Les accords de libre-échange (ALE) visent à faciliter les échanges commerciaux en réduisant les barrières tarifaires. Cependant, ils soulèvent des questions sur leur impact social et environnemental, notamment dans les pays du sud.
Les accords de libre-échange (ALE) façonnent les relations commerciales entre les Etats en abaissant ou supprimant les barrières tarifaires et réglementaires sur la circulation des biens et des services. Mais, derrière les promesses d’expansion économique et de croissance, ces accords peuvent déstructurer des secteurs de l’économie des pays du fait de la mise en concurrence des marchés intérieurs et extérieurs. Cette situation génère et aggrave les inégalités et menace la souveraineté alimentaire des Etats concernés selon la place prise par les exportations ou importations de biens alimentaires. C’est pourquoi le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires s’engagent contre l’effets de ces accords sur les populations.
Qu’est-ce qu’un accord de libre-échange ?
Un accord de libre-échange (ALE) est un pacte entre deux ou plusieurs pays visant à faciliter les échanges commerciaux en réduisant les droits de douane, les quotas et les autres barrières non tarifaires. Ces accords peuvent être bilatéraux (entre deux pays) ou multilatéraux (impliquant plusieurs nations). En théorie, ils permettent une circulation plus libre des biens et des services, favorisant ainsi une croissance économique rapide grâce à une augmentation des échanges. La liste des accords de libre-échange en vigueur montre l’ampleur croissante de ces accords dans le monde.
Les accords de libre-échange couvrent plusieurs secteurs économiques : agriculture, industries, services financiers et produits manufacturés. Ils comportent souvent des clauses sur la protection de la propriété intellectuelle, la régulation des investissements et la résolution des différends commerciaux. Parmi les exemples les plus notoires, on retrouve l’Accord de partenariat économique entre l’UE et le Japon ou l’Accord UE-Mercosur.
Cependant, certains partenaires du CCFD-Terre Solidaire, comme Base Investigaciones Sociales (Paraguay), Incupo (Argentine), la Fédération des organismes d’assistance sociale et éducative (Brésil) ou encore l’Observatoire Tunisien de l’économie (OTE), dénoncent ces accords. Selon eux, ces derniers profitent aux multinationales aux dépens des populations locales et de l’environnement.
Quel est le but du libre-échange ?
L’objectif affiché du libre-échange est de stimuler l’économie mondiale en favorisant la concurrence. En réduisant les obstacles tarifaires, les pays signataires espèrent augmenter leurs exportations, attirer davantage d’investissements étrangers et diversifier leur économie. Pour les consommateurs, cela est censé se traduire par des prix plus bas et un accès à une plus grande variété de produits.
Le libre-échange promet de générer des gains d’efficacité en permettant aux pays de se spécialiser dans les secteurs où ils disposent d’avantages comparatifs. Par exemple, un pays avec de vastes terres agricoles pourrait se concentrer sur la production alimentaire, tandis qu’un autre, riche en technologies, mettrait l’accent sur l’innovation industrielle.
Cependant, derrière ces belles promesses se cache une réalité plus complexe. Ces accords, en supprimant les barrières commerciales, ouvrent souvent la voie à une exploitation accrue des ressources naturelles, à du dumping social et à une pression accrue sur les petits producteurs, en particulier dans les pays du sud. Cette dynamique fragilise les économies locales et met en péril la souveraineté alimentaire. Ainsi, si l’avantage du libre-échange peut être bénéfique pour certains, il génère de nombreuses problématiques pour d’autres.
Quels sont les inconvénients du libre-échange ?
Si les accords de libre-échange bénéficient à certains secteurs, ils peuvent causer de graves conséquences sociales et environnementales, en particulier dans les pays en développement. Les partenaires du CCFD-Terre Solidaire s’inquiètent des effets destructeurs de ces accords sur les populations les plus vulnérables. Cela soulève la question des avantages et des inconvénients du libre-échange dans un contexte global.
Impact sur la souveraineté alimentaire
L’un des principaux effets néfastes des accords de libre-échange concerne l’agriculture. En favorisant les importations à bas prix de produits agricoles, ces accords fragilisent les petits producteurs locaux qui ne peuvent pas rivaliser avec les prix des grandes multinationales. Au Paraguay, par exemple, Base Investigaciones Sociales souligne que l’Accord UE-Mercosur menace la production locale en inondant le marché de viande de bœuf bon marché, tandis que les produits agro-industriels européens dominent le marché. Cette situation affaiblit l’agriculture paysanne et entraîne une dépendance accrue aux importations alimentaires.
Les accords de libre-échange ne tiennent par ailleurs pas toujours compte des réalités locales. Dans plusieurs pays d’Amérique latine, des monocultures massives destinées à l’exportation, comme le soja au Brésil, encouragées par ces accords, entraînent la déforestation et l’épuisement des sols. La structure Fase, au Brésil, dénonce le lien direct entre ces accords et la destruction des forêts amazoniennes, réduisant ainsi les capacités locales à nourrir leur propre population.
En outre, la spécialisation agricole (évoquée plus haut) conduit à rendre les populations des Etats qui se spécialisent dans un secteur de production agricole à être totalement dépendant des importations pour le reste des biens alimentaires ; une situation de dépendance qui les exposent à divers risques et se situe aux antipodes de la souveraineté alimentaire.
Inégalités et violation des droits humains
Selon Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation et actuel rapporteur sur l’extrême pauvreté et les droits humains, les accords de libre-échange perpétuent les inégalités économiques. Ces accords profitent largement aux grandes entreprises et aux pays riches, tout en laissant les pays du sud dans une position de faiblesse. Comme le souligne l’Observatoire Tunisien de l’économie (OTE), les ALE signés avec l’Union européenne accentuent la dépendance de la Tunisie aux importations, au détriment du développement d’une industrie locale.
En favorisant une libéralisation rapide des marchés, ces accords conduisent à la destruction des emplois locaux. Les petites entreprises et les coopératives ne peuvent pas rivaliser avec les multinationales, ce qui entraîne une concentration des richesses au sommet et une précarisation croissante des travailleurs. En Argentine, l’Incupo dénonce les ALE qui permettent aux grandes entreprises agro-industrielles de s’approprier des terres aux dépens des populations locales, menaçant ainsi les droits des communautés rurales. Cette définition du libre-échange démontre ses dangers pour les populations locales.
Menaces pour l’environnement
Les accords de libre-échange encouragent l’exploitation intensive des ressources naturelles, souvent sans prendre en compte les conséquences environnementales. Le chapitre sur le développement durable de l’accord UE-Mercosur, par exemple, n’offre que des garanties minimales et non contraignantes. Il interdit la déforestation illégale, mais ferme les yeux sur l’élevage intensif de bétail et la culture du soja sur des terres récemment déboisées.
Olivier De Schutter affirme que ces accords sont incompatibles avec les objectifs de développement durable. Il souligne que l’accord UE-Mercosur, en facilitant le commerce de viande et de soja, contribue à des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre comparables à ceux de grandes villes brésiliennes. Il rappelle que les ALE privilégient les profits économiques à court terme aux dépens de la planète et des droits humains. Les avantages et inconvénients du libre-échange doivent donc être réévalués en fonction de leur impact sur l’environnement.
Quelles alternatives ?
Pour le CCFD-Terre Solidaire, il est crucial de repenser les accords de libre-échange pour qu’ils ne servent pas uniquement les intérêts des multinationales, mais également ceux des populations locales. L’urgence ? Promouvoir une économie qui soit au service du bien commun, fondée sur un partage équitable des richesses, la protection des droits fondamentaux et le respect de l’environnement.
Pour cela, l’ONG appelle à des lois et des politiques publiques qui placent la justice sociale et environnementale au cœur des accords commerciaux. Il est temps de remettre en question le modèle de développement fondé sur le libre-échange et d’encourager des initiatives locales qui favorisent l’autonomie alimentaire et la résilience des communautés.
En conclusion, que ce soit en France ou ailleurs, la définition des accords de libre-échange doit impérativement prendre en compte les préoccupations sociales et environnementales. Loin des promesses initiales, les accords de libre-échange en cours révèlent aujourd’hui de nombreuses failles, d’où l’importance de repenser ce modèle en intégrant des critères plus durables et justes pour l’ensemble des acteurs concernés.
Texte : Daphnée Breytenbach / Photo de couverture : Ophélie Chauvin