“La FIFA est la pom-pom girl de l’Arabie Saoudite”. Une centaine de joueuses de football ont dénoncé, ce 21 octobre, le partenariat entre la FIFA et le groupe pétrolier Saudi Aramco, aussi appelé Aramco, propriété du royaume d’Arabie Saoudite. En cause : les droits humains et la crise climatique.
“Le sponsoring d’Aramco est un doigt d’honneur pour le football féminin.” La pilule ne passe pas et la missive a le mérite d’être claire. Dans une lettre adressée à la FIFA, 120 joueuses professionnelles du monde entier s’indignent de la signature du partenariat entre l’instance du football mondial et le groupe pétrolier propriété de l’Arabie Saoudite, Aramco, jusqu’en 2027.
En cause premièrement le non-respect des droits humains et particulièrement de ceux des femmes. “Il s’agit d’un régime qui, en janvier 2023, a condamné une doctorante de Leeds, hygiéniste dentaire et mère de deux enfants, Salma al-Shehab, à 27 ans de prison suivis d’une interdiction de voyager de 27 ans pour avoir retweeté en faveur de la liberté d’expression” prend pour exemple le collectif de joueuses, qui cite aussi notamment les 11 ans d’emprisonnement de la coach de fitness Manahel al-Otaibi, qui a promu l’autonomisation des femmes sur les réseaux sociaux.
Les joueuses, parmi lesquelles nous retrouvons 5 françaises – Daïna Bourma, Jeanne Hillion, Rosalie Chaine, Emmy Jézéquel et Elisa Rambaud – ou de nombreuses internationales qui jouent dans les plus grands clubs, dénoncent donc un “sponsoring cauchemardesque”, qui va a l’encontre des engagements de la FIFA, déjà largement contestés par l’organisation des Coupe du Monde 2018 (Russie) et 2022 (Qatar), et de celle de 2034, qui aura justement lieu en Arabie Saoudite.
“En plus de financer le régime saoudien, Aramco est l’un des plus grands pollueurs de la planète où nous vivons tous” a commenté Jessie Fleming, capitaine du Canada (132 sélections) et joueuse de Chelsea FC. “En acceptant le sponsoring d’Aramco, la FIFA choisit l’argent plutôt que la sécurité des femmes et la sécurité de la planète – et c’est une chose contre laquelle nous, en tant que joueuses, nous opposons ensemble.”
L’environnement aussi au coeur de la lettre
Les sportif(ve)s sont de plus en plus nombreux à faire porter leurs voix pour la cause climatique. Les skieurs s’étaient fait entendre auprès de la FIS, les ultra-traileurs auprès de l’UTMB. Les joueuses de football auprès de la FIFA, donc.“En tant que plus grande entreprise pétrolière et gazière publique au monde, Saudi Aramco est l’une des sociétés les plus responsables de la destruction de l’avenir du football. Le monde est détruit par les chaleurs extrêmes, la sécheresse, les incendies et les inondations. Alors que nous en payons tous les conséquences, l’Arabie Saoudite engrange ses bénéfices, avec la FIFA comme pom-pom girl” assènent avec justesse les footballeuses.
Les investissements des pétroliers dans le sport sont très importants. Une récente étude du think tank britannique New Weather Institute évaluait celui d’Aramco à 1,1 milliard d’euros, un chiffre largement sous-estimé, qui fait néanmoins du Partenaire mondial majeur de la FIFA la première compagnie pétro-gazière dans le sport, devant Ineos ou TotalEnergies, jamais avares de sportwashing.
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Si la FIFA semble avoir vendu ses principes, selon les propos des joueuses, depuis un certain temps, elle est triplement questionnée en fin de lettre par les signataires, qui vont droit au but : “Comment la FIFA peut-elle justifier ce parrainage compte tenu des violations des droits humains commises par les autorités saoudiennes ? Comment la FIFA peut-elle défendre ce parrainage compte tenu de la responsabilité importante de Saudi Aramco dans la crise climatique ? Et quelle est la réponse de la FIFA à notre proposition de création d’un comité d’évaluation avec représentation des joueurs ?”
Les joueurs et joueuses veulent avoir leur mot à dire, alors que les décisions qui vont à l’encontre de la santé des sportif(ve)s, des droits humains et de la planète se multiplient au sein d’instances sportives affamées de pouvoir et d’argent. Et s’ils et elles devenaient nos meilleur(e)s garde-fous ?