La remise des prix du concours "Second œuvre" de Sites & Monuments a eu lieu le samedi 26 octobre 2024 lors du Salon du patrimoine culturel au Carrousel du Louvre à Paris.
Jean-Michel Gelly, Maisons paysannes de France, Michel Jantzen, architecte en chef honoraire des monuments historiques, Marie-Jeanne Jouveau, architecte du patrimoine, Julien Lacaze, président de Sites & Monuments – SPPEF, Benoit Leothaud, architecte des Bâtiments de France, Arnaud Tiercelin, ingénieur du patrimoine Jean-François Lagneau Architecte en chef honoraire des monuments historiquesRapporteur du jury
L’objectif de notre Prix est d’attirer l’attention sur le second œuvre, partie la plus visible et la plus menacée de notre patrimoine bâti, tant sur les façades que dans les intérieurs. Les ouvrages de second œuvre (menuiseries, ferronneries, enduits, peintures, sols, ...) peuvent être modifiés ou supprimés sans pour autant compromettre la structure du bâtiment. Leur relative fragilité implique qu’ils soient régulièrement vérifiés, entretenus et restaurés par des artisans maîtrisant le savoir-faire de leur métier et à même de redonner vie au second œuvre sans trahir l’esprit du bâti qui leur est confié.
Parmi les dix-sept dossiers reçus cette année, le jury a retenu quatre opérations de restauration s’inscrivant dans des contextes très différents, présentés par deux communes et deux propriétaires privés. D’un patrimoine classé au titre des Monuments historiques à une simple maison de village, ce sont quatre exemples de restauration en conservation d’éléments anciens. Les quatre démontrent une même volonté de faire revivre un patrimoine afin de le transmettre dans toute son intégrité aux générations futures.
La chapelle des Étrichets, dont la construction remonte vraisemblablement au XIIe siècle, est située dans un écrin de verdure, à quelques kilomètres du Mans. Classée au titre des Monuments historiques, elle a fait l’objet entre décembre 2022 et juillet 2023 d’un programme de restauration d’ampleur, précédé par trois ans d’études et de recherche du financement indispensable pour restaurer à la fois la couverture, la cloche, la charpente, la maçonnerie et le décor intérieur.
L’architecte consulté initialement pour la restauration de la seule voûte avait en effet établi un diagnostic alarmant : fissures structurelles, contamination organique de certains murs, soubassements dégradés par l’humidité, chutes de merrains de la voûte… Une intervention plus large s’imposait. Conclusion : cinq lots pour cinq corps de métier… et le budget correspondant !
La chapelle des Étrichets restaurée (versant sud), prête à accueillir ses visiteurs © E. et R. Bigourdan
La restauration du décor intérieur, objet du dossier présenté à l’édition 2024 du Prix, a donc porté à la fois sur la voûte lambrissée (XVIIe), les décors muraux restaurés au XIXe et les vitraux installés à la même époque, le retable, la barrière de communion et la grille de clôture de la chapelle latérale (XVIIe).
La voûte est composée de caissons moulurés en trompe l’œil, 192 pour la nef et 70 pour la chapelle latérale. Chaque caisson est constitué de six merrains en chêne, peints suivant des motifs en diagonale. Après le remplacement des merrains manquants ou trop dégradés pour être conservés, se sont succédé les différentes étapes de restauration du décor : dépoussiérage, consolidation de la couche picturale, traitement contre les xylophages, préparation des fonds, réintégration chromatique, réalisation des poncifs, restitution des motifs sur les parties neuves et harmonisation avec les éléments d’origine conservés.
À gauche Le décor intérieur de la chapelle des Étrichets avant les travaux caissons de la voûte dégradés ou manquants, fissures structurelles dans les murs. Une restauration s’imposait © E. et R. Bigourdan.À droite Le décor intérieur aujourd’hui, une véritable renaissance ! © BMAP
Les murs sont ornés de faux appareillage de pierre, avec une frise en partie haute et un décor en feuillage autour des baies. Une des difficultés de cette phase du chantier a été d’éliminer, en altérant le moins possible le décor peint, une importante contamination organique sur plusieurs murs. Après de multiples passages de traitement d’algicide, sans effet notable, la seule solution trouvée a été de brosser les murs avant la mise en œuvre du protocole de restauration défini au préalable, toujours avec un objectif de conservation optimale du décor.
La barrière de communion et la clôture de séparation entre la nef et la chapelle latérale ont été déposées et restaurées en atelier, en privilégiant la conservation des éléments d’origine, y compris pour les pièces en mauvais état. Les lacunes dans le bois ont été comblées par des greffes ou consolidées au moyen de résine pour les parties trop fragilisées. Les six vitraux ont été démontés : quatre d’entre eux ont été restaurés en atelier et deux ont été restitués dans l’esprit du XVIIe. Le retable a été nettoyé et les éclats de peinture gommés.
Le 20 octobre 2023, la chapelle était inaugurée et bénie par l’évêque du Mans, en présence des acteurs de sa restauration et de la presse régionale. Depuis la fin du chantier, les propriétaires ouvrent la chapelle pour des visites organisées par des associations de la région ou pour des concerts. Ils réfléchissent déjà à la prochaine étape du programme de restauration : celle du mobilier du XVIIe dont la polychromie est en harmonie avec les décors muraux et la voûte. Un dernier projet pour la chapelle, qui nécessitera également un budget conséquent…
Maîtrise d’œuvre : Benoit Maffre, architecte du patrimoine, agence BMAP — Droisy (27)
Décors peints : Arthema — Nantes (44)
Menuiserie : Cruard Charpente — Simple (53)
Supports bois : Les ateliers de La Chapelle — Sevremoine (49)
Vitraux : Atelier de vitrail Lvi — Virginie Lelièpvre — Domfront-en-Champagne (72)
Aux confins de la Touraine et du Berry, la commune de Preuilly-sur-Claise compte quelque mille habitants pour neuf monuments inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques (ISMH), ainsi qu’une abbatiale du XIIe siècle (classée au titre des Monuments historiques). Il fallut une véritable « croisade » pour tirer de son abandon la chapelle de Tous-les-Saints, datant du XVe siècle, modeste par la taille mais exceptionnelle en raison de sa rare danse macabre.
La chapelle revient de loin : son tout premier sauveteur fut le fondateur des Amis du pays Lochois, Henri L’héritier de Chezelle. En 1953, il sauva ce sanctuaire