributions pour maintenir la quantité et la qualité de services rendus, soit à une révision à la baisse du périmètre des missions de l’association ou de sa qualité de service - alors même que les besoins du territoire en matière d’accompagnement des personnes en situation de handicap ne sont pas tous satisfaits. Dans tous les cas, un fonctionnement dans les conditions actuelles n’apparaît pas viable financièrement.
Des progrès en matière de ressources humaines
Représentant quasiment les deux tiers des charges d’exploitation de l’association, la masse salariale a progressé sur la période de contrôle. Cette augmentation a suivi l’évolution du nombre de salariés (+ 14,5 %) et du nombre de places offertes (+ 12 %) suite au développement de l’activité de l’association dans le département.
Gérant près de 1 500 équivalents temps plein et 1 004 travailleurs en situation de handicap au sein de ses ESAT et entreprises adaptées, la fonction RH est une composante essentielle du fonctionnement de l’association. Un travail important de formalisation a été conduit sur la période de contrôle et plusieurs projets sont portés par le siège pour poursuivre la démarche de professionnalisation et de performance.
Des chantiers restent à mener, notamment en matière de temps de travail, la chambre soulignant la complexité de l’accord d’entreprise datant de 2016, en particulier concernant le fonctionnement semestriel des plannings. Elle note également les difficultés et risques d’erreurs liés au caractère imparfait de l’interfaçage entre le logiciel de suivi du temps de travail et celui de la paye, et invite l’association à moderniser ses outils et rationaliser ses règles de fonctionnement.
S’agissant des rémunérations, la chambre constate un manque de traçabilité des prises de décisions, une faible formalisation des critères d’attribution ou d’évolution des primes extra-conventionnelles et des insuffisances dans l’information des instances de gouvernance et des financeurs, comme l’illustre bien le dossier du départ en retraite de l’ancien directeur général en juin 2019.
Une prise en compte encourageante mais inachevée des enjeux numériques.
Dans une structure si vaste et fonctionnant de façon déconcentrée, la qualité et la sécurité du système d’information (SI) jouent un rôle essentiel, tant dans le service rendu aux usagers que dans les modalités de travail des agents. La participation de la direction du SI aux comités de direction, la création de nouveaux outils métiers comme le dossier numérique de l’usager, la sensibilisation des agents aux risques cyber ou la redondance des serveurs et la mise en place de procédures de sauvegarde des données permettant d’améliorer la résilience de l’organisation constituent des bonnes pratiques et traduisent une volonté de professionnalisation globale.
Si plusieurs projets sont envisagés pour poursuivre dans cette démarche, le manque de moyens, humains ou budgétaires, pour les conduire constitue un obstacle. Toutefois, certaines mesures importantes pourraient et devraient être mises en œuvre, tout en préservant les ressources de l’association, comme la définition d’une politique de sécurité du système d’information, l’identification d’un responsable pour en assurer la mise en œuvre, et l’établissement d’un budget pluriannuel pour disposer d’une meilleure visibilité pour le déploiement de nouveaux projets informatiques.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n°1 : Réactualiser les statuts et le règlement intérieur pour tenir compte de l’évolution de l’organisation et des activités de l’association.
Recommandation n°2 : Garantir la séparation des opérations d’engagement et de paiement pour les dépenses du siège traitées par la cellule comptabilité.
Recommandation n°3 : Se doter d’outils de suivi de la programmation pluriannuelle des investissements.
Recommandation n°4 : Structurer davantage la fonction achats pour en accroître l’efficience par l’adoption d’une cartographie des achats, un meilleur recensement des besoins et une programmation plus fine.
Recommandation n°5 : Dresser l’inventaire des primes extra-conventionnelles, en déterminer les critères d’attribution et les faire approuver par le conseil d’administration.
Recommandation n°6 : Désigner un responsable de la sécurité des systèmes d’information (RSSI) chargé de définir et mettre en œuvre une politique de sécurité des systèmes d’information pour l’ensemble de l’Adapei, siège et établissements.