Alors que tiennent en ce moment à Albi (Tarn) les 94e assises des départements de France, le président de l’association Départements de France (ADF) réclame ce vendredi à l’État un fonds de soutien de 600 millions d’euros. “54 départements sont en situation de quasi-faillite », estime-t-il.
Face à une dégradation financière sans précédent, les départements français multiplient les coupes budgétaires, au risque d’entamer l’offre de services publics. Invité ce vendredi sur franceinfo, François Sauvadet, président de l’association Départements de France (ADF) et du Conseil départemental de la Côte-d’Or alerte : « Cinquante-quatre départements sont en situation de quasi-faillite« , pris en étau entre l’augmentation des dépenses sociales, la chute des recettes immobilières et les obligations imposées par l’État.
Alors que se tiennent actuellement à Albi (Tarn) les 94e assises des départements de France, en présence du Premier ministre, Sébastien Lecornu, il réclame « un fonds de soutien de l’ordre de 600 millions« d’euros à l’État pour « faire face au versement des prestations que l’État nous impose de verser » et dont « je ne conteste pas la légitimité« .
François Sauvadet alerte sur la dégradation rapide des finances locales. « J’appelle chacun à faire preuve, et notamment au Parlement, d’esprit de responsabilité. L’État ne peut pas se défausser sur les départements, sur le financement des solidarités qui nous asphyxie et pour lequel on n’est pas accompagné« , estime-t-il. « Il faut arrêter de charger la barque. En deux ans et demi, six milliards d’euros de dépenses supplémentaires« , dénonce encore l’élu, rappelant que pour les allocations en faveur « des personnes âgées, des handicapés, l’État ne compense qu’à hauteur de 30%« . Les départements, ne pouvant pas avoir recours à l’impôt, « se retrouvent bien seuls et dans une impasse« , regrette-t-il, estimant qu’ils sont « littéralement asphyxiés« .
« Ça fait trois ans que j’alerte »
« Ça fait trois ans que j’alerte. Je leur dis ‘on va droit dans le mur‘ », avertit François Sauvadet, qui appelle les parlementaires à « être responsables » : « Arrêtez de dire débrouillez-vous les départements parce qu’on a un déficit d’État. Il faut faire face à nos responsabilités collectives » et « verser les prestations pour le compte des plus fragiles de notre pays« . Symbole de cette dégradation, la Gironde et ses 97 millions d’euros de déficit frise la mise sous tutelle. Interrogé par l’AFP, son président Jean-Luc Gleyze (PS) assume les dépenses réalisées, notamment en matière de protection de l’enfance, et concède juste avoir dû abandonner ses aides aux communes, de 30 millions d’euros en 2023.
Mais faute d’un modèle de financement cohérent des départements, toutes les politiques qui ne relèvent pas de leurs compétences directes -culture, sport, banques alimentaires, missions locales, centres sociaux- sont selon lui sur la sellette. Depuis un an, certaines coupes font déjà parler : sept centres de santé sexuelle fermés dans la Drôme, subventions au Planning familial rabotées dans le Loiret, aides à la culture fortement diminuées en Ille-et-Vilaine, comme dans l’Hérault. Selon le baromètre sur les budgets culturels des collectivités publié en octobre, 64% des départements interrogés font état de coupes dans la culture.
« Travail de dentelière »
Hélène Sandragné, présidente PS du Département de l’Aude, dit avoir réalisé 25 millions d’euros d’économies cette année, mais se refuse « à taper massivement sur une politique« , préférant le « travail de dentellière« . « Sur la protection de l’enfance, nous avions allongé l’âge de prise en charge des jeunes mais nous sommes revenus aux 18 ans prévus par la loi« , explique-t-elle, tandis que les subventions aux associations ont été réorientées vers celles qui ont le moins de trésorerie.
Dans l’Aisne, département rural qui cumule les fragilités, le centriste Nicolas Fricoteaux indique avoir « réduit considérablement la voilure dans les compétences partagées que sont le sport, l’environnement, la culture« . Mais le cœur des compétences n’est pas épargné. « On réduit les investissements sur nos collèges et nos routes. C’est un peu une bombe à retardement car vous accumulez des dégradations qui vont nécessiter des coûts supplémentaires« , admet l’élu qui a aussi réduit sa participation dans l’aide à domicile pour les personnes âgées.
« Couper dans tout ce qui n’est pas obligatoire »
Selon Nicolas Lacroix, président LR du Conseil départemental de Haute-Marne, il faut couper « dans tout ce qui n’est pas obligatoire » : aide aux communes, au monde associatif, au monde agricole, au développement de la ruralité… Et pour ne pas toucher au cœur des compétences des départements que sont la solidarité, l’enfance et la dépendance, le patron du groupe des départements de droite s’interroge sur certaines prises en charge, comme le cumul du RSA et du statut d’auto-entrepreneur. Il plaide aussi pour la suspension automatique du RSA à l’âge de la retraite, ou pour la fin du RSA bonifié pour les familles n’ayant « plus aucun droit sur leurs enfants« .
Dans les Deux-Sèvres, Coralie Denoues (DVD) n’a pas souhaité couper dans les aides à la culture et au sport, mais a choisi de rémunérer les associations environnementales pour les prestations qu’elles fournissent plutôt qu’en subventions de fonctionnement. Elle a aussi décidé de fermer deux collèges compte tenu de la baisse attendue de 3.200 collégiens d’ici 2032. « Oui, cela a un coût politique, mais est-ce qu’on est élu pour s’assurer de sa réélection, ou pour inscrire un territoire dans l’avenir ?« , interroge-t-elle.
Le gouvernement va déposer un amendement pour porter à 600 millions d’euros le fonds de sauvegarde
En clôture des Assises nationales des Départements de France, le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé que le gouvernement allait déposer un amendement pour porter de 300 à 600 millions d’euros le fonds de sauvegarde des départements. Il a également « donné mandat aux ministres pour rouvrir le dossier du Dilico », un dispositif très critiqué de mise en réserve des recettes fiscales, faisant droit aux revendications des départements.
Ancien président du conseil départemental de l’Eure et toujours membre de cette assemblée, Sébastien Lecornu a également jugé que le temps était « venu de réformer en profondeur les agences régionales de santé, d’affirmer la part régalienne du sanitaire, les analyses de l’eau, la gestion des grandes épidémies » et de « permettre aux préfets d’en être les responsables« . « Comment peut-on expliquer que la planification des soins de proximité soit encore gérée par une agence régionale, là où les conseils départementaux » qui « ont accompli ces dernières années les maisons pluridisciplinaires de santé peuvent le faire?« , s’est-il interrogé devant un parterre d’élus et plusieurs ministres.
« Le Premier ministre a annoncé une mesure de 600 millions d’aides pour les départements les plus en difficulté. C’est ce que nous demandions. Je lui ai demandé d’arrêter de charger la barque des départements (…), ça nous permettra d’avoir la tête hors de l’eau« , a réagi le président de Départements de France François Sauvadet (UDI).