Q – Est-ce que M. Jean-Noël Barrot, qui a affirmé hier qu’il prenait sur lui, sur la France et ses organismes spécialisés, l’application ou la mise en réalisation des décisions qui ont été prises hier à la conférence, y compris les aides financières, les aides en espèces et en matériel divers ?
R - La conférence d’hier, qui était une Conférence de soutien à la population et la souveraineté du Liban, a été l’occasion de revoir différents points, et le Ministre a été extrêmement clair lors de sa conférence de presse : il y a des résultats qu’il convient d’obtenir, et le Ministre a réitéré la nécessité d’une pleine application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est le point absolument clé pour que nous puissions nous orienter vers une stabilisation et un retour au calme dans la région. Et cela va de pair avec le volet de redéploiement des forces armées libanaises au sud du Liban, en coopération étroite avec la FINUL. L’armée libanaise a toute sa part dans le règlement diplomatique du conflit.
Au-delà, et comme je vous le disais dans mes propos liminaires, il y a eu tout un volet d’aide humanitaire qui a été apporté, puisque c’est près d’un milliard de dollars qui ont été collectés hier pour l’aide humanitaire ainsi que pour le soutien aux forces de sécurité libanaises. Le Ministre l’a dit hier et l’a redit en conférence de presse, la France se tient aux côtés du Liban et des civils libanais. Et l’horizon que nous espérons, c’est celui d’un État fort, souverain et disposant du monopole de la force légitime, capable d’assurer la stabilité et la sécurité du pays, selon les termes qu’il a utilisé hier dans sa conférence de presse et que je ne peux que vous redire. Bien évidemment, l’ensemble des discussions qui ont eu lieu hier ne sont qu’une étape et auront vocation à être prolongées. Mais en tout cas, les résultats pour la conférence d’hier sont là, notamment en termes d’aide. Et bien évidemment, nous serons heureux de faire un suivi, dans les semaines à venir, de cette aide.
Q - L’association de patronat israélien a déposé il y a deux jours une plainte contre la décision française concernant la participation israélienne au salon Euronaval. Qu’est-ce que cela veut dire, au niveau des relations bilatérales entre les deux pays ?
R - Je n’ai pas connaissance de plainte qui aurait été déposée. Il y a des déclarations des ministres israéliens qui indiquent que cela pourrait être le cas, mais pour le moment, à ma connaissance, cela n’existe pas. Mais pour reprendre un peu les éléments, moi j’ai entendu des ministres israéliens disant qu’il y aurait des conséquences à cette décision, mais c’est tout, pour le moment.
Il n’a jamais été question d’interdire la participation des entreprises israéliennes à des salons commerciaux en France, et rien dans la position du gouvernement français peut être assimilé à un boycott à l’encontre des entreprises israéliennes à Euronaval. Encore une fois, notre soutien à Israël dans son droit à se défendre n’a jamais souffert d’exception ni d’équivoque ; en témoigne notamment la décision de maintenir l’exportation de composants pour le Dôme de fer. En revanche, alors que la diplomatie française appelle clairement à un cessez-le-feu à Gaza et au Liban, qui pour nous est la seule voie pour enrayer l’escalade, parvenir à la paix et à la stabilité dans la région, il serait complètement incohérent de donner lieu à une quelconque promotion des armes utilisées à Gaza et au Liban, entraînant des dommages inacceptables pour les populations civiles. Donc, en conséquence de tout cela, nous avons indiqué aux autorités israéliennes que la participation des entreprises israéliennes sous forme de stands devait respecter cet équilibre qui est celui de la position de la France.
Concrètement, les entreprises dont les équipements ne sont pas utilisés dans des actions offensives à Gaza et au Liban pourront naturellement disposer de stands lors du salon.
Q - Le ministre israélien des finances Bezalel Smotrich sera en France le 13 novembre, notamment pour participer à un gala. Envisagez-vous des sanctions contre le ministre ayant déclaré que laisser mourir de faim les habitants de la bande de Gaza pourrait être justifié et moral ?
Deuxième question, votre position par rapport au plan Eiland - y a-t-il besoin de précisions sur ce plan ? Sinon je le fais -, un plan, donc, d’Israël qui consisterait à vider le nord de Gaza des civils, puis à assiéger la zone, la coupant de toute aide humanitaire afin de forcer à la reddition les membres du Hamas, le tout au mépris de la vie des civils qui sont encore dans la zone.
Et dernière question, la France est-elle déterminée à ne pas s’impliquer dans les plaintes déposées auprès de la CPI et de la CIJ concernant le génocide commis par Israël à Gaza ?
R - Je vais prendre vos questions dans l’ordre.
S’agissant de la visite de M. Smotrich pour un gala à Paris, il a toute possibilité de venir participer à un gala à Paris. Il y a eu plusieurs déclarations qui ont été faites par le porte-parole ou par le Ministre dernièrement sur les déclarations de M. Smotrich – on a eu l’occasion à plusieurs reprises de condamner ses propos. Il a tenu des propos sur la Cisjordanie et sur Gaza que nous avons continuellement condamnés et nous le referions s’il devait tenir des propos qui nous sembleraient aller à l’encontre d’une désescalade dans la région et d’un règlement pacifique de la situation.
Sur le plan que vous signalez, le plan Eiland, je vais simplement vous rappeler la position française. Notre position est connue et constante : s’agissant de la bande de Gaza, l’accès à l’aide humanitaire doit être massif et ouvert. Nous constatons qu’aujourd’hui que les entrées d’aide humanitaire dans la bande de Gaza n’ont jamais été aussi faibles, alors que les frappes sur les infrastructures civiles se multiplient. Nous sommes conscients que la situation est préoccupante dans le Nord, où il y a énormément d’évacués et de victimes civiles. Nous avons souvent rappelé aussi que l’ensemble de ces éléments était contraire au droit international. Et nous avons toujours appelé Israël à respecter le droit international, et donc à assurer la protection permanente de tous les civils et à faciliter l’accès à la population de l’aide humanitaire, conformément à ses obligations au titre du droit international, qui encore une fois s’imposent à tous. Il faut que cette guerre cesse, et il faut que nous puissions arriver, dans un premier temps à un cessez-le-feu avec une libération des otages ; et ensuite, à un règlement politique de la situation.
S’agissant de votre dernière question, encore une fois, je vais vous rappeler des déclarations que j’ai eu l’occasion de faire à plusieurs reprises. La France soutient sans condition l’action des cours internationales, et notamment de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale. Nous avons toujours montré notre soutien de ces deux institutions. Nous avons toujours dit que nous défendrions toujours le respect du droit international. S’agissant des procédures que vous mentionnez, je crois que je n’ai pas de commentaires supplémentaires à faire aujourd’hui.
Q - Juste pour rebondir sur la question sur Euronaval. Donc si votre position est bien que les entreprises qui vendent des armes qui pourraient être utilisées ensuite à Gaza ou au Liban n’ont pas le droit de venir, comment est-ce que vous allez faire la différence ? À qui incombe la responsabilité d’établir si ces entreprises vendent oui ou non des armes qui pourraient être utilisées ensuite dans des possibles crimes de guerre ?
Deuxième question, qui n’a rien à voir, sur le Liban : l’Italie va organiser une conférence de soutien à l’armée libanaise bientôt, ça a été dit hier. Vous allez participer ? Et si oui, comment ? Qui est ce que vous allez envoyer ? Qu’est-ce que vous espérez de cette conférence ?
R - Sur Euronaval, je vais vous redire la position : il n’y aura pas de stands d’entreprises qui fournissent des armes qui sont utilisées actuellement lors des opérations à Gaza et au Liban. Il y a un système de vérification pour s’assurer que les entreprises qui exposeront du matériel lors du salon Euronaval ne sont pas les entreprises qui fournissent de l’armement utilisé dans les opérations à Gaza et au Liban. Concrètement, il y a un examen plus précis des entreprises qui ont demandé des accréditations et des stands. Je pense que si vous avez besoin de précisions supplémentaires, c’est à nos collègues du ministère des Armées qu’il faut adresser vos questions, puisque c’est eux qui réalisent l’ensemble de ces vérifications.
Sur votre deuxième question sur la conférence de soutien organisée par l’Italie, comme je vous le disais dans mes propos liminaires, la France soutiendra tous les efforts qui participeront aux objectifs fixés lors de la Conférence de soutien au peuple et à la souveraineté du Liban organisée hier. C’est ce qu’a rappelé notamment le Haut représentant de l’Union européenne, M. Borrell : l’Union européenne et l’ensemble des pays européens sont mobilisés sur tous ces efforts. Donc évidemment, toute initiative qui sera prise, a fortiori par un État membre de l’Union européenne, pour aller dans le sens d’un renforcement des forces de sécurité libanaises sera bienvenue. À ce stade, je n’ai pas plus de détails à vous donner sur le niveau et les conditions de participation de la France, mais lorsque j’aurai ces informations, je serai heureux de vous les donner.
Q - Que pensez-vous de l’envoi par la Corée du Nord de nouveaux soldats pour combattre à côté des Russes contre l’Ukraine ?
R - C’est effectivement un point d’attention extrêmement fort, et notre vigilance est totale sur ce point-là. Le déploiement de soldats nord-coréens sur le territoire ukrainien, s’il était avéré, serait grave et constituerait une nouvelle étape dans le renforcement de la relation de défense entre la Russie et la Corée du Nord. Il y a déjà eu des preuves du soutien de Pyongyang à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. C’est un soutien que nous condamnons, et nous considérerions que ce serait un acte hostile qui aurait des conséquences directes sur la sécurité des Européens. C’est d’ailleurs le sens de la déclaration qui a été faite par les États membres de l’Union européenne hier – je vous y renvoie.t. Cela constituerait en outre une forme d’internationalisation du conflit, avec l’arrivée d’un acteur asiatique qui serait pleinement aux côtés de la Russie.
Ce serait pour nous une nouvelle étape dans l’escalade qui a lieu en Ukraine.
Q - Je reviens à la conférence, j’ai des questions. La première c’est qu’il y a trois participants importants dans ce conflit dont on dit absents, mais qui n’étaient pas conviés, c’est Israël, l’Iran et le Hezbollah. Comment on peut implémenter les décisions sans ces participants à cette conférence ? Et la deuxième chose, c’est quand est-ce qu’on saura quelle est l’application pratique de toutes les décisions qui ont été prises ?
R - Pour répondre à votre question, je vais déjà reprendre quelques éléments pour vous dire qu’Israël n’était pas invité, mais Israël était informé en amont de cette conférence, et cela a été fait en lien avec les autorités israéliennes, donc je pense que pour elles, ce n’était pas une surprise. Le Hezbollah n’est pas un opérateur étatique, et l’Iran n’a pas été convié parce qu’il en a été décidé ainsi.
Comme je vous l’ai dit, cette conférence avait trois piliers. Il y a deux piliers qui sont d’application assez immédiate vis-à-vis du Liban : tout ce qui concerne l’aide humanitaire et le soutien aux forces de sécurité, c’est une question qui a été vue avec les autorités libanaises. Et sur ces deux points-là, je pense que l’absence des trois interlocuteurs que vous citez n’est pas un obstacle à la bonne réalisation des objectifs de la conférence. Sur le volet diplomatique, je vous renvoie à l’ensemble des efforts qui ont été déployés par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, depuis plusieurs semaines. Le dialogue est ouvert avec toutes les parties prenantes. Il s’est notamment rendu au Liban fin septembre, il a ensuite fait une tournée régionale. Il s’est rendu notamment en Israël où il a rencontré son homologue et les autorités israéliennes, et le Liban a été l’un des sujets de leur discussion. Donc la question du volet diplomatique fait l’objet de discussions permanentes. Il y a cette proposition franco-américaine de cessez-le-feu qui avait été mise sur la table au moment de l’Assemblée générale des Nations unies. Toutes ces initiatives qui sont prises afin d’obtenir un cessez-le-feu et puis d’enclencher une résolution diplomatique font l’objet de discussions, tout particulièrement avec les autorités israéliennes. Donc le fait qu’elles n’aient pas été présentes hier ne constitue pas un obstacle à la poursuite du volet diplomatique qui, encore une fois, a été initié dès le début des frappes israéliennes sur le Liban et qui continuera vers ce qu’on espère être l’obtention d’un cessez-le-feu et une solution diplomatique, en incluant l’ensemble des protagonistes concernés.