Chronique de Florence Gros, directrice de la Fondation OCH, sur Radio Notre Dame – 22 octobre 2024
Fin septembre Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale a exprimé son souhait de réexaminer avant la fin de l’année, le projet de loi sur la fin de vie qui avait été interrompu par la dissolution de l’assemblée en juin dernier. Puis, début octobre, le premier ministre a précisé que le travail parlementaire reprendrait sur la base du texte amendé et voté avant la dissolution. Michel Barnier a dit qu’il voulait faire les choses sérieusement, avec gravité, car cela touche à la conscience. Il veut entendre les familles, respecter les soignants. Mais comment rester confiant quand le premier ministre dit qu’il veut gagner du temps et que l’ordre des priorités n’est pas partagé par tous. Pour Claire Fourcade, présidente de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), la vraie priorité est d’améliorer l’accès aux soins, notamment ceux qui sont en fin de vie. Après la dissolution, une parenthèse nous a été offerte. Celle-ci nous a donné un espace pour que s’expriment des témoignages et fortifier notre vigilance.
Simon : A quels témoignages pensez-vous ?
Olivier Goy, par exemple, chef d’entreprise et atteint de la maladie de Charcot, une maladie neurodégénérative mortelle qui se traduit par une paralysie progressive des muscles. Après le succès du film Invincible été dont il était le principal protagoniste, il vient d’écrire un livre avec Anne Fulda, journaliste : « Derrière le sourire, le combat d’une vie ». C’est une ode à la vie, c’est le témoignage d’un combattant qui veut mieux faire accepter le handicap. Olivier n’a pas perdu ses capacités intellectuelles. Sa façon de regarder la mort paisiblement, son humour, sa soif de vivre interpellent et nous invitent à aimer la vie avec ses fêlures, y compris lorsque la maladie est bien présente. Son livre s’adresse aux malades bien sûr mais aussi aux aidants. Ils sont souvent épuisés et souffrent de voir leurs proches diminués dans leurs capacités, jusqu’à douter parfois de la légitimité de leur vie.
Simon : Vous voulez dire, Florence, que la question soulevée par ce texte de loi est celle de la légitimité, de la valeur de certaines vies ?
Oui Simon, et c’est aussi ce que nous dit Claire Dierckx, également atteinte d’une maladie neurodégénérative. Elle partage avec Olivier cette soif de vie immense et ce goût des autres. Elle est belge de nationalité et jeune mariée. Dans un livre qui vient de paraitre : « L’amour coûte que coûte », elle revient sur l’expérience tragique de son père. Atteint de la même maladie qu’elle, il a demandé et obtenu l’euthanasie. Claire a alors trente ans. Comment réagir à cela ? Comment ne pas se laisser envahir par la souffrance et le découragement ? Comment ne pas céder à la même tentation de tout arrêter ? Dans sa recherche de réponse, Claire rencontre Dieu qui, depuis, la relève à chaque fois qu’elle tombe. Aujourd’hui elle parie sur la vie et veut témoigner auprès des personnes qui se sentent un poids pour la société : non, la maladie n’empêche pas de donner et de recevoir. Non l’euthanasie n’est pas un acte d’amour, cette confusion est même malsaine. La toute-puissance ne laisse aucune place à l’amour. Au contraire, c’est au coeur de nos fragilités que naît notre capacité à aimer et à nous laisser aimer. Ne serait-ce donc pas là que réside la valeur de nos vies, au cœur même de nos fragilités ?
Chroniques animées par par Simon Tatreaux, journaliste et présentateur de Radio Notre Dame.