CFDT-Journalistes a appris avec stupeur que la journaliste Ariane Lavrilleux était convoquée par la justice le 17 janvier 2025 en vue dʼune possible mise en examen pour « appropriation et divulgation d’un secret de la défense nationale ». Elle encourt une peine de cinq ans de prison et 75 000 € d’amende. Cela, alors que son travail d’enquête sur le rôle de l’armée française dans des crimes menés par l’Egypte, sur fond de ventes d’armes, est d’utilité publique.
Rappelons que la charte de déontologie de Munich accorde notamment comme devoirs à tout journaliste de « Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité », de « Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement », et comme droit notamment » le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. »
La convocation d’Ariane Lavrilleux va à rebours de ces principes.
La surveillance de la journaliste, que le dossier révèle, ne peut pas être considérée comme tolérable dans un Etat de droit.
CFDT-Journalistes soutient juridiquement Ariane Lavrilleux avec ces démarches en cours : saisine de la Contrôleure des lieux de privation de liberté (au sujet de ses conditions de détention violant le respect de la dignité, l’accès aux soins et la protection de l’intégrité physique) et saisine de la Défenseure des droits (au sujet de l’atteinte à la protection du secret des sources journalistiques et à l’article 10 de la Convention européenne).
Nous invitons toute la profession à se sentir concernée par cette atteinte grave. Pouvoir enquêter, garder la confiance de nos sources, des lanceurs d’alerte, nécessite de les protéger, et d’être protégés. Il en va de la place de l’information dans notre démocratie.
Communiqué de Disclose :
PARIS – MARDI 3 DÉCEMBRE 2024
Secret des sources : la journaliste de Disclose Ariane Lavrilleux convoquée par la justice
Lʼenquête judiciaire visant à identifier les sources de Disclose se poursuit. Quinze mois après une garde à vue de 39 heures et la perquisition de son domicile par des policiers de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), notre journaliste Ariane Lavrilleux est convoquée, vendredi 17 janvier 2025, en vue dʼune possible mise en examen pour « appropriation et divulgation d’un secret de la défense nationale ».
Avec cette convocation dans le bureau dʼune magistrate spécialisée dans la lutte antiterroriste, un nouveau cap est franchi dans les pressions exercées contre les journalistes qui enquêtent sur des affaires d’État.
En novembre 2021, Ariane Lavrilleux a contribué, aux côtés de trois autres journalistes, à la révélation par Disclose d’informations d’intérêt général sur une opération militaire secrète de la France en Egypte, baptisée « opération Sirli ». Cette mission a conduit à l’exécution arbitraire de centaines de civils égyptiens, le tout sur fond de vente dʼarmes. Pour sa participation à cette enquête, notre journaliste encourt une peine de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Selon les éléments de l’enquête judiciaire dont Ariane Lavrilleux a eu connaissance, ses faits et gestes ont été traqués par des policiers de la DGSI, un service d’ordinaire mobilisé dans la lutte contre le terrorisme et le contre-espionnage. Notre journaliste a fait l’objet de surveillances physiques lors de déplacements professionnels et privés ; son téléphone portable a été géolocalisé en temps réel ; ses comptes bancaires ont été épluchés, tout comme ses achats de billets SNCF ou ses communications privées sur le réseau social X. La DGSI a aussi surveillé les bureaux de la rédaction de Disclose, en région parisienne.
Disclose condamne avec la plus grande fermeté le détournement des moyens attribués à la lutte antiterroriste. Cette opération de surveillance représente non seulement une grave atteinte au secret des sources des journalistes, « pierre angulaire de la liberté de la presse », selon la Cour européenne des droits de l’Homme, mais aussi à la vie privée de notre consœur.