Proche - Orient - Entretien de Christophe Lemoine, porte-parole du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, avec « France 24 » (Paris, 25.10.2024)

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Q - Bonjour, Christophe Lemoine.

R - Bonsoir.

Q - Merci d’être là. Vous êtes le porte-parole du ministère français des affaires étrangères. Beaucoup de sujets, bien sûr, à évoquer avec vous aujourd’hui. Commençons par cette conférence internationale qui était organisée hier en soutien au Liban, ici à Paris. À la clé, on l’a dit - on en parle depuis hier sur notre antenne - 1 milliard de dollars d’aide, 800 millions pour la population, 200 millions pour l’armée. Tout d’abord, est-ce qu’il y avait urgence à apporter de l’aide au peuple libanais ?

R - La conférence qui a été organisée hier à Paris à l’initiative du Président de la République répondait à une nécessité extrêmement forte. Et la France, qui s’est mobilisée depuis le début dans le cadre du conflit libanais, avec le début des frappes israéliennes, se devait de réagir autour de trois objectifs clairs. Le premier, qui est peut-être le plus urgent, c’est un objectif humanitaire, puisque le conflit au Liban fait des victimes civiles, des blessés et surtout engendre beaucoup de déplacés - il y a presque un Libanais sur cinq qui est déplacé du fait des combats - il était extrêmement important que la France se mobilise pour apporter l’aide humanitaire dont la population civile libanaise a besoin.

Q - Le deuxième volet, c’est donc l’aspect militaire. 200 millions de dollars d’aide à l’armée libanaise. Ça peut changer quoi demain, une armée libanaise plus forte ?

R - Le deuxième volet était plus précisément appelé à soutenir la souveraineté du Liban. Et la souveraineté du Liban, c’est la capacité du Liban à exercer l’ordre sur l’ensemble de son territoire. Donc c’était un appui qui était apporté aux forces de sécurité libanaises d’une manière générale, dont font partie les forces armées libanaises à part entière. Mais l’objectif de la conférence d’hier était surtout de réaffirmer la nécessité de réinstaller les institutions libanaises et de faire en sorte que ces institutions libanaises soient en mesure de maintenir le calme sur l’ensemble du territoire du Liban. C’est une condition sine qua non au début d’une solution diplomatique.

Q - Hier, le président français a donc une nouvelle fois appelé à un cessez-le-feu. On sait bien sûr les liens historiques qui unissent la France et le Liban. Pour autant, vous avez l’impression que la parole française pèse au Proche-Orient ?

R - Il y a effectivement une relation très particulière entre la France et le Liban, du fait de l’histoire des deux pays. Et bien évidemment, la France répond présente quand il y a des difficultés au Liban. Donc les efforts qui ont été déployés, tant par le Président de la République que par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, depuis le début de la crise ont été conséquents. Il y a eu d’abord cette initiative franco-américaine de cessez-le-feu qui a été proposée fin septembre à l’ensemble des belligérants. Et puis le ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est déplacé sur place. Il est allé au Liban ainsi que dans les pays de la région pour pouvoir échanger sur la situation avec les homologues les plus directement concernés. Donc effectivement, il y a une implication de la France qui est extrêmement forte sur la question libanaise, avec un espoir que cela aboutisse à un règlement diplomatique de la situation, qui commencera de toute façon par un cessez-le-feu.

Q - Je vous repose la question : est-ce que vous avez l’impression que cette parole pèse aujourd’hui au Proche-Orient, cette parole française ?

R - Cette parole existe, cette parole est forte. Nous avons organisé hier une conférence à Paris. 70 États et organisations internationales ont répondu présents. Le tour de table de la levée de fonds s’est monté à 1 milliard de dollars, ce qui est une somme extrêmement conséquente. Et cette initiative de la France a été bien reçue par l’ensemble des États qui ont été invités, et notamment des États de la région qui sont très concernés par la situation sécuritaire au Liban.

Q - Si on fait le point, ces derniers mois, qu’a obtenu Paris au Proche-Orient ?

R - Paris a obtenu au Proche-Orient différentes choses. Déjà, l’implication de Paris a été extrêmement forte au Proche-Orient sur le volet humanitaire. C’est un point extrêmement important. Paris a toujours condamné les victimes civiles, que ce soit au Liban ou à Gaza. Paris a toujours fait en sorte que l’aide humanitaire puisse accéder, puisse arriver directement auprès des populations concernées. Cela a été le cas pour Gaza, c’est aujourd’hui le cas pour le Liban. Je vous rappelle que Paris a organisé il y a quelques mois une conférence de levée de fonds pour l’aide humanitaire à Gaza, qui avait obtenu un résultat aussi assez exceptionnel. La France a toujours milité pour que cette aide humanitaire arrive au plus près des populations civiles, en conformité avec les règles du droit international, qui doit garantir l’arrivée de cette aide humanitaire. Et ça, c’est un premier point sur lequel la France a été extrêmement active depuis le début des conflits au Proche-Orient.

Q - On peut aussi évoquer bien sûr Israël. On a vu, d’une manière globale, la difficulté occidentale à pouvoir influencer Benyamin Netanyahou - même les États-Unis se sont cassé les dents ces derniers mois. Comment vous l’expliquez ?

R - Il y a un dialogue qui est ouvert avec les autorités israéliennes, bien évidemment, depuis le 7 octobre 2023. C’est un dialogue qui a été constant. C’est un dialogue qui a été nourri, même à haut niveau. Le Président de la République est régulièrement en contact avec le Premier ministre Benyamin Netanyahou. Et bien évidemment, l’implication de la France est sans faille pour tenter de trouver une issue diplomatique à la crise. C’est un point sur lequel il n’y a jamais eu de changement. Cela reste la ligne de base de la diplomatie française de pousser pour un règlement diplomatique, ce qui nécessite d’abord un cessez-le-feu. Dans le cas de Gaza, cela exige la libération des otages, point extrêmement important. Je vous rappelle qu’il y a toujours deux otages ayant la nationalité française retenus dans la bande de Gaza. C’est le préalable à un règlement politique de la situation, qui viendra dans un second temps. S’agissant de Gaza, la France a toujours plaidé pour une sol ution à deux États. Cette discussion est constante et nourrie en lien avec les autorités israéliennes.

Q - Mais cela prend du temps.

R - Ça prend du temps. Mais la France a espoir de parvenir à une solution d’ordre diplomatique. Le calme doit revenir dans la région, avec ce premier préalable qui est d’obtenir le cessez-le-feu dans les deux cas, que ce soit à Gaza - assorti de la libération des otages - et pour le Liban, une cessation des hostilités. C’est un préalable.

Q - Il y a des motifs raisonnables aujourd’hui de croire qu’on peut parvenir à un cessez-le-feu dans la région ?

R - La France veut croire qu’il y aura une sortie diplomatique à cette situation. Bien évidemment, la situation est sérieuse. Elle dure depuis trop longtemps. Il y a eu trop de victimes civiles qui ont été recensées sur les différents théâtres d’opérations et, comme l’a dit le Président de la République, cela doit cesser. La dynamique conflictuelle n’est pas une solution et on doit arriver aujourd’hui à avoir une dynamique basée sur la négociation et une issue diplomatique à cette situation conflictuelle.

Q - Alors quand on évoque le Proche-Orient, bien sûr, tout le monde a encore en tête cette passe d’armes entre Emmanuel Macron et Benyamin Netanyahou. Selon les propos rapportés du Conseil des ministres - on le précise bien - le Président français aurait estimé que c’est une décision de l’ONU qui a créé l’État d’Israël. Son de cloche bien différent bien sûr de la part de Benyamin Netanyahou, qui assure que c’est le sang des combattants israéliens qui l’a permis. Quelle est aujourd’hui la position de la diplomatie française à ce propos, dont vous êtes le porte-parole ?

R - Je ne pense pas qu’il me revienne de commenter les différents propos des uns et des autres. Simplement, il y a un dialogue qui est ouvert entre le Président de la République et son homologue israélien, Benyamin Netanyahou.

Q - Ça complique peut-être les choses ?

R - C’est un dialogue qui est régulier - ils se parlent régulièrement au téléphone - mais c’est un dialogue qui est exigeant. C’est un dialogue qui est parfois difficile, parce que la situation est difficile. Mais c’est un dialogue dont on a espoir qu’il aboutira, encore une fois, sur une solution diplomatique au conflit, et il est important de continuer à parler au Premier ministre israélien dans ces circonstances.

Q - Le dialogue se poursuit donc. Remontons encore un peu dans le temps, si vous le voulez bien, Christophe Lemoine. Nous sommes le 25 octobre [2023] et Emmanuel Macron propose une coalition internationale contre le Hamas. Mais il est seul, l’idée ne fait pas son chemin. Avec du recul, vous estimez aujourd’hui que c’était une erreur ?

R - Je pense qu’encore une fois l’idée, dans ce conflit, c’est de faire en sorte que nous puissions aboutir à un règlement diplomatique de la crise. Cela passe par, d’abord, encore une fois, comme je le disais, le cessez-le-feu et la libération des otages pour ce qui concerne Gaza. Les discussions sont en cours. Vous rappelez une initiative qui est déjà assez ancienne. Aujourd’hui, nous sommes toujours dans un cycle de discussions avec l’ensemble des parties prenantes pour, justement, aboutir à une solution diplomatique à ce conflit.

Q - Un mot également sur l’Iran. À quel point, pour la France, aujourd’hui Téhéran représente un danger pour la région ?

R - Encore une fois, la France entretient des relations diplomatiques avec l’Iran. Il y a un dialogue qui est aussi engagé avec Téhéran. C’est là aussi un dialogue qui est extrêmement complexe, un dialogue qui est difficile et un dialogue qui est exigeant, mais un dialogue qui existe parce que toute solution diplomatique ne pourra aboutir que sur la base du dialogue avec l’ensemble des parties prenantes.

Q - Les discussions se poursuivent, donc ?

R - Les discussions se poursuivent.

Q - Merci beaucoup, Christophe Lemoine, d’avoir aujourd’hui accepté l’invitation de France 24.

R - Merci infiniment.

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Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères