2. Développement et solidarité internationale - CCFD-Terre Solidaire

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Partir pour un projet solidaire

Tout voyage effectué par des jeunes à l’étranger s’inscrit dans une réalité internationale et les amène à découvrir le monde par une autre fenêtre, de manière plus concrète. C’est l’occasion d’être confronté, généralement pour la première fois, à des réalités très différentes de celles du pays d’origine – décalage culturel, mais aussi souvent économique, social et politique. Il s’agit donc de replacer systématiquement le voyage à l’étranger dans un contexte plus global et d’aider les jeunes à mieux connaître et comprendre ce qu’est notre monde aujourd’hui, les aider à se questionner et à ne pas voir la réalité comme une fatalité.

Ainsi, pour les jeunes qui entrent dans une démarche de préparation d’un voyage solidaire, cette étape va :

  • Leur permettre de mieux connaître la réalité du monde aujourd’hui et les rapports Nord/Sud.
  • Les inviter à s’interroger sur notre monde, ses déséquilibres, ses inégalités et les solutions que des acteurs internationaux et locaux (populations, associations, syndicats, responsables politiques) tentent d’apporter.
  • Leur faire prendre conscience que leur action ne va pas seulement se faire dans un petit village, un quartier, mais dans un certain pays avec son contexte et un certain environnement mondial.
  • Leur proposer des moyens d’agir : le voyage n’est pas une fin en soi, mais bien l’étape d’un projet plus global tourné vers l’ouverture aux autres et la solidarité internationale.

1. Notre monde d’aujourd’hui

« Alors que le modèle de développement actuel pille les ressources naturelles, détruit les écosystèmes, met en danger la planète, il prétend au progrès en confondant croissance et développement. Il produit des inégalités criantes et de l’exclusion aussi bien entre les personnes qu’entre les pays.

La crise environnementale sans précédent à laquelle le monde doit faire face est l’objet d’une prise de conscience de plus en plus partagée sans que le modèle de développement qui en est largement responsable ne soit remis en cause par les gouvernants. […]

Les inégalités ne cessent de s’accroître dans la majorité des pays du monde : désormais, les 8 personnes les plus riches possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale, soit 3,5 milliards de personnes, en majorité des femmes. […] Depuis 2015, le nombre de personnes souffrant de la faim est à nouveau en hausse : un quart de la population mondiale se trouve en insécurité alimentaire et n’a pas accès à une alimentation saine et équilibrée […].

Les crises économique, climatique, sanitaire accentuent les flux migratoires : de plus en plus d’hommes et de femmes, de familles et de jeunes adolescents migrent ainsi à la recherche de meilleures conditions de vie, alors que les pays d’accueil refusent de les recevoir […]

La violence entre nations ne tarit pas […]. Des violences se développent aussi à l’intérieur des pays […]. Les réseaux sociaux qui permettent l’expression anonyme du racisme, de la haine et du complotisme favorisent les réactions immédiates et émotionnelles. La diffusion de modèles stéréotypés de fake news est également le vecteur d’un monde violent. »

Extraits du rapport d’orientation 2021-2027 « Appel pour une terre solidaire » du CCFD-Terre Solidaire

Mais de quoi parle-t-on ? « Pays du tiers-monde », « pays sous-développés », « pays émergents », puis « pays en développement » ou « pays du Sud ». Notre volonté de catégoriser le monde – et ici les pays dits pauvres, par exemple – n’en finit pas de renouveler sa terminologie. À travers l’histoire de chacun de ces termes, nous pouvons y lire des tensions idéologiques internationales d’époques successives. Il est intéressant d’y réfléchir avant de partir « là-bas ». Pour des raisons pratiques, dans ce guide, nous utiliserons la catégorie « pays du Nord » et « pays du Sud » en ayant néanmoins à l’esprit que ces expressions sont peu précises et non pertinentes géographiquement.

Pour des jeunes se préparant au voyage, il est essentiel de prendre conscience de ces inégalités auxquelles ils et elles seront confronté·e·s – inégalités d’accès aux biens et produits de base tels que l’alimentation, d’accès à l’éducation et à la santé, d’accès aux droits. Il est donc important de ne pas les faire culpabiliser, mais de leur donner des clés pour comprendre et ne pas prendre de positions fatalistes. Toute rencontre et toute action menée par les jeunes sont intrinsèquement liées à ce contexte mondial et à la vision qu’on peut en avoir.

Un travail de décryptage de l’image (ou les « représentations ») que l’on se fait du pays dans lequel on se rend et de ses habitants et habitantes doit aussi être effectué. De cette vision du monde dépendra la capacité du groupe de jeunes à préparer une rencontre qui aura tout son sens. La pauvreté existe, les inégalités sont grandes, et il faut les avoir à l’esprit. Mais il serait dommage de ne fonder nos représentations que sur ces seuls aspects. L’objectif ici est de permettre aux jeunes d’établir leur projet sur une vision plus claire de la réalité, sur ce que sont et vivent leurs partenaires, les populations, les jeunes qu’ils vont rencontrer, et non sur la vision simplifiée des pays du Sud présentée par les journaux télévisés ou certaines affiches, ne mettant en avant que les situations d’extrême urgence ou dans un autre registre, les paysages exotiques ou la seule richesse de la faune animale.

De plus, il s’agit de ne pas rester sur un sentiment de révolte face aux malheurs et injustices de la planète, mais d’essayer de cerner les mécanismes, ici et là-bas, qui entretiennent ces situations et ceux qui permettent d’en sortir. Il faudra ainsi amener les jeunes à découvrir les interactions entre leur projet et les concepts de développement et de solidarité internationale, mieux identifier en quoi il est ou n’est pas action de solidarité, notamment dans un sens de respect et d’autonomie des populations.

2. Partir pour rencontrer, pour être solidaire

Pourquoi partir ? Pourquoi aller dans ces pays ? On parle souvent de projets de « développement », de « solidarité » ou de « voyages humanitaires ». Il est important de se pencher sur le vocabulaire (cf. fiche 6 « Quelques définitions »). Il faut aussi prendre le temps de se considérer notre passé : connaître et reconnaître notre héritage colonialiste, les rapports Nord/Sud longtemps fondés sur la domination, admettre que chacun et chacune de nous est influencé·e par une certaine vision du développement. Bien que cette vision ait évolué depuis la Seconde Guerre mondiale et la fin de la colonisation, on voit encore aujourd’hui des équipes s’embarquer dans des projets, en n’ayant pas pris suffisamment en compte les erreurs du passé ou celles d’autres groupes qui voulaient bien faire en « allant aider ».

C’est pourquoi il nous paraît important d’accompagner les jeunes dans la mise en place de leur projet, pour que celui-ci permette une réelle rencontre humaine. Cela ne peut se faire qu’avec une bonne connaissance du pays de destination et des partenaires que les jeunes vont rencontrer : en savoir plus sur les communautés qui vont les accueillir, leur histoire, leur environnement économique, géographique, politique, et comprendre le contexte de leur projet. Et pour que la réciprocité soit de mise, l’équipe doit se pencher aussi sur son propre territoire, sa propre réalité géographique et sociale. Le voyage ne doit pas être une fuite, une sorte de démission d’une implication, d’un engagement au niveau local, mais doit plutôt être au service d’un changement social là-bas et ici !

Ainsi, l’action envisagée sur place pourra plus facilement intégrer cette notion d’échange. Son éventuelle dimension matérielle aura comme seul objet de faciliter cette rencontre. Est-ce possible de concevoir des projets sans aucune aide matérielle qui souvent « pollue » la relation ? Dans tous les cas, celle-ci doit être mûrement réfléchie.

Enfin, ne pas oublier que l’un des révélateurs les plus pertinents de cette solidarité réside dans la qualité des contenus des témoignages au retour, tant individuels, en tête-à-tête, que collectifs et organisés à l’occasion d’une soirée de restitution. Que disons-nous des populations rencontrées, comment les représentons-nous ?

3. Pour une mondialisation de la solidarité

Un regard enrichi sur notre monde, ici et là-bas, nous amène à cette évidence : le monde est mondialisé et jamais, dans l’histoire de notre humanité, notre vie et nos actions quotidiennes n’ont été autant liées à la vie et aux actions de populations du bout du monde. Et vice-versa. Jamais non plus, le destin des uns et des unes n’a été autant lié au destin des autres. Aujourd’hui, le défi d’une justice mondiale nous invite à faire résolument le choix de la solidarité internationale, seule capable de rompre avec les logiques de compétition qui accentuent le dumping social et environnemental (pratique de certains États consistant à adopter des législations en matière de droit du travail, environnemental et de salaires plus défavorables aux salariés et salariées que dans d’autres États, dans la perspective d’attirer les entreprises sur leur sol). Ce choix appelle à porter des actions pour plus de justice à tous les échelons, du plus local au plus global, à commencer par chez nous ! Cette responsabilité incombe à chacun et chacune de nous, en tant que citoyen et citoyenne. Et la citoyenneté ne se limite pas au vote, elle peut prendre différentes formes, y compris dans la simplicité de la vie quotidienne et personnelle. Une multitude d’initiatives et de campagnes existent pour permettre à chacun et chacune d’exercer pleinement sa citoyenneté : le commerce équitable, la finance solidaire, les campagnes d’opinion… L’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale peut ainsi permettre aux jeunes de comprendre qu’eux aussi, dans leurs projets à l’étranger, dans l’accueil d’autres jeunes en France ou encore chez eux, au quotidien, peuvent faire changer les choses. Les choix quotidiens ont une influence ici et là-bas : autant alors les marquer notamment du sceau de la solidarité !

Attention au volontourisme !

Pour les acteurs du volontariat international, le volontourisme est une « forme de tourisme conjuguant voyage et engagement volontaire » qui « promet à des individus désireux de s’engager pour une cause, la découverte de nouvelles cultures tout en venant en aide à des communautés locales ».

Mais attention aux dérives, certaines entreprises tirent profit de la bonne volonté des personnes qui souhaitent s’engager et de leur manque d’expérience. Ces entreprises cherchent leur profit financier.

Sincèrement ou pour des raisons de marketing, les entreprises de volontourisme clament vouloir donner à leurs voyages un impact positif sur le développement local des territoires visités, d’entrer en lien avec des populations locales dans un échange non commercial permettant de découvrir autrement de nouvelles cultures. Certains de ces projets sont décriés, car ils monétiseraient la pauvreté et participeraient à son entretien par le détournement du vocabulaire associatif, la création d’associations- écrans, des opérations de marketing auprès de jeunes adolescents et adolescentes… Ces entreprises camoufleraient aussi leur finalité commerciale par le manque de transparence financière et surtout la finalité des projets. Les coûts des séjours de volontourisme sont généralement élevés par rapport au coût de la vie sur place.

Les projets proposés par ces entreprises sont très questionnables, car les participants et participantes, parfois jeunes et inexpérimenté·e·s, peuvent se retrouver à

Recapiti
Emmy Luton